Piera, j'espère que de pouvoir t'épancher comme tu l'as fait sur ce fil et sur l'autre t'apportent beaucoup. Tu en as manifestement grand besoin et cela se comprend. Pierre est mort depuis si peu de temps. Le fait d'avoir été en osmose sur la fin de son chemin est certainement aidant dans les premiers temps et cela te permet d'être en recherche, dès maintenant, d'aides pour avancer sur le long chemin du deuil.
Long chemin ne veut pas dire allée sombre, bordée en permanence d'endeuillés vêtus de noirs qui pleurent du matin au soir toutes les larmes de leur corps, qui entrainent dans une spirale négative. Non, tu vas vite le constater, par le biais de ce forum notamment, le chemin est tortueux, semé d'embuches, il n'a pas de fin (mais qu'il ait ou non une fin n'est pas l'essentiel), il est composé d'étapes par lesquelles nous passons tous, que nous négocions différemment, à des moments de deuil plus ou moins identiques, que nous acceptons ou non, qui nous font parfois "avancer" ou "régresser". Le deuil est une sacrée aventure, subie puis vécue... épuisante mais également, curieusement, enrichissante.
Ce forum est une béquille, un garde fou, un espace de liberté à nul autre pareil. Ici pas de compte à rendre, de masque à porter. Nombreux sont ceux qui y ont trouvé la force de remettre le nez hors de chez eux, de recommencer à se nourrir, à échanger et rencontrer de nouvelles personnes (oui, des endeuillés, car dans un premier temps c'est plus facile, il y a une compréhension immédiate du vécu et du ressenti mais cela ne veut pas dire se cantonner à ne plus fréquenter que des endeuillés à vie), des outils insoupçonnés et plus que tout une écoute bienveillante.
Que l'on se sente, se dise, se croit, soit forte (ou fort) si peu de temps après le décès de la personne que l'on aimait est sans doute une excellente dynamique pour s'emparer de toutes les aides qui se présentent : familiales & amicales (si elles sont là, bienveillantes, apaisantes), médicamenteuses (certaines personnes en ont besoin, d'autres pas, sur courte durée ou plus), "psy" (séances individuelles, groupes de paroles, EMDR, Ho'oponopono, ...), lectures (la boite à outils du forum est une mine d'or à ce sujet), méditation... et j'en oublie. Ce forum, c'est une énorme chance, permet justement la mutualisation à ce niveau.
Les Rita Mitsouko chantaient : "les histoires d'amour finissent mal en général". C'est vrai pour la majorité des endeuillés de ce forum qui ont aimé, aimaient et dont l'histoire s'est terminée tragiquement par le décès de l’Être aimé . Mais il y a aussi, derrière certains écrans d'ordinateurs, des endeuillés dont l'histoire est différente, qui n'aimaient pas ou plus et qui ont accompagné tout de même, ou qui étaient fraichement séparés lorsque le décès de "l'ex" s'est produit, qui n'ont donc pas accompagné mais qui sont également en deuil de cette personne avec laquelle un chemin de vie - parfois très long - a été réalisé, avec parfois des enfants en héritage de cette histoire. C'est là aussi très douloureux car très complexe.
Il y a ceux qui ont accompagné durant 15 ans, 10 ans, 3 ans, 6 mois, 15 jours ... en composant avec ce qu'ils sont (ou étaient, ne nions pas les transformations du deuil sur nous...), ce qu'était la personne malade qui est morte, ce qu'était la relation avant la maladie et pendant... accompagnement plein d'amour et le plus paisible possible, accompagnement douloureux, accompagnement conflictuel... autant d'accompagnements que d'histoires et jamais d'accompagnement parfait ou imparfait. Pourquoi comparer ? se culpabiliser ? Chacun, chacune, dans ce moment intime de l'histoire a fait ce qu'il a pu, comme il a pu (sinon il aurait fait autrement ...). Bien sûr, avec le recul, il est toujours possible de ré écrire l'histoire, de s'autoflageller de "j'aurais du", "si j'avais su"... pour rien.
Il y a aussi ceux et celles qui ont pris la mort de l’Être aimé de plein fouet : durant le sommeil, par accident, crise cardiaque, noyade, suicide... qui, parfois, l'ont embrassé tendrement ou négligemment, sur le pas de la porte, au petit matin, sans savoir que c'était les derniers moments de vie de leur Amour, que c'était le dernier contact. Le dernier mot a pu être un mot d'amour ou une considération banale du quotidien ou un reproche... la vie a basculé en un instant et il a fallu (et il faut) faire avec, faire maintenant sans.
Il y a ceux qui écrivent et ceux qui viennent lire, sans écrire, pour des raisons qui leurs appartiennent. Nous sommes là, sur ce forum, souvent ou rarement, avec notre point commun qu'est le deuil et toutes nos différences, pour nous apporter mutuellement, nous soutenir.
Longue vie à cette chaine de solidarité (une grande pensée plein d'affection pour toi Yacine au passage), qu'elle puisse t'accompagner Piera dans les jours où tu seras forte et où tu auras à apporter aux autres et également, et surtout, dans les jours plus sombres, plus difficiles, où elle sera comme un phare dans la tempête, qui te permettra de passer le mauvais cap pour naviguer à côté, en eaux plus paisibles, et continuer ta route telle que tu la construiras, avec ta fille et avec, pour l'éternité, Pierre au fond de toi, comme une aide au présent, sans entrave pour l'avenir.
La plus douce journée possible à toi et à ceux et celles du forum qui passeront par ce fil.
Je t'embrasse
Viviane