Mes parents sont décédés à 83 et 88 ans, à 3 ans d'intervalle. J'ai eu la chance de les avoir longtemps près de moi.
A la mort de ma mère, partie en dernier, j'ai dit à ma femme, qui elle n'avait déja plus ses parents, "maintenant nous sommes en première ligne". Mais dans mon esprit, ce n'était qu'une phrase, une réflexion comme on peut s'en faire à la cinquantaine, quand les enfants ont grandi et commencent à voler de leurs propres ailes, quand on commence aussi à se retourner un peu sur le passé et à regarder le chemin qu'il nous reste à parcourir. Au fond de moi je pensais, si nous vivons aussi vieux qu'eux, il nous reste du temps pour profiter de la vie. Hélas, il y avait ce "si"...
Un peu plus d'un an après, elle est tombée malade et dans les derniers mois de sa vie, je me suis dit que mes parents avaient eu beaucoup de chance, et moi avec eux alors. Non seulement ils avaient vécu jusqu'à un âge raisonnable, mais malgré les malheurs de la guerre qu'ils avaient connus, ils avaient fait tout ce chemin côte à côte, main dans la main; et plus que tout, ils étaient morts l'un et l'autre dans leur lit, en oubliant de se réveiller le matin, sans avoir souffert véritablement d'autre chose que des petites misères de l'âge. Le départ des aînés étant dans l'ordre normal des choses, ce fut pour moi, à l'époque, un élément de réconfort. Je ne savais pas, je n'aurais même jamais imaginé ce qui m'attendait quelques mois après.
Aujourd'hui encore, comme lorsqu'elle est partie, j'éprouve cette colère et ce sentiment d'injustice face à la maladie qui a détruit à petit feu ma Michelle avant de l'emporter, à un âge où, de nos jours, on se considère comme encore assez jeune, pour avoir plein de projets en tête.
Je sais que plusieurs ici, ont été touchés à des âges encore bien plus précoces; je pense à eux, et j'imagine qu'ils éprouvent les mêmes sentiments que moi.