Je suis au bureau, heureusement seule devant mon ordinateur, et me passe en boucle des photos. Je suis mal, très mal. Sur toutes les photos, il rit, il fait des grimaces, il vit, il me prend dans ses bras. Et je réalise encore plus durement qu'il n'est plus là. J'ai envie de parler de lui, mais à qui. Mes collègues sont toute jeune, l'une est enceinte et n'a pas envie d'entendre des choses tristes, normal. Mes filles, je ne veux pas raviver leur chagrin. Ecrire, je le fais tous les soirs, mais je me sens si seule. Il me manque tellement. C'était un homme gai, qui avait de l'humour, qui juste en me serrant dans ses bras il arrivait à me rassurer, à ôter les problèmes de la journée. Il restait charmeur, même après tant d'années passées ensemble. Les copines de mes filles le traitaient de "beau gosse". Nous avions 8 ans de différence, mais ça ne se voyait pas. Et en même temps, il se fichait complètement de son aspect, c'était une vrai galère pour l'amener en ville pour s'habiller. Quand nous étions dans notre maison du Limousin, il était toujours habillé en jeans déchirés, en vieux sweat, à courir les rivières à truites, ou les coins à champignons.
Je disais à mes filles ce WE que je n'arrive plus à lui trouver de défauts, et pourtant, comme tout le monde il en avait. Il n'y a que les bons souvenirs qui surgissent, les bons moments passés ensemble, les voyages que nous avons faits. Les engueulades n'arrivent plus jusqu'à mon cerveau, et pourtant, il y en a eu. Mais les réconciliations étaient si agréables.
Je ne devrais pas regarder ces photos, je sais que ça va me faire mal. Mais je ne peux pas m'en empêcher, et je pleure sur ce bonheur perdu, et surtout sur ce qu'aurait dû être notre vie, sur notre avenir que nous voyions ensemble. Nous nous voyions vieillir ensemble, mais en même temps je ne me suis jamais vue petite vieille auprès de lui... J'ai l'impression de ressasser toujours les mêmes choses mais il n'y a qu'ici que je peux parler de lui librement. ça me soulage, même si vous ne le connaissiez pas, j'en ai besoin.
J'avais l'impression d'aller à peu près bien ce matin. J'ai fait de l'aquarelle avec deux amis, nous avons parlé de tout et de rien. J'avais juste l'ombre de Fabrice qui planait derrière moi en me disant "c'est pas mal". Tant qu'ils ont été là, ça a été. Mais dès que j'ai refermé la porte de la maison, ça n'a plus été du tout. Je ne supporte pas la solitude, le silence de la maison, le fait de me manger seule. Je n'arrive pas à reprendre le poids que j'ai perdu. Lui qui aimait les rondeurs, il me trouverait horrible.
La télé ou la radio sont toujours allumées, alors que je ne regardais que rarement la télé, toujours un livre à la main. Les livres, je n'arrive plus à me concentrer dessus. Alors que la télé fait un bruit de fonds qui me fait me sentir moins seule.
Je voudrais être plus vieille d'un an au moins, pour ressentir ce mieux-être dont vous parlez. Je sais que c'est un passage obligé, mais j'ai l'impression que jamais je n'irais mieux, je l'aimais trop, j'ai trop perdu en le perdant, et mes enfants aussi.
J'espère ne pas vous lasser, j'ai besoin de parler, d'écrire, d'être écoutée, et malheureusement il n'y a que vous qui puissiez comprendre ce que je ressens. Je n'ai toujours pas été chercher les anti-dépresseurs, j'essaye de tenir sans. Juste des somnifères qui n'arrivent à me faire dormir qu'environ 3 h par nuit. Je retourne voir la psy dans 15 jours. Arrivera t-elle à m'apporter quelque chose ? Je ne sais pas. Je suis épuisée physiquement et moralement. Creux de la vague cet après-midi, j'espère remonter un peu à la surface demain.
Nathalie