Bonjour,
Je vous ai lu, je me suis reconnu, et j’ai voulu moi aussi crier ma peine. Sandrine est partie un matin de décembre, et depuis le temps est long, le silence pesant, et la suite des années à venir si incertaine. Que faire de tout ce temps qui me reste sans elle ?
J’avais besoin de me confier, mais qui peut mieux me comprendre que des personnes sur le même chemin, même si chacun vit son deuil à sa façon.
Alors voilà, j’ai voulu m’exprimer et me voilà devant vous. Je ne sais si cela va me réconforter, peut-être, mais j’ai besoin de rendre hommage à cette belle personne, Sandrine, vaincue après de nombreux combats, le 19 décembre 2018, à 45 ans. Elle était mon premier et seul amour, j’étais son premier et seul amour…
Sandrine avait affronté 2 cancers : un cancer du sein en 2011, avec mammectomie, chimiothérapie avec son cortège dégradant mais elle s’est bien battue et la rémission a été la récompense. Mais en 2012, un mélanome au milieu du dos, pourtant, elle n’était pas adepte du bronzage. Fatalité, quand tu nous tiens. Donc à nouveau une opération pour enlever ce nouveau cancer avec une très longue balafre dans le dos. Avec la cicatrice devant à la place d’un sein, le qualificatif de « ma petite guerrière » était approprié… Et puis vient le temps de la reconstruction, mentale pour oublier qu’on est peut-être en sursis, reconstruction physique avec pas mal d’opérations du sein pour avoir un résultat qui lui redonnait son statut de femme, même si ce n’était plus comme avant et qu’elle n’osait plus mettre de décolleté. Mais bon ce n’est pas grave, la vie reprend, avec pendant 5 ans un suivi, arrêté l’année dernière, en 2017, car la médecine considère que 5 ans sans récidive, cela est suffisant pour être sortie d’affaire. Reconstruction professionnel aussi car plus possible de porter du poids du côté atteint, donc la voilà partie en formation, puis des remplacements et enfin cette année, en août, après des vacances au bord de l’océan, un CDI. Mais aussi un mal de ventre. Peut-être des fruits de mers qui sont mal passés. On reste naïf…
Et donc c’est reparti, échographie qui montre une masse abdominale qui fait penser à un nouveau cancer, puis TEP Scann en septembre, un truc qui vous montre l’état des métastases. Le toubib nous reçoit, mais à son attitude, je vois qu’il y a un truc, et qu’il ne dit pas tout. J’arrive à la voir seul à seul et il se dit très étonné qu’avec l’étendu des lésions, on n’ait rien vu avant. La semaine d’après, j’ai le résultat en main. Sandrine ne veut pas savoir pour mieux combattre, il est plus facile de se battre quand on pense gagner. Mais moi, je regarde, je n’aurais pas dû… la partie abdominale n’est plus qu’une masse métastasée, également dans les os, les ganglions, les muscles… Je garde cela pour moi, je ne veux pas que les enfants, les parents baissent les bras. Je veux du soutien positif, pas de la pitié pour Sandrine.
Et puis, c’est le début du chaos. Un craquement au cou un soir de septembre, conséquence d’une métastase cervicale qui lui a donné jusqu’à la fin des céphalées permanentes avec irradiation sur le bras droit. Une biopsie est réalisée pour connaître l’origine du cancer, reportée 2 fois à cause de cette douleur cervicale, on perd du temps car en attendant, on ne traite pas le cancer, mais cela n’aurait rien changé.
14 octobre : on revient d’une courte balade et là, elle fait un AVC partiel. Mais c’est quoi ce cancer ! Après analyse, elle a aussi une métastase dans le cœur qui projette des particules dont une vient de provoquer cet AVC. Mais bon, elle récupère tant bien que mal, avec des petites séquelles tout de même. C’est là que tu t’aperçois qu’une situation de non-retour s’installe doucement.
Le résultat de la biopsie revient, enfin. C’est un mélanome, donc protocole d’immunothérapie, c’est très efficace parait-il pour ce type de cancer. Je vois le docteur en particulier, j’ai besoin de savoir si on ne nous cache rien. En fait, ils ne savent pas ce c’est, sinon que c’est très agressif et que ça se rapproche le plus d’un mélanome, donc on traite comme si… je garde encore cela pour moi…
Entre temps, une métastase au niveau lombaire lui provoque une grosse sciatique. Une boule apparait sur son bras droit, d’autres trucs bizarres aussi. Les médicaments contre la douleur la rendent nauséeuse, incohérente. Elle ne mange plus, uniquement par perfusion. Et depuis quelques temps déjà, elle a un je ne sais quoi de neurologique, histoire qu’elle ne puisse plus contrôler ces mouvements, au point de ne plus pouvoir se gratter ou attraper un médicament : peut-être des effets secondaires de médicaments, on ne saura pas.
A partir de cette date du 14 octobre, elle est revenue 2 fois à la maison, tout y était organisé, lit médicalisé, infirmière… mais toujours très peu longtemps car trop faible pour rester sans observation permanente. Pourtant, oh combien elle voulait rester chez elle et dormir près de moi, même si dans 2 lits distincts.
Et puis, le 5 décembre, à la maison, un autre AVC, total cette fois. Le chirurgien, vu son âge est d’accord pour l’opérer : Thrombectomie qui marche bien, ouf..
A partir de ce jour, je ne la quitte plus, je dors dans les hôpitaux, clinique, on partage les gardes avec sa maman pour qu’elle ne soit jamais seule.
Mais 3 ou 4 jours d’espoir suffisent, alors nouvel AVC, total et non opérable cette fois ci. Cela aurait pu être un AVC du côté douloureux histoire d’enlever la douleur mais non, de l’autre côté. Donc, la voilà paralysée à gauche, douloureuse à droite. Encore 3 ou 4 jours et cette fois-ci elle est paralysée aussi à droite. Plus moyen de parler non plus. Fichu cancer qui ne nous permet même plus de partager avec Sandrine ses derniers instants et de la rassurer. Et pour continuer, elle respire difficilement, s’étouffant dans ses sécrétions tous les 15 minutes. Tout cela en lui laissant la conscience de tout ce merdier.
18 décembre : le soir
Je suis à ses côtés, la température est constamment au-dessus de 39,5°C depuis 2 jours, des escarres viennent de faire leur apparition au niveau de l’oreille droite, et également sur le côté droit du crâne, à l’arrière. Le talon droit n’est pas épargné. La dénutrition, la chaleur, l’immobilité… un cocktail explosif pour les escarres.
Difficile de voir celle que l’on aime se dégrader à ce point. Et difficile à dire, mais on en vient en penser : pourvu qu’elle ne souffre plus trop longtemps…
Elle respire difficilement. Les apnées sont de plus en plus longue, jusqu’à 40 secondes.
Le pouls est irrégulier entre 140 à 75 battements par minute, irrégulier et peu perceptible à gauche, la main que je lui tiens. Difficile à interpréter.
J’ose à peine dormir sur le fauteuil à côté, je n’ose imaginer me réveiller sans plus entendre de respiration. Il va falloir pourtant que je dorme, la fatigue me rattrape peu à peu…
19 décembre :
Je suis en panique depuis 4h30 ce matin. Son avant-bras gauche est mort, il devient noir, plus de circulation, une autre artère bouchée… Je suis obligé de masser tous les quarts d’heure pour qu’il retrouve une couleur plus normale mais très pâle. L’avant-bras est froid et sans pouls… elle meurt par petit bout, les escarres progressent à vue d’œil, c’est horrible.
11h10 : Sandrine est parti, elle ne souffre plus.
Voilà, c’est fini. Je reste anéanti par sa disparition et traumatisé par ces dernières semaines, toute cette souffrance pour rien. Quand je regarde une photo, il me reste toujours cette image, ce visage de souffrance qu’elle avait les derniers jours. Je rêvais souvent d’elle mais pas une fois depuis qu’elle est partie, je n’ai même pas droit à ça…
Je ne sais pas si c’est un sentiment partagé par certains mais je me sens coupable alors que je ne pense rien avoir à me reprocher. Coupable de tous ces instants où j’aurai plus faire plus pour elle, où l’on s’est fait la tête, où je suis rentré plus tard du travail alors que j’aurai pu être avec elle… Difficile de se débarrasser de cette culpabilité...
Et on se dit, un peu égoïstement il est vrai, que va-t-on faire du temps qu’il nous reste, j’ai 50 ans, j’aurai pu passer de merveilleux instants avec Sandrine. Pourquoi faire des choses nouvelles que je n’ai pas faîte avec elle. Que reste-t-il à faire, seul ?
Des questions qui mettront certainement du temps à trouver réponse.
Merci à ceux qui ont pu aller jusqu’au bout de mon récit.