Auteur Sujet: ce que peut écrire une AMIE !!!!!!!  (Lu 5536 fois)

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cha7829

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ce que peut écrire une AMIE !!!!!!!
« le: 26 juillet 2012 à 00:07:36 »
Bonsoir à tous.
Ce soir j'ai envie de partager avec vous, ce qu'a pu m'écrire une personne que je pensais proche de moi.
Mon mari est décédé d'un cancer il y aura 9 mois le 1er Août, il venait d'avoir 51 ans. Je nommerais cette personne X par soucis de discrétion.
X m'envoie un message parce qu'elle ressent un malaise entre nous, et voici ce qui suit : ".je sais que j ai préféré à un moment prendre des distances car tu étais très mal,..j ai voulu en quelque sorte me protéger car je prenais les choses trop à cœur et ça me déstabilisais..." Je suis restée la bouche ouverte en lisant ça. Généralement, tu fais le contraire non ? Quand ton amie ne va pas bien, tu te rapproche d'elle ? Elle m'a aussi dit des mots difficile comme : il faut se mettre des coups de pieds au cul pour avancer. Elle voulait me booster !!! Pour les coups de pieds au cul, je pense savoir m'en mettre. Mon mari a été malade 13 mois, je l'ai accompagné toute sa maladie, pour les chimios, les consultations, les nuits, les diarrhées vomissements, les injections à lui faire (les infirmières refusaient de venir chez moi, j'habite trop loin du centre ville 7km),les hospitalisations en urgence... et j'en passe, et tout ça en travaillant, pas un seul jour d'arrêt de travail. Mon premier jour d'arrêt fut le 31 Octobre, il est décédé le 1er Novembre. En tout j'ai eu 3 semaines d'arrêt de travail. Je ne pense pas mettre laissé aller. Maintenant elle voudrait que j'aille bien, elle veut me voir rire !!!!!
Voilà, j'avais envie de vider mon sac, ce soir. Merci d'avoir pris du temps.

Hors ligne Marina Saboya

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Re : ce que peut écrire une AMIE !!!!!!!
« Réponse #1 le: 26 juillet 2012 à 08:58:21 »
Bonjour « Cha »,

Tant de choses se passent autour de nous lorsque la mort frappe.
Nos propres réactions sont différentes, les uns des autres. Certains d’entre nous se cachent pour pleurer, voire s’en empêchent, se jettent dans le boulot, d’autres s’assoient et attendent en espérant que le deuil se fera tout seul.

Quelques uns ont la chance d’avoir un (ou plusieurs) interlocuteur valable, de ceux qui savent écouter, à qui l’on raconte encore et encore la même histoire, la notre, la douleur, le chagrin, l’horrible absence et les mêmes interlocuteurs qui vont chercher la peine au fond de nous quand le silence devient inquiétant, dangereux. Ces personnes là, qui n’ont pas vécu ce que nous vivons sont rares.

La plupart fuient, s’éloignent, se protègent, comme ton "amie"  te l’a dit.
La mort fait peur, on la craint contagieuse. Il n’y  a pas si longtemps, les gens se signaient devant le passage d’un convoi funéraire, plus pour éloigner la mort que pour honorer le mort.

La vie est difficile, alors la mort !
Mon amie d’enfance, 50 ans d’amitié quand même,  a eu un peu la même attitude que la tienne. Elle n’a pas su. Elle était … muette devant mon chagrin et ne savait que me dire : Cà va ? Elle n’est même pas venue à l’enterrement de Pierre.
Au bout de 6 mois, j’ai crevé l’abcès, calmement et elle aussi m’a avoué sa peur et sa fragilité en face d’une personne qu’elle aime et qu’elle se sentait incapable de consoler.
Depuis, nous parlons plus facilement.
Je ne lui en veux pas.

Personne ne peut vraiment nous comprendre. Mon propre père m’a annoncé hier « que j’avais la vie devant moi (à 54 ans !) et que j’allais rencontrer quelqu’un d’autre » !
Comment peut-on dire des choses pareilles. C’est indécent, choquant. Mais là encore, il dit ce qui le rassure, ce qui lui permet de moins s’inquiéter pour moi et … de penser d’avantage à lui.

La nature humaine est complexe et égoïste sans avoir besoin de se pousser.
La mort de nos conjoints nous a profondément transformés et nous ne faisons plus partie de leur monde. … et réciproquement. Alors chacun attend ce que l’autre ne peut pas donner.

Et c’est bien pour cela que nous avons créé cette communauté d’endeuillés.

 :-*

Marina
PiMa

Mieux vaut souffrir d'avoir aimé que de souffrir de n'avoir jamais aimé.

Pervenche

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Re : ce que peut écrire une AMIE !!!!!!!
« Réponse #2 le: 26 juillet 2012 à 09:23:33 »
Bonjour Cha et Marina,

Il est vrai que nous rencontrons tous et toutes ces attitudes qui nous blessent. Oui, Marina, tu as tout à fait raison. Notre détresse et la peur de mort laissent souvent les autres démunis. Je peux les comprendre, peut être l'étais je avant. Mais je trouve la lettre qu'a reçue Cha très choquante malgré tout.

Je pense qu'il faudrait en effet "crever l'abcès" avec cette personne surtout si cette relation te semblait importante. Pourquoi ne pas lui dire calmement (même si c'est très difficile) ce que tu nous as écrit ?
Si elle a écrit, c'est qu'elle se sent en effet mal à l'aise par rapport à cette situation et qu'elle n'a su trouver que des maladroits...à moins que ce ne soit que méchanceté ? - mais là, j'ai du mal à l'imaginer, car il faudrait être bien cruel !

Marina, une fois de plus, tu as trouvé les vrais mots :

La nature humaine est complexe et égoïste sans avoir besoin de se pousser.
La mort de nos conjoints nous a profondément transformés et nous ne faisons plus partie de leur monde. … et réciproquement. Alors chacun attend ce que l’autre ne peut pas donner.


Cha, merci pour ta confiance et d'avoir partagé ce qui t'a blessé. Cela parait tellement injuste après ce que tu as vécu.

Je t'envoie plein de réconfort dans ta peine.
Claire
 

Pervenche

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Re : ce que peut écrire une AMIE !!!!!!!
« Réponse #3 le: 26 juillet 2012 à 11:36:07 »
Quand je viens sur ce site, j'y vois tant de compréhension, tant d'Amour, tant de profondeur dans les échanges !

Je ne peux m'empêcher de penser :"Mais est-ce des vrais gens  ;)    ? Comment se fait il que dans la vie de tous les jours, on ne le voit pas ? comment fait on pour ne rencontrer que l'indifférence ? Pourquoi est ce si difficile d'échanger, de partager notre peine ? Où sont les endeuillés qui vivent la même souffrance ?

Alors, je me dis, que c'est parce que je ne veux pas imposer ma peine, quand les gens qui "savent" me demandent comment je vais, parfois je réponds "le mieux possible, je vais... avec des hauts et des bas"...
Sinon, je réponds "et vous ?".

Je n'ose pas aller au devant, j'ai maintenant peur d'affronter le regard des autres. Je ne vais plus au devant des autres alors que c'était dans ma nature.

Ma famille me dit de ne pas me replier... facile à dire ! Mais QUI veut entendre quand on va mal ? QUI vit la même chose ? Où êtes vous amis de douleur dans la vraie vie ?

Découvrir que d'autres que Bruno sont morts pratiquement en même temps m'a bouleversé. J'ai cru être une exception, une fatalité... non pas que je sois heureuse de voir d'autres personnes souffrir. Oh que non, mais je me sens moins seule. Je comprends que nous sommes uniques et multiples...

Nous nous retrouvons à travers les écrits des uns et des autres. C'est un partage, une confiance. Nous sommes dans le même univers.

Alors, merci à ce site d'exister. Parce qu'il nous permet d'exprimer notre ressenti, les courts moments de joie, la peine, nos questionnements, nos peurs....

Merci à vous tous car je sais que vous existez quelque part...
alors, amis virtuels, pour vous, des torrents de tendresse...


Hors ligne Marina Saboya

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Re : ce que peut écrire une AMIE !!!!!!!
« Réponse #4 le: 26 juillet 2012 à 14:07:26 »
Oui, Claire, tout ce que tu dis est vrai, tout ce que tu vis, nous le vivons, toutes tes questions, nous nous les posons.
C’est vrai que nous nous sommes crus unique, Amour exceptionnel, et douleur inexprimable.
Et ce site nous a permis de comprendre que dans ce monde, nous étions nombreux à savoir et qu’ensemble, nous avancerons et ne laisserons personne sur le bord de la route.

J’ai écris mon histoire sur un fils « Racontons notre histoire », plusieurs m’ont suivi et ont raconté la leur. De véritables histoires terriblement douloureuses à vivre, à écrire et à lire. Mais nous l’avons partagé.
Et cela m’a fait sourire lorsque tu as parlé du « tiroir » amour dans « Coup de gueule », car j’ai aussi écrit un message sur «Mon meuble à tiroir », avec le tiroir des bons et merveilleux souvenirs, celui des malheurs, celui des déceptions…

Aujourd’hui, certains tiroirs débordent. D’autres n’ont plus été ouverts depuis 2 ans…

Pourtant, je crois que nous devons apprendre aussi à regarder en arrière le chemin parcouru, honnêtement, en tout impartialité.
Reconnaitre que l’on va « mieux », que l’on pleure moins, et que l’on sourit davantage, et que parfois, on parvient à penser à « autre chose »… ce n’est pas une trahison, pas une honte. Faire un tri dans ses relations, remettre à plat sa vie. Changer de philosophie, de mentalité, de caractère.
Nous sommes tous ici à espérer ce mieux que nous voyons hypothétiquement dans un avenir très lointain. C’est notre quête, notre espoir et pourtant, nous hésitons à le dire quand cela arrive.
Nous savons que nous avons changé et que dans le bleu du ciel il y aura toujours un peu de gris, un peu d’amertume dans une tarte aux fraises bien sucrée, une larme de chagrin dans un fou rire.
Mais de la même manière que nous avons le droit de partager notre peine, notre désespoir, notre douleur avec les autres, qu’ils nous comprennent ou non, nous avons aussi le droit de reconnaitre retrouver un peu de paix et de calme, même si certains nous jugent et nous condamnent. Notre vie a basculée et nous payons très cher d’avoir aimé et d’avoir été aimé, n’ajoutons pas l’autodestruction à notre bataille quotidienne.

Dans cette « amitié » virtuelle qui nous unit, il y a compréhension, indulgence, solidarité, tendresse, inquiétude, … il y a Amour.

Marina
PiMa

Mieux vaut souffrir d'avoir aimé que de souffrir de n'avoir jamais aimé.

Pervenche

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Re : ce que peut écrire une AMIE !!!!!!!
« Réponse #5 le: 26 juillet 2012 à 21:57:29 »
Chère Marina,

j'ai lu ton fil "racontons notre histoire". C'est curieux, j'ai pensé que je n'étais pas capable d'écrire la mienne. Et puis, comme tu l'as vu sur un autre post, je l'ai racontée... "froidement" m'as tu dit.

C'est si difficile de raconter. Je n'ai plus mon idée fixe du débranchement depuis les quelques jours passés chez la maman de Bruno. Le fait de voir la tombe peut être. D'avoir parlé et entendu parlé de lui, vivant ?

J'étais plutôt du genre pipelette avant ! moins que mon Bruno pourtant ;)
mais même si j'ai besoin de parler de lui, de sa mort, je ne sais pas bien le faire je crois.

J'avais parlé de " tiroirs" parce que je trouvais que c'est plus joli que "case". Certains n'ont pas le "tiroir amour", peut être est ce plus délicat que de traduire "il leur manque une case" - ce qui ne voudrait pas dire la même chose !

quel humour ! bof...

Je suis en perte de repères, tout a été bousculé et le tri se fait de lui même. Je crois que je vais mieux oui, je pleurs moins souvent (c'est dire !) mais je suis toujours dans l'obsession de la perte de Bruno.

J'ai du mal à faire, à penser à autre chose. J'ai voulu essayer de me joindre au collègue du club de danse lundi. Me croire encore vivante. Ca n'a pas été une réussite. Au lieu des deux pistes sur lesquelles je comptais (danses de salon et disco) les salles étaient fermées pour travaux. Donc une seule piste.

Après quelques essais de danse de salon, je n'ai pas supporté d'être dans d'autres bras... je me suis contentée de faire tapisserie en affichant un sourire pour ne pas embêter mes collègues qui s'étaient donner du mal pour moi. J'ai dansé quelques disco. Retour à la maison. Triste.

Bonne nuit à vous tous
Demain une nouvelle journée, le soleil se lèvera...
Claire


Hors ligne Marina Saboya

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Re : ce que peut écrire une AMIE !!!!!!!
« Réponse #6 le: 27 juillet 2012 à 07:52:49 »
Bonjour Claire,

J’espère ne pas t’avoir blessée en parlant de ton récit « froidement » écrit.
Comme Pâquerette, j’écris depuis toujours et parfois, je laisse aller les mots et décrit des situations telles que je les imagine, et pas vraiment telles qu’elles sont.
D’autres fois, il me faut trouver le mot exact, la couleur, le ressenti, avec … froideur, retenir le lyrisme pour mieux écraser la réalité trop violente.

Dans ton récit, bouleversant, je le répète, j’ai senti que tu devais exprimer ta douleur mais la contenir, en devenir spectatrice et pas actrice.
C’est une thérapie pour moi et, je le constate, pour d’autres  aussi : écrire. Je crois bien avoir dépassé les 500 pages !

Tiens, voilà mon texte sur mon meuble à tiroirs, j’y parle aussi des petites cases. Attention, c’est du long-long !

« Aujourd’hui, 25 février 2012,je vais faire du rangement.
Pas les placards, pas le bureau, pas les armoires, la grange ou le grenier.
Dans ma tête. Bien plus petit, mais bien plus en « foutoir ».

Quand on se retrouve soudain Seule, avec un grand S, même si autour il y a des enfants, de la famille et des amis, c’est soudain un désordre indescriptible dans la tête qui se produit.
Les petites cases habituellement bien alignées, les tiroirs étiquetés subissent un maelstrom d’une violence inouï, comme après le passage d’un typhon. Typhon appelé MORT.
Plus rien n’est à sa place, tout se mêle, se mélange, le bien, la mal, la morale, Dieu, le hasard, les regrets, les souvenirs, les pourquoi, les « j’aurais dû », les « et maintenant ?», hier, aujourd’hui, demain…

Pourtant, chaque petite case avait son utilité « avant », sa vocation, et chaque jour un petit rangement s’imposait sans lequel on se couchait en se disant : « Qu’est ce que je n’ai pas fait aujourd’hui ? Pourquoi cette gène avant de m’endormir ? Qu’est ce qui n’est pas à sa place ? »
Parfois, quelques jours de vacances, quelques jour de folie ou une très très grosse flemme, il fallait reprendre un peu tout cela, mais bon, rien de grave.

Mais quand le typhon Mort est passé, on est anéanti, on reste assis devant les restes de sa vie, devant les lambeaux de souvenirs, photos floues, cadeaux éparpillés, bonheur laminé… Tout a basculé, tout s’entrechoque, se télescope…

Il serait vain de penser qu’en remontant ses manches, on va reprendre les choses en mains rapidement. Tout au plus, par la force des choses, les papiers administratifs à fournir à tout va, se sent-on obligé de déblayer la première couche, celle du brut, du sans sentiment, de l’obligatoire. En cherchant une déclaration d’impôt, on découvre une photo, en soulevant le classeur du notaire on trouve une lettre d’amour…
Vite, recouvrir tout cela, vite.
Tout s’empile, déborde, plus de logique, plus rien de pratique, un immense désordre s’installe, presque rassurant parfois, dessous, bien au chaud, il y a le passé heureux.
Chut, ne réveillons pas les démons qui pourraient le détruire, avant que l’on ait eu le courage d’y replonger, histoire de souffrir un peu plus …

Et le temps coule entre larmes et répit.

Alors un jour, il faut s’y mettre.
Physiquement, c’est le plus « facile » (quoi que…), on se prépare, on se blinde pour démarrer la tâche, aujourd’hui, on trie, on jette, on relit, on découvre, on s’interroge… Les vêtements, le rasoir, l’eau de toilette, les petits objets du quotidien… Cela peut être difficile mais cela peut aussi être un geste actif qui permet d’avancer. Cela se fait un jour, sans raison particulière, envie d’être avec lui, et ensemble, on remet de l’ordre en se parlant : « Cà mon Pierrot, vous vous souvenez, nous l’avions acheté à… et çà, quand je pense que l’on a porté ces trucs ridicules ! Et çà, c’est un cadeau des parents… ». Et puis soudain, sans savoir vraiment pourquoi, le chagrin monte, monte, monte. Il est urgent de s’arrêter. On reprendra plus tard. Et on reprend plus tard.

Dans la tête, c’est plus délicat.
Le typhon Mort a fait des dégâts. Les petites cases sont toutes bousculées. « Avant », il y avait nous, petite case présent, petite case avenir, petite case projets, celle des petits bonheurs, celle des grandes joies, celle des souvenirs, les beaux, les doux, les intimes, les rien qu’à nous, boites à trésors infinis, malle aux merveilles…
Et à coté, le meuble à tiroirs. Enfin moi, j’ai un meuble à tiroirs.  Ce meuble, je l’ai rangé une année après le départ de Pierre.

Un jour, je me suis dit que la vie était un grand meuble plein de tiroirs. J’ai toujours aimé ces grands meubles de mercerie, chaque tiroir est une découverte, un trésor, parfois une déception, comme les calendriers de l’Avant, bonbon rose anglais sucré, citron acide, ou amer, alcoolisé ou écœurant. Cette idée vient de la réflexion de ce matin juste au réveil.
Chaque matin, encore un peu endormie, déjà réveillée, je remets mon cerveau en route souvent par une question. Comment, pourquoi, qui, quand, où… ????
Ce matin, le soleil passait entre les rideaux et un merle chantait joyeusement. Je me suis demandée pourquoi certains matins étaient gris, froids, et tristes comme hier et d’autres comme aujourd’hui, sans que la météo soit de la partie.
Dieu.
Dieu ?
Dieu ?!?! Je ne sais pas.
Et Dieu m’a entrainé vers mon meuble à tiroirs…
Meuble de classement, de rangement, petits casiers qui sont l’image de ma vie.

J’ai toujours fait en sorte de ne pas déroger à la morale, à faire le maximum pour faire le bien autour de moi, à aimer mon prochain, le soutenir en cas de besoin, être sincère et honnête, donner, prêter, combattre le mal, soigner, écouter, recueillir, accueillir... Je n’ai pas la prétention de croire que je n’ai pas failli, je le sais bien. Parfois, trop dur, parfois, pas envie, parfois égoïste, parfois un peu fait semblant... Mais rien de grave, jamais de trahison, de gros mensonges, de mal pour le plaisir. Des erreurs, oui, des mauvais choix, oui, quelques regrets, mais pas de remord.
Je pensais consciemment ou inconsciemment, que ces bons sentiments éloigneraient de moi, chagrin et douleur. Erreur. Faire le bien ne veut pas dire récolter le bien.

C’est vrai que je voudrais vraiment qu’il y ait un Dieu, qui nous attend tous dans un endroit serein et paisible où l’âme de mon Pierrot peut se reposer et parfois, m’envoyer des messages, me guider, me soutenir. Ce serait trop dur de penser que Pierrot n’est plus qu’un tas de cendres grises, dans une urne blanche au fond d’un trou, seul au cimetière.
Et que je suis seule de mon coté, définitivement.
Là, oui, cela m’arrange de croire à un Au-delà paradisiaque. Mais ce Dieu est-il si puissant qu’il veut nous le faire croire ? Oh, je sais bien, il y a les fameuses « forces du mal », mais dans la vie, on n’est pas dans Harry Potter. Non, ce Dieu qui s’est amusé à créer l’homme un jour de spleen, sans doute, s’est probablement laissé déborder par sa créature, sorte de Frankenstein et maintenant, il n’a plus assez de pouvoir pour la retenir, elle qui court à sa perte inexorablement. Il doit être triste ce « Dieu qui est assis sur le rebord du monde et pleure de voir ce que les hommes en ont fait. »
Mais cela signifie alors que nous ne sommes maîtres de rien, que nous subissons sans pouvoir intervenir, entrainés par une foule incontrôlable, qui déclare des guerres, construit des usines chimiques, pollue des champs, clone des brebis, cultive des bactéries, provoque des maladies... Personne pour nous arrêter, nous prévenir, nous protéger ? Et un terre épuisée qui menace d’exploser et déborde par ses volcans, secoue ses plaques tectoniques et provoque des séismes et des tsunamis, quand se ne sont pas des ouragans, tornades et autres tempêtes. C’est terrible et terrifiant.
Fourmi dans ce capharnaüm diabolique, je m’accroche à mes repères.

Et j’en arrive à mon meuble à tiroirs, petit meuble dans un vaste monde, mais quand le typhon Mort frappe, le monde n’a aucune importance. Tiens, il pourrait bien s’écrouler, je ne serais pas fâchée !

           Première tiroir, première étiquette, le tiroir des bons et merveilleux souvenirs, pleins de photos, de plumes, de dessins, de bouvreuils, de rouge gorge et autres mésanges et de papillons, plein de rêves, de projets, plein d’amour, de câlins, de tendresse, de mariages, et de naissances.
Et maintenant plein de signes, plein de messages envoyés par vous mon Pierrot, des coccinelles, des lampes qui s’allument, des escabeaux qui tombent – oui, çà, c’est le message : « Attention Mimi, cet escabeau est pourri, vous allez tomber. Ah ! J’aurais du le jeter avant de partir ! ».
Dans ce tiroir : Ma famille, Pierre. Les miens comme on dit, ceux qui m’entourent toujours avec toujours autant d’attention et de tendresse malgré les mois qui passent et le chagrin qui reste. Infaillibles, indestructibles, là. De l’amour.
J’y trouve aussi des chants d’oiseaux, des fleurs, des coquillages sur le sable, le ressac et du soleil, des tartines de pain beurre-confiture, des discussions sans fin, des éclats de rires, des repas de fêtes, d’anniversaires, des silences délicieux, des douceurs, des cadeaux, des surprises, des sapins de Noël, et des matins blancs de neige, de l’éblouissement, de l’émotion, de la joie, de la musique et des chansons…
Il y a Mozart, Monet, Michel Berger, des chewing-gum à la chlorophylle, des poèmes, des corps essoufflés de plaisir, des envies d’école buissonnière, des feux de cheminée crépitants, des tendres sourires, des parfums de compotes et de vanille, des balades mains dans la main, des chats, chatons, boule de poils, boules de jeux, boules de tendresse et des chiens aussi…
Il déborde ce tiroir là, je ne peux pas me résoudre à en faire le tri, je garde tout, tout m’est indispensable pour continuer. Je m’y plonge régulièrement, la tête la première, pour me convaincre que j’ai eu une belle part de bonheur. Plus que ma part, même.
Il était temps qu’il s’arrête ce bonheur, j’aurais été obligé d’ouvrir un tiroir annexe !

          Le tiroir des malheurs est le pire, on voudrait ne pas en avoir du tout ou qu’il reste clos et vide. Mais non. A mon âge, je dois probablement m’estimer chanceuse, dans ce terrible tiroir, il y a peu de noms et un seul qui m’empêche de le refermer. Le votre : Pierre. C’est le plus beau prénom, même là, vous êtes conforme à mes rêves de jeune fille, mon héros s’appelait toujours Pierre ou Paul. Vous faites un doublé, vous vous nommez Pierre-Paul devant l’état civil. J’y trouve aussi mes grands-parents, disparus à un âge qui me paraissait canonique et dans l’ordre des choses et à une époque où ma vie était rose.
De ce tiroir là s’échappent toujours et toujours des gémissements, des lamentations, des cris épouvantablement silencieux, des questions sans réponses. Les miens et les miennes. Sans fin. Seuls quelques observateurs attentifs s’en aperçoivent, à la couleur de mes yeux, à mes cernes, à ma pâleur, au son de ma voix. Rien qu’avec un « Bonjour » au téléphone, ils savent si je suis bien ou pas.

          Et puis il y a le tiroir à déceptions. Je le voudrais vide, mais non. Je voudrais tout jeter, oublier, mais non. Des choses, des attitudes, des réflexions, des gens qui m’ont fait de la peine, mais à qui je trouve parfois des circonstances atténuantes, des contacts encore rattrapables, peut-être. C’est mon jugement, bien sur, sans doute, eux, pensent-ils avoir eu de bonnes raisons, d’avoir agit ainsi avec moi. Ils ont eu besoin de quelqu’un, à un moment donné de leur vie. J’étais là. Je leur ai tendu la main peut-être aussi pour avoir un retour, c’est vrai. Mais l’abandon tandis que moi je vis aussi des moments très durs, je ne l’imaginais pas.
C’est un tiroir que j’ouvre rarement. Il me fait trop de peine et soulève trop de questions. Mais parfois, je vais m’y frotter, pour m’y piquer, par masochisme sans doute ou pour me dire que je suis quand même debout malgré tout. Ou peut-être grâce à cela.

          Mais le tiroir à trahisons, lui, me met encore en colère, malgré les années. Dedans, les traitres, ceux qui nous ont poignardés sournoisement, ceux qui ont trahis notre confiance, ceux qui ont profité de nous, abusé de nous. Ils ont fait semblant, ils ont trichés. Ils ont le cœur sec. Il n’y a rien à en tirer. Dossiers archivés.

          Le tiroir de l’Amitié est un beau tiroir, que j’ouvre souvent avec bonheur. Cette Amitié là ne se manifeste pas forcément bruyamment, mais elle est sincère. Et c’est un oasis qui permet de reprendre son souffle quand le cœur lâche. Celui là est un magnifique tiroir, dans lequel je vais chercher du soutien en cas de « crise ». J’y trouve toujours quelqu’un pour m’aider à reprendre le chemin.

          Et puis le tiroir des surprises. Les bonnes, venant d’inconnus, de gens sensibles et délicats. Réactions inattendues et douces à ma vie.
Et les moins bonnes,  les petites déceptions à traiter par le mépris, je ne comptais pas sur eux… je n’ai pas été déçue. Sans grande importance. Cette seconde partie du tiroir à surprises, je la laisse en plan, je ne m’en occupe pas. Peu à peu ces dossiers là tomberont en poussière, grignotés par les souris, disparus, sans laisser de traces et de souvenirs.

Six tiroirs ? … Il y en a d’autres.

          Oui aujourd’hui je rajoute le tiroir du courage et de la force. Tiroir inattendu, que la vie m’a fait ouvrir par la force avec violence et brutalité, en juillet 2010. Dedans il y a l’apprentissage de la solitude, la maitrise du chagrin, la reprise de contrôle de la vie, la patience.

Aïe, 7 tiroirs ! Il est bancale mon meuble…
Comme moi. »


Réveillée tôt ce matin, mal dormi.
Bonne journée à vous, malgré la peur de ces heures à venir.
Oui, le soleil s’est levé.

Marina

PiMa

Mieux vaut souffrir d'avoir aimé que de souffrir de n'avoir jamais aimé.

choupinette

  • Invité
Re : ce que peut écrire une AMIE !!!!!!!
« Réponse #7 le: 27 juillet 2012 à 08:45:24 »
Bonjour Pima,
comme j'aimerais me raconter de cette manière là, tu as les mots juste, ceux qui vont droit au coeur, tu sais, même si la vie de nos amours s'est terminé différemment, c'est fou, ce que je ressens à tes écrits, les ressentis sont similaires, je crois qu'il n'y a pas 15 façons d'aimer ni de souffrir...Lorsque je suis venue sur le forum pour la 1ère fois, c'est un de tes post qui m'a interpellé et parlé, tu décrivais tellement et avec précison, mon ressenti du moment.
Je me dis que ton Pierre a eu beaucoup de chance de te vivre à ses cotés, et que de là ou il est, il doit être trés fier de toi, de tout ce que tu as accomplie, avec cette immense peine comme compagne de souffrance.
Je pense à bien fort à toi et à vous tous, que cette journée, vous apporte à tous et toutes, de la douceur dans vos coeurs meurtris et le mien.
Chris

Pervenche

  • Invité
Re : ce que peut écrire une AMIE !!!!!!!
« Réponse #8 le: 27 juillet 2012 à 08:56:40 »
Chère Marina,

Quelle émotion en lisant ton message ! Je suis stupéfaite de lire des choses que j'ai en moi et que je ne saurais pas écrire, décrire.

Non, tu ne m'as pas blessée. Tu mets des mots sur chaque chose. Moi je ne sais pas. J'ai toujours eu peur de tout dans la vie. Alors, besoin de tout maîtriser, de classer dans ma tête pour affronter l'extérieur. Donc les tiroirs...

J'ai toujours essayé de prévoir, d'analyser, souvent le pire pour ne pas être prise au dépourvu. Je mets des étiquettes sur mes dossiers, je classe mes herbes aromatiques par ordre alphabétique.

Cela a toujours fait rire ma fille. J'ai de gros problèmes de vue (j'ai fait faire ma reconnaissance de travailleur handicapé l'année dernière pour passer un concours avec un sujet agrandi)
Jusque là, j'ai toujours fait sans. J'ai été opéré chirurgicalement plusieurs fois (implants, rejet d'implants etc...) - mais je me maquille, je vis comme tout le monde et les gens s'étonnent quand ils apprennent que je suis miro de chez miro !

Dans mes tiroirs par rapport à Bruno, je n'ai qu'un regret : que notre histoire s'arrête aussi vite. Je n'ai pas de "j'aurais dû faire ci ou ça..."
Lorsque j'ai mis un terme de 15 jours l'année dernière, c'était un passage nécessaire dans mon cheminement pour notre vie. Il avait un peu précipité les choses et je n'étais pas prête. Il a fallu un peu de distance alors pour m'apercevoir que je l'aimais.

Il me traitait en princesse, et c'était la première fois de ma vie. Je pense qu'il est tombé amoureux dès le début. Pour moi l'amour ne pouvait être que passionnel et faire mal.

J'ai découvert que l'amour pouvait être tendre, sans heurt ! Le matin, je savais que le soir allait bien se passer. Nous avons quelques désaccords, bien sûr, surtout au début lorsqu'il était "trop collant". Mais notre couple était harmonieux. Je ne savais même pas que cela pouvait exister !

Dans le tiroir de la face cachée de Bruno, il y a peu de choses... j'ai eu l'occasion de constater qu'il était ce qu'il disait être. C'est rare. Il était vraiment mon Bruno.

Tout classer. Tout analyser. Essayer de comprendre pourquoi il est mort. Décortiquer chaque minute.
Tout a basculé et je suis perdue. Je ne maîtrise rien en fait. Je suis une goutte d'eau dans l'univers.

tiroir famille :
Nous avions eu chacun nos enfants. Ils sont grands. Notre relation était tournée l'un vers l'autre. Ma fille a toujours été ma priorité. Je pense qu'il me faisait passer avant tout, même s'il aimait ses enfants, la garde alternée s'est terminée au cours de ces deux ans. Les enfants venaient et continuent à venir selon leurs envies et disponibilités...

Lui, moi. Il m'avait dit qu'il m'aimerait toujours. Que jamais il ne me quitterait.

J'ai toujours vécu l'abandon. Mes problèmes de poids viennent de là.

Je sais qu'il ne m'a pas quittée par choix.

Oui, pour moins souffrir, j'analyse souvent en spectatrice. C'est une technique de protection que je pratique depuis l'enfance. Il m'arrivait de me "mettre à l'extérieur de moi" et d'observer la scène.
j'en avais parlé à la psy que je suis allée voir l'année dernière pour mes kilos en trop. Elle m'a expliqué que c'est une très bonne protection qu'on utilise quand le choc est trop grand (parents toxiques par exemple).



Dieu ? je m'interroge encore plus depuis le départ de Bruno. Lui était très croyant. Pourtant, il avait choisi d'être incinéré, comme moi si un jour...
et ce jour là est arrivé.

Depuis, je suis allée mettre des bougies à l'église. J'ai essayé d'aller au temple protestant. Toujours fermé. Il n'y a que les grandes églises ouvertes quand j'en ai besoin.
Alors, chez moi, j'ai installé un petit coin sur sa table de nuit, avec bougie, photos, fleurs...

Je pense de plus en plus à cet éventuel Dieu. Aux anges. La première fois que je suis allée à l'église, j'ai pleuré. J'en ai voulu à ce Dieu qui m'a enlevé mon amour.

Alors, lui en vouloir, c'est admettre son existence ?

Oui la mort est un Typhon. C'est exactement ce que je ressens. Tu vois, je n'aurais pas su l'exprimer mais c'est tout à fait ça. Je me sens ballotée, et plus rien n'est à sa place.

Merci Marina, pour la confiance que tu nous fais en décrivant tes sentiments. Non, ce n'était pas long, j'ai dévoré tes phrases. Comme tu l'aimes ton Pierre. !

Bien à toi, bien à vous
Claire



Hors ligne Marina Saboya

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Re : ce que peut écrire une AMIE !!!!!!!
« Réponse #9 le: 27 juillet 2012 à 09:55:33 »
Kris, Claire,

Je mentirais en taisant que vos propos me touchent, parce que faire du bien à quelqu’un, l’aider un tout petit peu, c’est très égoïstement se faire du bien à soi. Soyons honnête. 
En plus, écrire me fait aussi du bien.

Oui, mon Pierre, je l’aime infiniment. Je l’aurais aimé même s’il n’avait été ce qu’il était. Quelle chance, il est… quasi parfait ! Quasi, parce que parfaitement parfait aurait été insupportable ! Et autre chance inouïe, il m’aime comme je l’aime !
Il y a surtout cet Amour, ce sentiment qui débarque sans que l’on sache pourquoi, qui nous enveloppe, nous transforme, nous rend beaux, heureux, et généreux, capables de franchir des montagnes et de supporter toutes les douleurs, comme nous le faisons tous aujourd’hui, ne pas faillir comme eux, qui ont affronté tant d’épreuves et de souffrances.

Claire, tu te poses des questions sur Dieu.
J’étais croyante et Pierre aussi. Pratiquants au quotidien, mais pas à l'église.
C’est un vaste sujet.
Comme toi, dans les semaines qui ont suivi le départ de Pierre, j’ai cherché … quoi ? Je ne sais même pas, mais je suis allée dans les églises et les temples, rencontrer un pasteur … Si peu de réponses. De si mauvaises réponses.
Où était-il mon Pierre ? Pourquoi lui, qui avait encore tant d’Amour à donner, tant de bonnes et belles choses à faire ? Pouvait-il me voir, communiquer, m’entendre ? …
Comme toi, ces portes closes, ces réponses évasives, m’ont laissées frustrée et … rancunière. Ce « Bon » Dieu, s’il existe, j’espère qu’il a une bonne excuse !
Je l’ai même maudit ce Dieu qui me volait ma raison de vivre, je l’ai … envoyé au diable ! Horreur, blasphème ! Non trop de douleur de chagrin, provocation aussi, et s’il me répondait soudain ce Dieu dit de Justice ? Le fait même de le renier était reconnaitre son existence.

Bin non. Silence. Alors, je ne compte plus sur lui.

Comme toi, j’allume une bougie, petite flamme vacillante, que je souffle chaque soir par prudence, nouvelle petite mort.

Aujourd’hui, je n’ai toujours aucune réponse sur la vie après la vie.
J’ai eu des ressentis étranges tout au long de ces deux années, des impressions, ce qui me fait rêver que nos disparus ne disparaissent pas complètement, que le contact peut être possible, même infime.

Mais je sais que tant que je serais vivante, Pierre sera vivant…

 :-*
Marina

PiMa

Mieux vaut souffrir d'avoir aimé que de souffrir de n'avoir jamais aimé.

alsy

  • Invité
Re : ce que peut écrire une AMIE !!!!!!!
« Réponse #10 le: 27 juillet 2012 à 14:13:41 »

Bonjour

SUPER ton texte Marina....sur les tiroirs...  ;)
j'ai adoré...
plein de souvenirs....

Sylvette :-*