Fabrice Midal citation :
"La question la plus étonnante sur la méditation
Une ou deux fois par an, j’anime des journées pour apprendre à méditer. Ce sont des moments précieux car, dans ce cadre, la découverte de la méditation devient un vrai travail d’exploration.
Nous apprenons à pratiquer, nous faisons des exercices, mais chacun pose aussi des questions au fur et à mesure de la journée.
Et c’est un moment toujours passionnant.
Par exemple, une question qui m’a beaucoup étonné : est-ce que la méditation est une forme d’introspection ? Une manière de s’analyser ?
Or justement, non !
Croire que la méditation consiste à se tourner sur soi-même est l’un des grands malentendus qui défigurent le sens profond de la pratique de la méditation.
Certes, il est tout à fait important de savoir ce que nous sommes en train de vivre. Nombre de nos souffrances, de nos difficultés viennent de notre difficulté à savoir ce que nous sommes en train de traverser, de la même manière qu’il est bon de savoir le temps qu’il fait avant de sortir. On sait ainsi s’il faut emporter un parapluie, mettre un pull ou prendre ses lunettes de soleil. Il est bon de savoir ce que l’on est en train de vivre. Savoir qu’on n’en peut plus, qu’on est à bout, qu’on est ému, qu’on est joyeux, tout cela est précieux. Cela nous permet de nous ajuster au mieux à la situation et de prendre la bonne décision.
Or, souvent, nous ne nous accordons pas le temps, le droit d’éprouver ce que nous sommes en train de vivre. Il faut dire que c’est parfois inconfortable, parfois décevant, ou étrange, ou même ennuyeux…
Et pourtant, le faire est un profond soulagement. Méditer, c’est apprendre à faire ce mouvement de rencontre avec la réalité, mouvement de profond apaisement.
Malheureusement, ce mouvement donne lieu à un profond malentendu. Croire qu’entrer en rapport avec ce qui se passe consiste à s’écouter, entrer en soi, faire un travail d’introspection. Combien de gens qui commencent à méditer s'égarent sur ce point.
Car ce que je sens en moi peut me tromper. Les pervers sentent bien qu’ils ont envie d’abuser de telle ou telle personne. Mais leur sentiment les égare. S’écouter conduit à bien des erreurs.
Méditer ce n’est pas du tout cela.
Qu'est-ce donc que la méditation ?
Je m’assieds. J’entre en rapport avec ce qui se passe, là maintenant. Je n’entre pas en moi mais je m’ouvre à ce qui se passe. Je m’ouvre à la température qu’il fait. À la lumière. Aux émotions qui viennent me visiter. Aux pensées qui surgissent. En fait, loin de m'enfermer en moi, en mon ressenti, je m’ouvre. Je ne cesse de m’ouvrir.
C’est là, du reste, un critère pour savoir si quelqu’un entre en profondeur dans la pratique ou non. S’ouvre-t-il pour de bon aux autres, au monde et à lui, ou au contraire a-t-il le sentiment de se couper, de lui, des autres et du monde, et d'être enfermé dans ses problèmes.
C’est d’ailleurs très étrange. Nous connaissons tous des personnes qui passent leur temps à s’analyser, à s’examiner, à s’intéresser à elles, et qui sont complètement coupées d’elles-mêmes. Elles ne savent pas ce qu’elles vivent. Et elles deviennent complètement égocentriques.
Leur approche est à l’antipode de l’attitude méditative. Méditer, c’est être en contact avec ce qui se passe en soi, certes, mais pour être disponible, présent et attentif.
C’est donc le contraire de l’attitude d’introspection."