Comme tu as raison, Manite ; ce sentiment de n'être plus que spectateurs de notre vie, nous le connaissons.
Peut-être est-ce dû au fait que dans la maladie, puis dans la perte de notre amour, nous ne maîtrisons absolument rien. Même les plus forts d'entre nous, les battants, que dis-je, les combattants, qui mènent leur vie au pas de charge.
Oui, même ceux-là, sont confrontés à leur impuissance lorsque la mort vient ravir dans leurs bras un être tant aimé.
Les pleurs, les cris, les prières, les supplications : rien n'y fait.
Nous subissons, et ne sommes alors en effet, que spectateurs d'une vie qui nous est devenue étrangère.
Comme nous nous sentons parfois, dans le plus violent de la douleur, un peu étrangers à notre propre existence.
Le temps nous éloigne inéluctablement du dernier souffle de notre aimé ; contre cela non plus, nous ne saurions lutter.
Mais le temps n'est pas notre ennemi, en la circonstance, car je crois qu'il use notre peine. Non pas jusqu'à la faire disparaître, non. Mais il en adoucit les contours, comme la mer arrondit les galets qu'elle roule dans ses flots.
Et si la blessure ne guérit pas, du moins, cesse-t-elle de saigner. Et doucement, se ferme la plaie. Sur une cicatrice qui, à jamais, parlera de notre amour.
Nous sommes bien perdus, n'est-ce pas, Manite, dans ces mois qui suivent une séparation qui nous laisse dans la stupeur et l'incompréhension.
Mais je voudrais te dire ma certitude que le temps viendra du souvenir sans les larmes ; que le temps viendra où nous accepterons à nouveau la vie et ses douceurs.
Le temps où nous redeviendrons sujets de notre vie.
Prends soin de toi, Manite.
Que le soir qui doucement pousse le soleil jusque derrière l'horizon, apporte à chacun, sérénité et répit dans dans le chagrin.