Bonsoir Jennifer,
Je te décris rapidement la situation que j'ai vécue pour que tu comprennes ce que je vais te dire par la suite :
J'ai vécu ma grossesse exactement en même temps que le traitement du cancer de mon mari (j'apprenais que j'étais enceinte, il se faisait opérer de sa tumeur 2j plus tard puis on comprenait que c'était un cancer). J'ai donc vécu une grossesse à mille lieux de celle que j'imaginais : je côtoyais la mort et la vie. J'ai donc eu beaucoup de mal à vivre ma grossesse normalement, j'étais persuadée tout du long que qq chose arriverait à notre bébé tellement je n'étais pas bien.
Au final, j'ai accouché d'une petite fille tout à fait normale.
Mon mari est décédé 6 semaines plus tard.
Vivre un deuil et une grossesse ou l'arrivée d'un bébé n'a rien d'évident. On survit. Je n'ai pas été la mère que j'imaginais être au début, j'ai mis au moins 6 mois à sortir la tête de l'eau, à être "heureuse" de retrouver ma fille le soir et ne plus la "subir" au début. Car oui, je subissais les choses, tout, y compris ma fille.
Par contre, autant je n'ai pas été celle que j'imaginais, autant j'ai tout de même été là pour elle, j'ai fait ce qu'il fallait et elle est un bébé équilibré, qui sourit, est sage, etc.
Ce que tu indiques sur l'absence du père, je l'ai pensé exactement comme toi au début. J'allais voir une psychologue. Elle m'a tout de suite dit qu'effectivement, avec la perte toute récente, je réagissais comme ça mais qu'au fil du temps, la douleur sera moins atroce et que quand elle serait en age de comprendre les choses et qu'elle posera des questions, je lui parlerai de son papa sans cette amertume qui m'animait à l'époque.
Elle avait raison.
Après 9 mois de deuil, je vois que je n'ai plus cette souffrance atroce pour ma fille, cette crainte qu'elle puisse en souffrir, etc. Je lui parle de son papa tous les jours car elle A un papa.
J'avais un peu le travers de dire comme toi "elle n'aura pas de papa".. si si, elle a un papa, ta fille et ton bébé ont un papa. Un papa absent mais elles sont/seront là grâce à lui et grâce à votre amour.
Il n'est plus là mais votre amour a été réel et il perdurera. Tu l'aimeras toute ta vie et tu le feras vivre en en parlant avec tes enfants.
En ce qui concerne une aide psychologique, il ne suffit pas d'être en dépression pour aller voir un psy.
Pendant ma grossesse je suis allée voir une psy à la maternité où j'étais suivie. ça m'a permis d'exprimer ce que je voulais dire et d'avoir une écoute autre que celle de la famille qui n'étais pas forcément la plus appropriée. Et ça m'a permis de prendre + conscience de ma grossesse (et d'arrêter de penser qu'il arriverait qq chose à mon bébé)
AU décès de mon mari, j'ai tout de suite voulu aller voir un psy, pour comprendre ce que j'allais vivre et pour parler de cette situation difficile dans laquelle je me retrouvais, avec un bébé.
Cette aide est inestimable (encore faut-il tomber sur la bonne personne) car elle m'a permis de comprendre les choses, de ne pas culpabiliser sur ce que je ne ressentais pas pour ma fille, sur cette perte d'entrain que j'avais alors qu'elle découvrait la vie. Elle me préparait à ce que j'allais vivre, me disait clairement les choses quand je lui disais par exemple qu'en 9 mois je n'avais rien fait, etc.
Elle m'a surtout permis de ne pas m'enfoncer et aussi d'exprimer mes émotions (ce que je ne voulais pas faire au début, par crainte de "traumatiser" mon bébé - au final, il faut s'exprimer !).
Chaque histoire est différente, chaque personne trouve refuge dans qq chose qui diffèrera d'une personne à l'autre.
Garde en tête que ce bébé que tu portes à toi, c'est moitié toi, moitié ton chéri. Et que rien que pour ça, il vaut de l'or. De même que ton autre fille.
Tu ne vivras pas une période agréable, c'est certain mais tu arriveras à faire face à cette situation et ce soutien, il viendra peut-être de cette naissance à venir, aussi dure sera-t-elle à vivre.
Sans ma fille, je ne sais pas si je serai encore là aujourd'hui. Autant la situation était très dure à gérer, autant plusieurs mois ce sont écoulés avant que je ne sois enfin telle que je l'espérais mais ma fille, notre fille, a été moteur dans tout ça.
Sois courageuse, entoure toi des bonnes personnes, écoute-toi, prends l'aide qui t'es proposée et essaye peut-être un rdv psy pour voir ce que ça pourrait t'apporter (par contre, il faut que ce soit un psy spécialisé deuil. La mienne est par exemple psy en soins palliatifs).
Je te souhaite beaucoup de courage dans cette épreuve.
Affectueusement, Virginie