Chère Libellule, ne me remercie pas, il n'y a pas de quoi et si je peux être utile, ça me fait plaisir.
Je crois que de toute façon, tu traverses cette phase où il est impossible de faire des projets d'avenir. Pour plein de raisons, par loyauté envers celui qui est parti parce qu'on a le sentiment que ce serait le trahir, trahir le serment fait à l'église même si le curé a dit "jusqu'à ce que la mort vous sépare". Malgré ça, on reste marié longtemps après... Et toi, tu es seule depuis bien peu de temps, ton chemin est encore long avant que vienne l'apaisement.
N'écoute pas les gens et leurs conseils. Que peuvent-ils savoir de ce que tu traverses ? Fais au mieux pour toi et tes enfants. De toute façon, les gens n'aiment pas qu'on leur parle de la mort, ni du défunt, ça les met mal à l'aise et les dérange. Ils préfèrent que tu répondes "bien" à leur "ça va ?". Mon amie, elle, répondait : "non ça va pas, comment veux-tu que ça aille ?" et ça jetait un froid. Moi, je me taisais, je souriais et ça arrangeait tout le monde. D'ailleurs, je semblais aller si bien que j'ai perdu beaucoup de relations qui se sont éloignées de moi comme si j'avais la peste... C'est la vie qui fait aussi du tri entre le bon grain et l'ivraie. Après ça tu sais au moins qui restent tes amis !...
Sois égoïste, tu as payé le prix pour faire ce que bon te semble sans te préoccuper du jugement d'autrui. Moi, j'ai tout quitté à ma 3ème année de deuil pour partir 1 an à Tahiti, seule avec mes 2 enfants. Un coup de tête, ras-le-bol de sourire, d'écouter les conseils, je n'en pouvais plus. 2 semaines pour faire nos paquets et 3 billets d'avion. Autant te dire qu'autour de moi, ça a fait un choc ! Mais pour nous quelle belle aventure !... Je voulais montrer aux enfants que la vie pouvait encore être belle et qu'elle en valait la peine. Pari réussi. Ca nous a fait un bien immense à tous les 3. Le retour a été un peu difficile.
Il faut te faire confiance. Tu vas trouver en toi des ressources insoupçonnées. Du courage. Tu vas être fière de toi, parce qu'il y a de quoi être fière d'un parcours comme le tien. Déjà l'adoption fait de toi quelqu'un de particulier, mais ce que tu vis et ce que tu vas vivre dans les années qui viennent, vont te prouver que tu es encore mieux que tu ne le pensais. Tu vas t'étonner et un jour, tu reconnaîtras que même si tu aurais aimé la partager avec ton époux, ta vie est belle. Crois-moi, même si ça te semble loin, (et ça l'est), ce jour viendra.
Moi, par rapport aux enfants, un jour j'ai dit clairement à mon mari : "OK, tu m'as laissée gérer tout le quotidien, les galères, notre vie sans toi, et j'accepte. Mais en ce qui concerne les enfants, nous étions deux à signer le contrat d'adoption. Pour moi, ta mort ne change rien à ça. Tu restes responsable, où que tu sois, et je compte sur toi pour prendre ta part et pour veiller sur eux, surtout lorsque moi, je ne pourrai pas le faire (voyage scolaire, voyage tout court, études...) et ça jusqu'à ce qu'ils soient maîtres de leur propre vie..."
Et sans doute m'a-t-il entendu parce que lorsque les enfants s'éloignent de moi, je n'ai pas peur. Il prend le relais. Je le sens et je m'en remets à lui. C'est puéril mais ça me sécurise beaucoup et m'empêche d'être une mère trop possessive et trop présente. Je le suis quand même, mais raisonnablement.
Ma fille, à Paris, me téléphone une fois par semaine environ, et je ne lui envoie que quelques textos de temps en temps.
Mon fils habite encore avec moi et me trouve un peu collante, mais il aime la sécurité du nid et ça le rassure. Néanmoins il part en voyage linguistique ou en chantier jeune l'été, et nous nous en portons bien tous les deux !
Tes enfants s'en sortiront. Je pense qu'il leur faut juste être certains qu'ils peuvent compter sur toi. Tu sais, les enfants sont autocentrés, égoïstes et ton chagrin leur fait probablement un peu peur. Eux, ils ont perdu leur papa, mais la vie continue déjà !... Sois néanmoins vigilante sur leur comportement. Mon fils a fait une crise de nerf à l'école, 1 mois après la mort de son père. Il a été suivi (ainsi que ma fille) pendant quelques mois par un psychologue. Mais je t'assure que mes gamins et ceux de mon amie vont bien, sont plutôt épanouis, volontaires, déterminés. Ils ont une vie sociale (mon fils est plus réservé que sa soeur), et font des projets d'avenir. La mort fait partie de leur vie et de leur histoire et ils ont une relation avec elle bien plus saine et réaliste que beaucoup de leurs camarades. Ils vivent ici et maintenant....
Voilà un petit mot de réconfort. Je suis bavarde, pardon.
Je t'embrasse ainsi que tes petits. Courage.
B.