Bonjour,
j'ai longtemps hésité avant d'écrire... je vous ai lu, parfois en diagonal parfois dans le détail... on est tous réunis par notre douleur et par le vide laissé par nos moitiés... ma vie s'est arrêtée il y a tout juste 3 mois... Après avoir lutté et cru comme des acharnés tant lui que moi à sa guérison... la douleur ne le laissait plus vivre... et les doses de morphine et autres antidouleurs en continue n'ont pas réduit sa souffrance. seule une opération aurait pu calmer... opération qui a été annulée en dernière minute et qui m'a fait taper à toutes les portes pour qu'elle soit maintenue. on ne peut pas laisser quelqu'un souffrir comme il souffrait... l'opération a été maintenu... il était programmé à midi trente... il les a supplié de passer en urgence tant il souffrait... je l'ai accompagné jusqu'au bloc, ce lundi 9 mars à 8h45... je me suis retournée pour voir une belle lumière sur son visage et voir le plus beau de ses sourires illuminer son visage, j'aurais voulu courir l'embrasser mais déjà les infirmières l'emmenaient... je ne l'ai pas embrassé. dans l'ascenseur, je repensais à cette luminosité et à ce sourire... dehors pourtant, il pleuvait... il faisait gris... une heure plus tard, le téléphone sonne: bonjour madame, c'est l'anesthésiste ... on a tout fait mais on n'a pas réussi à le réanimer... je l'ai traité de menteuse et j'ai raccroché au nez... je ne l'ai pas amené pour qu'il meure, juste qu'il arrête de souffrir... je suis allée étendre mon linge, faire les lits, en les traitant de menteurs dans ma tête.. un message sur le téléphone: bonjour madame, c'est le chirugien... nous avons tout fait pour votre mari, nous vous attendons pour vous expliquer les circonstances de son décès... décidément, leurs plaisanteries ne sont pas drôles... je devais chercher ma fille pour l'amener chez l'ophtalmo dans la même clinique... j'ai fini par aller m'asseoir dans ma voiture, ne sachant pas si je devais aller chercher ma fille ou si je devais aller voir ces rigolos pas drôles qui m'appellent et je refuse de décrocher... j'ai finalement pris le parti d'aller les voir... juste pour les engueuler sur les farces débiles qu'ils font... les traiter d'inhumains... leur dire que mon mari souffrait mais ce n'était pas une raison pour le laisser partir ... mais on m'attendait à l'accueil de la clinique, comme une VIP... elle est pas drôle votre blague, il est venu se faire opérer pas mourir... elle m'a répondu: ce n'est pas une blague, venez avec moi ... j'ai insisté pour qu'il se fasse opérer... j'ai insisté pour qu'ils soulagent sa douleur... il ne se plaignait jamais mais restait parfois enfermé dans son bureau à pleurer de douleur, et quand les enfants lui demandait pourquoi il pleurait dans le noir et en silence, il répondait qu'il avait vu un film triste... et aussitôt rejouait de la musique.
Je suis allée chercher nos filles au collège... j'ai appelé sa mère, ma soeur, ma mère... Les filles n'ont pas voulu venir avec moi le voir... je les ai déposées à la maison et suis retournée à l'hopital pour le voir... je lui ai demandé de se reveiller, je l'ai supplié... on avait des projets, j'ai préparé le repas qu'il m'avait demandé, on devait vieillir ensemble, on devait mourir ensemble main dans la main l'année de nos 100 ans... rien, il est parti... son visage était apaisé et moi moi j'étais en mille morceaux... il était allongé sur le dos...sans souffrir, pourtant c'était une position qu'il ne tenait plus depuis des mois... maudit cancer quand il a décidé de se développer, il n'a pas fait les choses à moitié... passé du stade zéro cancer de cordes vocales à stade 4 sans crier gare, au détour d'un examen de contrôle, métastases généralisées ou presque...
j'ai vu l'oncologue qui avait également insisté pour que l'opération ait lieu sans délai... puis le chirurgien et l'anesthésiste qui m'ont expliqué qu'il a fait un oedème pendant qu'ils essayaient de l'intuber. il a saigné, ils ont fait une trachéotomie en urgence mais rien n'a pu le réanimer
je ne me souviens plus du reste de la journée... 3 mois que je repense à cette journée du lundi dans ses détails sans me souvenir de ce qui s'est passé qd les pompes funèbres sont venues le chercher à 14h... 3 mois que chaque lundi j'ai des maux de ventre ... je suis allée chaque jour le voir à la chambre funéraire, lui massant les mains, le rechauffant, lui demandant de se réveiller... matin, midi, soir... et il ne se réveillait pas... pourtant je vous jure que je l'ai rechauffé... puis jeudi, ils ont scellé le cercueil.... je l'ai supplié mais rien... j'ai compris qu'il ne sortirait plus de cette boite... le jour de l'enterrement, il y avait beaucoup de monde.. bcp de collègues... on s'est juste tenus devant sa tombe, sans pouvoir dire un mot... j'avais pourtant plein de choses à dire mais je n'ai pas pu ouvrir la bouche... sauf pour dire que notre fille de 11 avait composé un petit morceau de musique pour lui quand il était à l'hopital et qu'elle voulait lui faire écouter... il est bel et bien parti.. et ne reviendra plus... et je ne l'ai pas embrassé dans son beau sourire et cette belle lumière qui l'enveloppait...
le jeudi soir de l'enterrement, on a appris qu'on était confiné à partir du lundi...
il ne souffrait plus... une grande consolation... mais une piètre consolation malgré tout... on lui a fait un bel hommage avec les personnes présentes alors que qq jours après les enterrements ont été restreints.... maigre consolation...
pendant le confinement, j'ai débarrassé ses affaires du placard, j'ai repeint notre chambre et j'ai réaménagé son bureau, enlevé tous ses claviers de musique... repeint la pièce et la chambre d'amis... j'ai acheté des nouveaux meubles pour notre chambre et un nouveau lit... je n'arrive pas à y redormir... je devais faire les corvées qu'il faisait lui... jardiner, bricoler, réparer... je ne sais pas faire tout ça
je me retiens de pleurer devant les filles... mais les larmes coulent toutes seules qd j'écris ou qd je ferme la porte de ma chambre ou quand je suis seule en voiture... devant les gens, j'arrive à montrer que tout va bien... au fond de moi, je me sens totalement meurtrie, pleine de doutes, de peurs... les filles sont préado et ado.. le collège veille sur elles...
c'est vraiment très dur... merci de m'avoir lue, et désolée pour ce très long message