Auteur Sujet: Comment fait-on pour être encore debout ?  (Lu 5832 fois)

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lageta

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Comment fait-on pour être encore debout ?
« le: 11 août 2014 à 11:51:50 »
Bonjour à tous,

Oui comment fait-on pour être encore debout ? après plusieurs mois de souffrances intenses, est-ce simplement l'instinct de survie, ou est-ce une voie intérieure qui nous dit qu'il n'aurait pas voulu ça, qu'il n'aurait pas voulu que l'on soit abattu, que la vie continue tout simplement, lui qui aurait tant voulu la continuer avec nous.

Continuer de profiter de toutes ces belles choses que nous avons eu la chance de partager pendant 30 ans, tous ces beaux paysages de montagne qu'il aimait tant, les oiseaux qui chantent le matin et qui nous réveillent, l'odeur de la rosée quand nous partions faire du vélo tôt le matin, tous ces instants si précieux.

C'est si difficile difficile maintenant que le coeur n'y est plus, mais, oui je pense qu'il n'aurait pas voulu nous voir souffrir ainsi, il faut essayer de retrouver ce coeur qui n'y est plus et l'écouter comme s'il était encore la près de nous,

c'est ce que je voulais partager avec vous ce matin, comme pour trouver un peu de courage à 11 jours de la date anniversaire de ce jour maudit !

Bon courage à tous

Lageta


Hors ligne JeanLuc

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Re : Comment fait-on pour être encore debout ?
« Réponse #1 le: 11 août 2014 à 16:23:31 »
Continuer de profiter de toutes ces belles choses que nous avons eu la chance de partager pendant 30 ans, tous ces beaux paysages de montagne qu'il aimait tant, les oiseaux qui chantent le matin et qui nous réveillent, l'odeur de la rosée quand nous partions faire du vélo tôt le matin, tous ces instants si précieux.

Je n'y arrive pas non plus ... Hélas !

D'un côté, je me dis que j'ai eu de la chance de pouvoir profiter avec elle de tous ces moments privilégiés qui resteront à jamais gravés dans ma mémoire, et de l'autre côté, j'ai l'impression d'avoir perdu l'essence même de ma vie et qu'il ne me sera plus jamais possible d'apprécier de tels moments sans elle ...

Je me sens condamné à vivre un deuil éternel avec le chagrin et la souffrance qui vont si bien avec ... A la limite, j'oserais dire que, pour l'instant, je me complais dans cet état qui fait le vide autour de moi et me protège des agressions extérieures.

Au début, la solitude m'était insupportable et à présent, tout doucement, elle devient mon amie ... Avec elle, pas besoin d'expliquer les choses, de devoir se justifier, de se sentir "différent" ... Elle devient une sorte de présence dans l'absence, une confidente à qui on peut tout raconter ...

Dans cette solitude, je ressens aussi la présence ineffable de Chantal ... Un peu comme si elle ne voulait pas me laisser seul et qu'elle voulait me réconforter.

Je crois sincèrement que cette solitude consentie et voulue est un passage obligé vers un peu plus de sérénité ... Elle me permet de mieux cerner mes sentiments et d'avancer doucement dans mon labyrinthe.

J'ajouterais aussi que cette solitude ne m'éloigne pas des autres, mais qu'elle compartimente ma vie ... Parfois j'aime être entouré, mais parfois aussi, j'aime être seul.

C'est dans cette solitude que j'ai compris que nos cher(e)s disparu(e)s n'ont qu'un seul souhait, celui de nous voir vivre, de nous voir avancer et de continuer ce que nous avions entrepris ensemble dans notre vie d'avant ... En ce jour funeste, nous sommes devenus les dépositaires de leurs mémoires et de leurs souvenirs et c'est à nous d'en assurer la pérennité.

J'espère que ta soirée sera douce, lageta,

Affectueusement,

Jean-Luc



La vie est le commencement de toutes choses ... La mort, c'est simplement le début d'une autre vie ...

lageta

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Re : Comment fait-on pour être encore debout ?
« Réponse #2 le: 11 août 2014 à 19:06:16 »
Merci pour ton soutient Jean-Luc, tu as trouvé les mots justes pour parler de ce que je ressens aussi, cette solitude dans laquelle on se complet souvent à défaut de trouver la bonne personne pour partager l'état dans lequel nous vivons en permanence depuis des mois et dans lequel nous avons du mal à avancer, dans ce deuil éternel qui n'auras jamais de fin mais qui pourra peut-être évoluer avec le temps.

Je te souhaite également un peu plus de douceur et un peu moins ds tourments.

Bonne soirée

Lageta







Hors ligne qiguan

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Re : Comment fait-on pour être encore debout ?
« Réponse #3 le: 11 août 2014 à 20:48:23 »
Bonsoir Lageta
J'avais exprimé bien des choses dans ce fil http://forumdeuil.comemo.org/vivre-le-deuil-de-son-conjoint/quel-lien-et-comment-faire-le-lien-avec-le-conjoint-defunt/
J'imagine (je ne suis qu'au début du deuil) qu'au bout de presque un an ou plus on peut mieux identifier ce qui nous a fait tenir.
Là mon moteur de base c'est ne pas vouloir faire plus de mal à ma fille et ma petite fille, ensuite c'est celui lié à ma croyance à la survivance de "l'âme" du défunt et à ce que je vis en partage avec lui, c'est aussi la promesse faite (plus ou moins clairement) dans les derniers jours qui soutien ma vie qui ressemble souvent à une survie dans ce nouveau monde ... c'est s'accrocher à cette nouvelle sensation de fusion/intégration qui semble s'installer de plus en plus en moi sa "présence" m'habitant autrement ...
je pense que c'est ainsi que je tiens debout mais dans la durée je ne sais pas ce qui va servir avec efficacité ...

Lageta, Jean Luc et tous les autres je vous souhaite de trouver en vous une sorte de consolation apaisante pouvant adoucir votre quotidien
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Hors ligne JBNB

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Re : Comment fait-on pour être encore debout ?
« Réponse #4 le: 11 août 2014 à 21:03:49 »
Vos deux témoignages, Lageta et J.Luc, sont poignants.

Je sais combien il est dur d'affronter chaque anniversaire, pas seulement du décès, mais aussi celui de tous les évènements auxquels notre cher disparu était attaché.
Pour ma part, le calvaire suivi du départ de Nicole, mon épouse, m'a consolidé dans mes convictions. Je crois en l'au-delà. Elle aussi, du reste. Nous parlions beaucoup de ce sujet. Pour moi, c'était très difficile, tellement j'avais mal. Mais elle voulait savoir....
Nous avons lu et commenté un petit livret de Elisabeth Kübler Ross, intitulé : la mort, un nouveau soleil. Puis, nous avons transposé le "passage", en lui affectant une connotation religieuse.
Oui, la foi nous a beaucoup aidés, elle et moi. Une chaîne s'était formée, pour penser à elle - et, de fait, la douleur morale, qu'on  pourrait qualifier d'intolérable, s'est avérée presque supportable.
Par suite, je continue de marquer tous ces évènements, je les ponctue en faisant en sorte de ne pas rester seul, à ces moments-là. J'essaie de leur donner un sens, une signification.

La solitude, quant à elle, me pèse... mais, parfois, comme le dit si bien J.Luc, elle nous est paisible, presque bienvenue..
Les amis se sont tellement fait discrets, qu'on pourrait les avoir totalement oubliés.
Mais, parmi nos compagnons d'infortune, il y a ceux qui savent tendre la main.... pour aider l'un, réconforter l'autre. N'est-ce pas beau ?

Soyons de ceux-là....

Courage à vous deux... et à tous ceux qui sont encore dans une peine profonde.
Je pense à vous...

Amitié

Jacques

Jacques

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Re : Comment fait-on pour être encore debout ?
« Réponse #5 le: 11 août 2014 à 23:35:58 »
La solitude, oui c'est une horreur, on se retrouve devant son assiette sans avoir faim, sans personne pour parler, échanger, quelquefois je n'ai même pas envi de la mettre cette fameuse assiette, alors je mets la télévision, elle fait du bruit cela donne un semblant de vie dans cette maison vide, ma fille est parti avec mes beaux-parents. Je me demande franchement ce que je fais dans ce monde, que je sois sur cette terre ou ailleurs cela ne l'empêchera pas de tourner, finalement c'est peut-être mon épouse qui a fait le bon choix, elle s'est libérée de toutes contraintes, que cette vie est inutile.

Hors ligne zabou

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Re : Comment fait-on pour être encore debout ?
« Réponse #6 le: 12 août 2014 à 10:18:54 »

Ne dis pas ça Hubert, bien sur , la vie d'après, semble inutile , tant elle est vide de sens, le pour qui , pourquoi, nous taraude des mois durant...

Peu à peu, lentement, trop surement,  on retrouve des envies, des petits projets, qui n'en paraissent pas , d'ailleurs on ne le réalise même pas , trop pris par la souffrance.

Cette douleur immense prend toute la place au début, nous engloutit, j'avais totalement oublié mon fils, mes petits enfants, rien ne comptait plus pour moi, que ce manque de mon mari, ses bras, son rire, son amour, je pensais ne pas me relever , et je tombais inexorablement dans le néant , j'ai perdu 22 kilos, un sac d'os ambulant, plus faim, plus envie de rien...

Puis, on se relève, on trouve un but à chaque jour, petit insignifiant, mais un but, des petits pas, mais des pas.

Pense à ta fille, elle a besoin de toi, et tu l'aimes, un beau jour, tu verras cela redeviendra une évidence.

Aujourd'hui, la douleur et le manque sont trop forts, mais cela aussi s'adoucira.

Mes pensées t'accompagnent.

zabou
Le souvenir, c'est la présence invisible.
Si j'avais su que je t'aimais tant, je t'aurais aimé davantage.
Mon amour, plus qu' hier et moins que demain.

Hors ligne JeanLuc

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Re : Comment fait-on pour être encore debout ?
« Réponse #7 le: 12 août 2014 à 10:34:56 »
@ Hubert,

Je pars du principe que la personne qui se suicide n'a pas le choix au moment de commettre ce geste ...

Dans son esprit, le suicide est la seule solution pour échapper à sa souffrance morale ou physique et nous ne serons jamais à sa place à ce moment précis pour juger de l'existence ou de l'intensité de cette douleur et de la justification de son geste.

Si la personne pensait avoir le choix il est certain qu'elle envisagerait d'autres options ...

Nos épouses n'ont pas fait ni le bon choix, ni le mauvais choix ... Elles ont fait ce qu'elle pensait être la seule solution à ce moment précis et il ne nous appartient pas de juger de l'opportunité de ce geste irréparable qui nous plonge dans le chagrin et la souffrance jusque la fin de nos vies.

Même si c'est très difficile à accepter - certains n'accepteront jamais, ce que je comprends - elles n'ont pas voulu nous abandonner ni nous faire du mal, elles ont décidé d'appliquer leur libre arbitre et de disposer de leur propre vie comme elles l'entendaient.

Chantal était sous un puissant neuroleptique depuis plus d'une année (ce qu'on appelle une "camisole chimique"), elle avait une piqûre toutes les 4 semaines qui empêchait la survenance de crises d'angoisse, d'anxiété et d'épisodes de grave dépression ... Elle avait la dose minimale et durant les 3 premières semaines de l'injection elle vivait telle un zombie, sans ressentir d'émotions ou de sentiments particuliers ... Ce n'est que durant la quatrième semaine, juste avant la prochaine injection qu'elle recouvrait un semblant de vie ainsi que son libre arbitre ... Elle a commis l'irréparable un vendredi, juste avant le rendez vous que nous avions chez le médecin pour son injection mensuelle.

Elle a décidé que, entre vivre "sans vivre" sous neuroleptique, ou vivre avec des crises incommensurables d'angoisse existentielle et d'anxiété qui la menait en droite ligne à une dépendance affective et matérielle, la seule option qui lui restait n'était pas de mourir, mais de s'ôter cette vie qui ne lui convenait plus et qui la faisait souffrir au-delà du raisonnable.

Il m'a fallu du temps pour comprendre que si j'avais été à sa place, j'aurai probablement agi de même ... Une sorte de "geste d'humanité" appliqué à soi-même.

Nous, les "survivants", nous avons le choix de vivre et de continuer à avancer, d'abord pour nos enfants et nos petits-enfants, mais aussi par respect pour nos disparu(e)s et pour perpétuer leurs mémoires et leurs souvenirs.

De mon côté, et à ma petite échelle, je tente de lever le voile du tabou qui existe encore quand on parle du suicide ... La société en général n'accepte pas  qu'un de ses membres décide unilatéralement de quitter une vie qui ne lui convient plus alors que cette même société est chargée de veiller au bien-être moral et physique de chacun de ses membres.

Alors, pense à ta fille, Hubert, elle doit être le moteur de ton combat pour t'en sortir... Et elle le sera !

Amicalement,


La vie est le commencement de toutes choses ... La mort, c'est simplement le début d'une autre vie ...