Auteur Sujet: Se laisser flotter  (Lu 3225 fois)

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Claude1952

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Se laisser flotter
« le: 20 janvier 2016 à 22:07:32 »
Les conseils, tuyaux et autres recettes pour essayer de traverser le cauchemar comme si l'on savait où se trouve la sortie, évidemment qu'ils sont inutiles, vu que chacun de nous a son cauchemar et qu'il n'a que peu de ressemblances avec celui des autres, comme la personne qui nous manque, elle ne ressemblait à aucune des personnes qui manquent aux autres.
Cependant j'ai une conviction sur le plan " fonctionnel " : j'ai remarqué qu'il était épuisant de " lutter contre la souffrance ", et que donc il était mieux de se laisser emporter par le chagrin et la tristesse comme un bouchon posé sur une rivière d'eau noire, car essayer de ne pas être triste, de ne plus pleurer, de manger comme avant, de tout faire comme " avant ", cela ne nous convient pas car c'est une façon de nier le décès. Les gens, tant pis s'ils n'acceptent pas ou s'ils acceptent mal, ils doivent reconnaitre notre statut de victimes d'une grave perte, puis plus tard notre statut d'handicapés traumatisés à vie, car ils ne sont pas à notre place et n'ont qu'une hâte : que nous cessions de nous plaindre et de souffrir, cela dérange.
Moi je me suis laissé porter par ma souffrance sans chercher à lutter contre et déjà cela m'a empêché de sombrer, car ma douleur m'a emmené dans une direction que je n'aurais pas trouvée si je l'avais niée. Je ne savais pas qu'on pouvait un jour " refaire sa vie ", à condition de ne pas l'avoir calculé ni prévu ni programmé, que cela venait à son heure, parfois ça prend des mois, d'autres fois des années. Mais parvenir à vivre une journée de plus jusqu'au soir, chaque jour, c'est tout ce qu'on doit essayer de faire.  Autrefois on portait un vêtement de deuil, un brassard noir, un " crêpe " noir, pour informer de notre fragilité. De nos jours on est regardés comme provoquant un malaise si jamais on dit :
" Je suis la personne qui a perdu quelqu'un d'important. Je suis avant tout endeuillé. Donc : handle with care. "
« Modifié: 20 janvier 2016 à 22:09:41 par Claude1952 »

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Re : Se laisser flotter
« Réponse #1 le: 20 janvier 2016 à 23:05:34 »

    J'aime bien ton petit mot, Claude.
    Je trouve aussi que c'est inutile de contrer les sentiments: ils viennent, qu'ils viennent.
     Et cela n'a rien à voir avec ce que les "autres" appellent le "laisser-aller".
     On peut aller mieux de temps en temps, qu'on arrête de nous emmerder avec "s'en remettre".
      Je fais des efforts pour être "bien", parfois ça réussit, parfois j'ai l'impression que le deuil m'a bousillé tellement de neurones que ch'uis devenue prématurément gaga : je retrouve mes affaires n'importe où, je me rends compte au supermarché que j'ai gardé mes pantoufles ...
      Dernièrement, qqn a rapporté dans "les petites phrases dont on se passerait bien", les paroles odieuses d'un médecin-conseil . Non seulement certains ne "savent" pas, mais ils ne "VEULENT pas savoir".
      Et que le temps passe, les années, et qu'on reste marqué, ça, ils comprennent pas non plus.
      Et pour les psys, le deuil "n'est pas une maladie", n'empêche, il enclenche une "autre vie", pas évidente du tout.
     
     

Claude1952

  • Invité
Re : Se laisser flotter
« Réponse #2 le: 20 janvier 2016 à 23:42:30 »
Me souviens de deux phrases terribles qu'on m'a dites environ quinze jours après le décès de Marilyn :
( Mon médecin ) : " Pourtant elle y était allée de bon coeur au CHU ! " ( Marilyn avait une affection cardiaque et elle a été greffée, elle est morte parce que la greffe n'a pas " pris " )
( Un copain ) : " C'est en considérant ton malheur que je me rends compte de mon bonheur à moi ... " ( Sa femme était bien vivante et donc il n'était pas dans le deuil comme moi )