Les conseils, tuyaux et autres recettes pour essayer de traverser le cauchemar comme si l'on savait où se trouve la sortie, évidemment qu'ils sont inutiles, vu que chacun de nous a son cauchemar et qu'il n'a que peu de ressemblances avec celui des autres, comme la personne qui nous manque, elle ne ressemblait à aucune des personnes qui manquent aux autres.
Cependant j'ai une conviction sur le plan " fonctionnel " : j'ai remarqué qu'il était épuisant de " lutter contre la souffrance ", et que donc il était mieux de se laisser emporter par le chagrin et la tristesse comme un bouchon posé sur une rivière d'eau noire, car essayer de ne pas être triste, de ne plus pleurer, de manger comme avant, de tout faire comme " avant ", cela ne nous convient pas car c'est une façon de nier le décès. Les gens, tant pis s'ils n'acceptent pas ou s'ils acceptent mal, ils doivent reconnaitre notre statut de victimes d'une grave perte, puis plus tard notre statut d'handicapés traumatisés à vie, car ils ne sont pas à notre place et n'ont qu'une hâte : que nous cessions de nous plaindre et de souffrir, cela dérange.
Moi je me suis laissé porter par ma souffrance sans chercher à lutter contre et déjà cela m'a empêché de sombrer, car ma douleur m'a emmené dans une direction que je n'aurais pas trouvée si je l'avais niée. Je ne savais pas qu'on pouvait un jour " refaire sa vie ", à condition de ne pas l'avoir calculé ni prévu ni programmé, que cela venait à son heure, parfois ça prend des mois, d'autres fois des années. Mais parvenir à vivre une journée de plus jusqu'au soir, chaque jour, c'est tout ce qu'on doit essayer de faire. Autrefois on portait un vêtement de deuil, un brassard noir, un " crêpe " noir, pour informer de notre fragilité. De nos jours on est regardés comme provoquant un malaise si jamais on dit :
" Je suis la personne qui a perdu quelqu'un d'important. Je suis avant tout endeuillé. Donc : handle with care. "