"LA VIE QUAND MÊME" - Élisabeth et Éric de Gentil-Baichis -(Éditions Chronique Sociale - Février 2013)
Camille, 15 ans, collégienne à Nantes, s'est pendue en 2010. Debout, après son suicide, ses parents Eric et Elisabeth Gentil-Baichis témoignent de leur parcours à travers le livre qu'ils ont écrit : "La vie quand même".
Un beau témoignage de l'amour, de la vie, au de là de la mort, de cette mort doublement particulière, celle de son enfant, par suicide... Cet ouvrage est une aide précieuse pour les parents qui vivent le même drame.
- BRISER LE TABOUAvec ce livre, nous voulons témoigner sans complaisance de notre longue traversée du désert, puis de notre retour parmi les vivants. Notre souhait est double : parler ouvertement du suicide des adolescents, de ce que nous avons compris, de la mort d'un enfant et du chemin des parents.
Pour nous, cet événement était tellement inattendu. Nous nous sentions très éloignés de ces drames. On s'est rendu compte du tabou dans notre société, dans l'Éducation nationale. Nous n'avons jamais caché ce qui s'était passé. Nous avons constaté que cela a libéré la parole autour de nous.
- REGARDER LA MORTIl faudrait tant réapprendre, dans notre société, à vivre ce temps d'adieu. Si le corps de Camille était parti tout de suite au funérarium, notre vie serait différente aujourd'hui.
Nous avons eu la chance de garder Camille à la maison pendant quarante-huit heures. Elle était très belle... Faire l'apprentissage de la mort, s'en approcher au plus près pour ne pas en avoir peur.
Après la mort de notre fille, nous quittons le monde « réel ». Les aliments n'ont plus de goût, nous ne sentons plus nos pas, plus rien n'a de sens...
Nos trois autres enfants ne nous intéressent plus. On ne les voit plus. Après ce qui était arrivé, nous n'avions plus le droit d'être parent.
- RESPECTER SON MYSTERENous avons cherché dans tous les sens. Son suicide restera un mystère. Nous le respectons aujourd'hui. La culpabilité, on la ressent forcément.
Il faut que la parole puisse se poser. Nous avons été accompagnés par trois psys, en couple puis chacun de notre côté.
Nous avons évidemment revisité chaque jour, chaque heure, chaque minute du mois de janvier, cherchant un indice, un détail qui nous aurait échappé. Nous nous sommes rappelé cette soirée, dix jours avant sa mort, où elle nous avait semblé si différente. Méconnaissable dans ses propos et dans sa façon d'être.
Si seulement Camille était restée dans cet état, nous l'aurions aidée. Nous serions allés voir des professionnels si nous nous étions rendu compte que nous n'étions pas les bons interlocuteurs. Mais dès le lendemain, ce visage blafard et cette attitude si dure avaient disparu. Pourquoi nous n'avons pas gardé cette idée en tête : elle va péter les plombs ?
- ACCEPTER LA SOUFFRANCELa vie ne sera jamais plus comme avant... Mais nous allons bien, voire très bien, nous sommes debout.
Plusieurs raisons à cela : nous sommes très entourés et nous avons accepté de plonger très bas en regardant notre souffrance en face. En plongeant, replié sur soi, on se donne le temps d'être seul avec sa douleur.
Élisabeth de Gentil-Baichis : "Les premiers temps, je passais mes journées dans la chambre de Camille, roulée en boule, à pleurer, à hurler. J'allais au cimetière tous les jours. Je voulais n'être qu'avec elle, physiquement et moralement. J'ai beaucoup écrit. Tout ce qui parlait de Camille m'aidait à vivre, pour dire « ne l'oubliez pas ». Ça me rassurait. Un jour, j'ai compris que ma fille ne serait jamais oubliée. Je pouvais continuer mon chemin."
Éric de Gentil-Baichis : "Quelques jours après sa disparition, je me souviens que sortir du lit m'avait demandé un effort incroyable. À partir de ce moment, j'ai pris la décision de continuer à vivre. Cet acte posé a conditionné mon et notre avenir. J'avais choisi mon camp, celui de la vie."
- S'AUTORISER A VIVRE
On vit avec une épine dans le cœur mais on s'autorise à vivre. Notre traversée nous a permis d'aborder de front la mort, la détresse, la relation aux autres, la solidarité et la dimension spirituelle.
Nous ne sommes plus dans une culpabilité qui nous empêche de vivre, d'élever nos enfants, d'y croire.
Éric de Gentil-Baichis : "Comment je peux donner du sens, transcender ce drame pour en faire quelque chose ? Voilà dix ans que je voulais être visiteur de prison. Je le suis devenu."
Élisabeth de Gentil-Baichis : "On sait que du jour au lendemain, tout peut s'arrêter. Trois semaines après le départ de Camille, nous avons repeint sa chambre, qui est devenue une salle de musique. Camille faisait de la flûte traversière. Il y a désormais une batterie, un clavier, sur lesquels ses frères et sa sœur répètent."
D'après le témoignage recueilli par Magali GRANDET le 8 février 2013, publié sur la page Facebook de "JP29 SANS TOI MON ENFANT".
https://laviepourleternite.blogspot.com/p/le-suicide.html