JPV 29.22 Sans toi mon enfant
CHANTAL A ÉCRIT CETTE LETTRE À SON FILS SAMUEL APRÈS CINQ ANNÉES ÉCOULÉES DEPUIS SON DÉCÈS ET NOUS L’A PARTAGÉE LORS DE LA RENCONTRE SUR LE THÈME :
PEUT-ON SURVIVRE AU DÉCÈS DE SON ENFANT?
5 ans – Lettre à mon fils
Le temps
Sam, peu de temps après ton décès je me suis fait servir cette phrase à maintes reprises : ‘’Tu verras le temps arrange les choses’’. Cette phrase à laquelle je n’adhérais pas. Cette phrase que je trouvais condescendante. Cette phrase, je ne voulais pas l’entendre car pour moi le temps s’était arrêté, il n’y avait plus de temps et plus rien n’avait d’importance.
Pour moi, à ce moment, le temps n’arrangerait aucunement les choses puisque plus jamais je ne pourrais te serrer dans mes bras, entendre ta voix et avoir la chance de te voir évoluer. On m’avait volé ce que j’avais de plus précieux, toi !
Pourtant le temps :
Le temps a adoucit la douleur qui me prenait aux tripes jusqu’à me couper le souffle ;
Le temps a changé mes torrents de larmes en pluie passagère ;
Le temps m’a fait voyager dans un tourbillon de sentiments variés (déni, colère, tristesse, culpabilité et j’en passe) pour enfin trouver un peu de calme ;
Le temps a mis sur mon chemin des anges qui m’ont tenu la main pour m’aider à traverser ce drame ;
Le temps m’a apporté des jours tout en douceur ;
Le temps a comblé un peu le vide avec des petits êtres à aimer.
Avec le temps :
J’ai appris avec le temps que je n’ai qu’à fermer les yeux pour voir ton beau visage et ton sourire ;
J’ai appris avec le temps que je n’ai qu’à me poser un instant pour faire jaillir plein de souvenirs joyeux que nous avons partagés;
J’ai appris avec le temps que tout l’amour que je te porte ne s’effacera jamais ;
J’ai appris avec le temps que tu as et tu auras toujours ta place dans mon cœur ;
J’ai appris avec le temps que tu ne voudrais pas que ton absence me rendre malheureuse pour le reste de mes jours, que tu aimes me voir sourire.
Par-dessus tout le temps :
Le temps m’a fait prendre conscience que nous n’avons aucun contrôle sur la vie d’autrui ;
Le temps m’a fait prendre conscience que nous devons prendre grand soin de ceux qui nous sont chers ;
Le temps m’a fait prendre conscience qu’il faut laisser du temps au temps afin que la douleur de ton absence ne prenne plus toute la place ;
Le temps m’a permis de découvrir qu’il est possible de survivre malgré ton absence et qu’il y a encore de beaux moments à venir. Ce que je n’aurai jamais cru possible.
Vois-tu, mon fils, ton décès a fait de moi une personne différente et maintenant je sais que tu m’accompagnes car tu fais partie de moi ; ho, bien différemment, plus physiquement bien sûr, mais à l’intérieur de moi.
Ce temps si douloureux au début de mon deuil m’a permis non pas d’accepter ton décès si brutal, mais d’apprivoiser ton absence tout au long de ce long parcours qu’est le deuil de son enfant.
Sam, mon fils, tu m’as guidée tout au long de ce cheminement qui est encore parfois ponctué de bas et de hauts. J’ai cependant appris beaucoup au cours de ces 5 dernières années et je t’en remercie.
En conclusion, au début du deuil, il parait impossible d'imaginer qu'on puisse, un jour, sortir de cet état. Et pourtant, on va y parvenir ; il faut s'ancrer dans cette conviction, même si tout tend en soi, à prouver le contraire. Des milliers de personnes ont traversé cette même épreuve et ils sont là pour témoigner qu'on ne reste pas dans cette souffrance-là. N'oubliez jamais que le deuil est un processus évolutif, ce n'est pas un état fixe et immuable, même si on a l'impression qu'il en sera toujours ainsi.
Il faut simplement laisser du temps au temps.
CHANTAL BLANCHET, ANIMATRICE 5 AVRIL 2019