Chronique du veilleur (20). Sur les Feux nomades de Jacques Robinet.
par : Gérard Bocholier
Jacques Robinet, parisien, né en 1937, est psychanalyste et a commencé à publier à partir de 2000 des livres illustrés par les encres de son ami Renaud Allirand. Vient de paraître aux éditions La Tête à l’envers : Feux nomades, dont la voix, entre murmure et silence bien souvent, retient immédiatement le lecteur.
Jacques Robinet écrit une poésie d’interrogations patientes : sur le passé, le deuil et les absences, sur le présent du langage poétique, sur la dernière étape du parcours de son existence qu’il lui reste à accomplir. Il lui suffit de laisser entrer toutes ces forces d’ombre qui se pressent aux lisières ou sur le seuil :
"La vie frappait aux portes de ta clôture
Pourquoi n’ouvrais-tu pas ?
Tu pensais : demain je sortirai
je découvrirai le chemin des rivières
je parlerai au vent aux hommes aux oiseaux
Demain n’existe pas
pour qui dialogue avec les ombres"
Mais il y a « ce qui échappe aux mots », ce « tourment d’abeilles jamais comblées / par le pillage des fleurs ». Le poète écarte la tentation du renoncement, du mutisme, du désespoir. Il ne cesse de tendre vers ce qui, dans l’invisible, lui apportera la réponse :
Passages d’eau de vent de feu
Comment parvenir au lieu secret
où tout se livre où tout se perd ?
C’est avec une foi et une espérance un peu voilées ou hésitantes, qu’il avance sur le chemin, « sans autre savoir que cette attente / qui s’amplifie / du déclin de l’ombre ». Sa poésie répond sans ambages au désir profond du cœur, elle fait confiance, malgré tout, à ce que l’homme sent en lui d’éternel :
"Chacun tisse son ciel
avec quelques étoiles
Une poignée de graines
fleurissent un jardin
Nous prenons pour guides
ceux qui filtrent la parole
au tamis du silence
qui négligent le feuillage
pour surprendre le vent"