Bonsoir,
Je m'appelle Elisabeth.
J'ai vécu 28 années de bonheur auprès d'un homme qui m'adorait et que j'adorai.
Au bout de toutes ces années, quand nous marchions dans la rue il me tenait encore la main. Il m'a donné 3 merveilleux enfants, qui sont sous le choc et notamment ma fille de 21 ans qui suite à ce décès a due être interné en clinique psychiatrique pendant tout le mois d'Août dernier.
Je suis bipolaire et donc hyperémotive, ce à quoi ne pensent pas mes enfants par exemple, et je pourrai vous en citer d'autres, il est parfois dur de soutenir les autres alors que vous avez l'impression que personne ne vous soutient, ni ne vous comprends. Je crois qu'il faut être passé par là pour sentir ce coup de poing dans l'estomac quand vous pensez à celui qui est parti.
Ce samedi là 1er Décembre 2018, nous étions seuls à la maison. Après un déjeuner où nous avions tous les deux rit pour je ne sais plus quelle raison, il s'est installé sur le canapé, à sa place habituelle. Il a posé, comme d'habitude ses pieds sur la table basse, et a commencé à ronfler.
Pendant ce temps là moi je m'employait à ranger la cuisine et nous devions sortir pour acheter du bois pour la cheminée.
Quand je l'ai entendu ronfler, je suis allée le voir, pour qu'il se réveille et que nous partions.
En fait, il ne ronflait pas, il agonisait.
Ses yeux étaient vitreux, ses râles continus, que j'entends encore, m'ont immédiatement paniqué.
Je l'ai appelé, "ERIC! ERIC! ERIC!" Je l'ai giflé, j'ai hurlé et encore hurlé. J'ai fait la seule chose que j'avais retenue de mes cours de secouriste, j'ai fait un massage cardiaque pendant que j'appelais les pompiers sur haut-parleur. Ils ont mis entre 10 et 15 minutes à arriver. Et pendant que je le massais deux fois il a pris une grande inspiration, et ses yeux se sont "réveillés" 2 secondes pas plus. Lorsque les pompiers sont arrivés sa peau avait la couleur des peaux non oxygénées,ternes, mortes. ils ont immédiatement appelé le SAMU, qui fut là en 5 minutes.
Ils l'ont choqué deux fois et ont réussit a attraper un petit pouls et ont décidés de l'emmener. Immédiatement le médecin du SAMU m'a demandé si je connaissais quelqu'un qui pourrait venir me soutenir. J'ai averti ma belle-soeur qui s'est évanouit en plein centre commercial. Sa fille a alors appelé mon beau-frère, que maman était évanouie et qu'il y avait un problème chez moi.
Entre temps ma belle soeur réveillé de son évanouissement et sans considération pour l'état dans lequel elle était, a pris sa voiture pour monter chez moi (j'habite dans les collines de Toulon) elle a croisé les pompiers et le Samu, et elle les a suivis à l'hôpital.
Mon beau frère est venu me chercher, et nous sommes tombés dans les bras l'un de l'autre (le mot famille a une grande existence chez nous).
Mon mari a refait un arrêt cardiaque dans le fourgon, qui s'est arrêté et ils ont encore réussit à retrouver, encore une fois, un petit pouls. Dès son arrivée à l'hôpital, ils l'ont descendus au bloc et ont débouché l'artère qui avait provoqué cette crise cardiaque.
De plus, comme nous sortions de table, l'intégralité de ses poumons étaient plein de nourritures solides.
Les poumons ont une dispositions en arborescence, donc on ne peut les vider. Ils ont essayé, ils ont tout essayé; mais rien n'y a fait.
Il était sous respirateur et il n'a jamais repris connaissance.
J'avais prévenu mes enfants comme m'avait dit de le faire le médecin urgentiste. J'ai trois grands enfants, 28, 25 et 21 ans.
Mon mari était un super papa. J'entends encore mon deuxième fils lui dire "un jour j'aimerai être un père comme toi". A ma fille qui étudiait à Londres, il avait dit au moment de son départ "Tu vas me manquer ma chérie", ce sont les derniers mots qu'il lui a dit.
Mon fils aîné est arrivé à minuit, mes deux autres enfants étaient là à 7 heures le lendemain matin.
Quand je les ai vus arriver à l'hôpital, j'ai fait une crise de nerfs dans leurs bras.
Les médecins ont été formidables, dans l'unité de réa soins intensifs, tous les jours à une heure fixée ensemble, le médecin et l'infirmier délégué à un patient, reçoivent les familles et font le point.
Il est rentré à l'hôpital le 1er décembre et a été déclaré mort le 7. Ils m'ont laissé lui dire au revoir, ils ont arrêté le respirateur quand je leur ai dit que j'étais d'accord.
Trois cents personnes ont assisté à ses funérailles, tous n'ont pu réussir à entrer dans l'église. Mon mari, chef de projet dans un bureau d'étude, était une légende dans le monde du BTP (bâtiment, travaux publics). A la fin de sa vie, il suivait la construction de 500 logements en même temps. Et tous, depuis les PDG, jusqu'au dernier des ouvriers des entreprises, sont venus. Les ouvriers m'ont plus touchée que les autres. La veille des funérailles, beaucoup d'entre eux ont demandé à leur patron l'autorisation de venir à l'église pour rendre un dernier hommage à cet homme, si simple et si bienveillant. Ils étaient là en tenue de travail juste pour dire au revoir à cet homme si bienveillant, si humain. Quand mon mari arrivait sur un chantier, il disait bonjour à tout le monde, même au dernier des apprentis dont il avait retenu le nom . L'air de rien, en jean et tee-shirt improbable et pas repassé, toujours des baskets aux pieds, ils avaient réussit ce tour de force de se faire aimer de tous.
J'ai envoyé plus de 100 faire part de remerciement, et quand je croise un ouvrier, je suis pour eux, une icône, je suis MME L______
Voilà en gros à quoi ressemble mon histoire. C'était en Décembre 2018 et j'attends toujours qu'il rentre à la maison.
Je ne suis pas apaisée, je n'accepte rien, je veux mon mari et rien d'autre. Je survis, pour mes enfants surtout, pour moi parfois. J'avance parce qu'il faut avancer, je joue mon rôle de mère,
J'ai perdu ma vie. Je ne pensais pas qu'un jour je devrai en construire une nouvelle, ma vie était tracé avec mon mari et mes enfants comme moteur.
Aujourd'hui, quand on me dit que je dois faire mon deuil, j'ai envie de cogner les gens si prompts à donner des conseils à la con pour une situation qu'il ne comprennent, ni ne vivent.
Non, je n'ai pas fait mon deuil, non je ne veux pas rencontrer quelqu'un d'autre, non je ne veux pas "refaire ma vie". Pour moi, tout ça c'est des conneries.
Je veux celui qui ne rentrera pas