5:23. Je suis sur le site et je suis la seule apparemment.
Tous ces messages de désespoir, toutes ces larmes, tous ces doutes, ces peurs...
Où en es tu Martine?
Mon mari est parti voilà 15 mois, emporté par un cancer foudroyant. Ce fut si dur, pendant. C'est si dur après. Je suis partie avec lui ce 22 juillet 2010. 30 ans ensemble. Oui, pourquoi m'avoir donné tant, pour me reprendre tout, d'un seul coup, avec violence. Oui, je me suis dit aussi que je regrettais de l'avoir rencontré, d'avoir vécu un tel bonheur, l'absence est tellement insupportable. Mais à présent, je me suis rendue compte que c'était une richesse extraordinaire, un cadeau merveilleux. Rien n'est pire que de ne pas avoir aimé, que de ne pas avoir été aimée.
Depuis son départ, je survis. J'apprend, je réapprend tout, toute seule. Entourée de ma famille, mais glacée et si seule à l'intérieur. Je ne cesse de faire semblant. Faire semblant d'aller mieux, faire semblant d'aller bien. Je n'ai pas le droit d'entrainer tout le monde dans le gouffre de mon chagrin. Je sais que plus rien de bon ne m'attend. Et pourtant je continue d'avancer. Il vit à présent à travers moi, chaque minute de chaque heure, c'est ensemble que nous agissons, je jardine avec lui, je lui écris, je gâte nos nièces, je fais des photos avec lui, pour lui. C'est un être rare, mon mari. La mort n'a pas le droit de le faire disparaitre de notre planète comme cela. Il est... était architecte. Il a dessiné, construit, transpiré sur des projets. Il savait tout faire dans la maison. A présent, tout est un problème pour moi, alors j'apprend, j'essaie de me souvenir de ses leçons qu'il tentait de me donner en riant de mon incompétence. Il savait aussi peindre, écrire des poèmes, il était à mes cotés toujours pour m'aider à faire la cuisine, les courses, nous avions une tonne de projets plein de douceur, nous refaisions le monde chaque jour, ensemble, rires, croquis, musique, tartines de confiture, promenades en forêt...
Tout cela ne doit pas disparaitre. Cà en fait des souvenirs!
Alors je collecte, j'emmagasine, je reconstruis sa vie et la mienne, j'écris, écris et écris. Tout, n'importe quoi. Je pleure, comme en ce moment, mais aussi je souris en voyant une de ses photos où il fait le clown, je ris, oui, j'arrive à rire avec lui, je revis cet instant avec bonheur, oui, avec bonheur, je peux encore le ressentir ce bonheur et encore et toujours grace à lui.
Tu as des enfants, Martine. Tu as des tas de choses merveilleuses sur leur père à leur raconter, il doit continuer d'exister pour eux aussi, et pour vos petits enfants à venir. Cet homme là n'est pas celui qui souffre sur un lit d'hôpital, c'est celui qui vous a rendu heureux, tous et il continuera avec toi, Martine. Il y aura toujours "un avant" et "un après". Mais il sera toujours là.
Ecris, Martine, écris, en vrac, tout, le bon, le moins bon, la rancoeur, la peur, la vie avec lui, la vie, la tienne, la sienne, la votre...
Un livre d'Amour.