Bonjour à tous,
Apres des mois à avoir refusé d'aborder ce sujet du deuil que je vis depuis le mois de février, je me décide à partager sur ce forum, et à demander des conseils d'endeuillés, comme moi. Car seules les personnes qui vivent cet état peuvent comprendre.
Mon mari est décédé le 21 février, à l'âge de 48 ans. Il est tombé malade un an auparavant, les médecins ont mis longtemps à diagnostiquer un angiosarcome. Les six derniers mois de sa vie, j'ai arrêté de travailler pour prendre soin de lui. Jamais nous n'avons imaginé qu'une telle issue serait possible. Nous étions tous les deux dans le combat contre cette maladie. Je l'ai accompagné à chaque hospitalisation, à chaque séance de chimio...
Il a été mon premier et seul amour. On s'est rencontrés au lycée, et avons vécu trente années de bonheur, avons une fille qui a 24 ans. Elle était hyper complice avec papa, elle était sa princesse.
Ce 21 février, au petit matin, il est parti, je lui tenais la main. Il était hospitalisé depuis deux jours, durant lesquels je suis restée avec. Là non plus, je ne pensais pas rentrer sans lui à la maison. C'est un tsunami qui a ravagé nos vies, la mienne, celle de notre fille.
J'ai repris le travail un mois et une semaine après ce jour maudit. Je suis journaliste, mon métier demande une grande concentration et une forte capacité d'adaptation. C'est précisément ce qui me plaisait... Avant. Aujourd'hui, malgré des collègues bienveillants, apres huit mois passés à faire bonne figure au bureau, à faire des efforts considérables pour comprendre ce que les gens me racontent lors de reportages, d'autres efforts à m'adapter à un planning totalement irrégulier alors que j'ai un terrible besoin de repères dans le temps... Je suis épuisée. Je rentre dans cette maison tellement vide et silencieuse le soir, et monte directement dans ma chambre pour passer ma soirée à pleurer. Je passe des nuits affreuses, je me réveille toutes les heures, et dès 5 h, je n'arrive plus à m'endormir...
La fatigue est là, la douleur, le manque, cette absence insupportable. Chaque jour est plus difficile que le précédent. Et je fais l'amer constat que le deuil n'est absolument pas connu et reconnu dans la société, dans le monde du travail. Vous êtes au boulot, vous faites ce pourquoi vous êtes payés, et les soucis personnels restent aux vestiaires. Je me sens fragile, mes capacités amoindries, mes compétences sont sur pause... Coûte que coûte, il faut faire le job, rien n'est fait pour comprendre mon état, rien n'est aménagé pour que je passe ce "cap" plus sereinement. J'ai demandé à avoir un planning plus stable, rien n'a changé. J'ai demandé à rester au bureau pour faire de la mise en page, au lieu d'aller sur le terrain, rencontrer que gens que j'appréhende de rencontrer, rien n'a changé.
L'entreprise ne s'adapte pas, c'est au salarié de s'adapter. S'adapter à cette nouvelle vie qu'il subit, s'adapter à tous ces bouleversements tant physiques que psychologiques, et faire en sorte de faire son travail correctement, comme si rien ne lui était arrivé. Et sans se plaindre, si possible. On compatit les premiers jours, et ensuite, les collègues ne pensent plus à ce que vous vivez. Pour eux, rien ne changent. Pour eux, vous n'avez pas changé physiquement, rien dans votre apparence ne rappelle le deuil que vous vivez, rien n'est visible, donc tout va bien...
J'aimerais beaucoup lire vos témoignages, si vous vivez ou avez vécu les mêmes difficultés que moi, si vous avez trouvé des solutions...
Merci à vous.