Les premiers jours,j'ai pu , j'ai du, chercher des documents, donc , fouiller dans ses affaires,ce que je n'avais jamais fait en 47 ans de vie commune. Et puis retourner à l'hopital pour la voir partir, dans un sac scellé , vers sa Normandie natale. Et prendre le sac contenant sa robe de chambre et une paire de chaussettes. Aujourd'hui, je me demande comment j'ai fait tout çà ? tout seul,sans personne pour me soutenir...De retour à la maison , j'ai jeté tout ce qui rappelais la maladie: des dizaines de feuillets d'examens, de rdv , et ramené chez le pharmacien , un sac énorme de médicaments...Mais ce soir, je serai bien incapable de remuer quoi que se soit...Plus tard, quand mes forces reviendront,si elles reviennent....Le pire, c'est que ma détresse augmente chaque jour , c'est insupportable, et le pire du pire est le matin:pendant une fraction de seconde, mes défenses sont baissées comme un boxeur qui baisse sa garde. Et aussitot , la réalité revient : "tu ne la verres plus jamais!" Je hais la réalité!!! Je savais qu'elle ne pouvait pas guérir, et elle aussi. Mais onj ne peut concevoir l'inconcevable! et quand elle me voyait torturé, Odile me regardait , avec calme, en me disant"pourquoi ,tu t'en fais comme çà , aujourd'hui, je suis vivante , non?..." Je m'en veux de ne pas avoir compris alors, que je devait profiter de chaque seconde avant qu'elle ne disparaisse. Je l'ai soignée comme on s'occupe d'un enfant , les derniers temps elle ne pouvait plus lasser ses chaussons ou boutonner son chemisier.
La dernière fois qu'on est sorti ,elle s'appuyait sur mon bras et je sens encore sa petite main, si légère ...et elle me transperçait le coeur , en me répétant encore et encore:merci..merci...
Mon cher amour perdu , c'est moi qui te remercie , pour tout l'amour que tu m'as donné , sans attendre de retour. Nous avons ri si souvent, tu étais si gaie , et aujourd'hui tu me fais pleurer , La vie que tu aimais tant ,s'est échappée ,emportant ma joie de vivre avec...
"Qu'il était grand le ciel, et bleu l'espoir,
L'espoir a fui , vaincu, vers le ciel noir...
Tels ,ils allaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles. "
Verlaine
D.