Bonsoir,
Nous avons su le jour de notre anniversaire de mariage que mon mari avait un cancer et un an plus tard, jour pour jour, que plus rien n'était possible . Arrêt des chimios et on n'a plus qu'à attendre ?
Mais non parce que notre cerveau se refuse à cela: c'est inimaginable et on veut se battre , encore et encore... et on se dit "Mitterrand a vécu 11 ans avec un cancer très avancé, lui " et on se dit: "puisqu'il n'y a plus de chimio, tu n'auras plus ces effets secondaires alors ça va aller mieux !"
Et on part une journée à la mer (à une soixantaine de km) et il a pu fouler un peu le sable, regarder l'océan, il me dit "si ça va , on partira en camping-car une semaine à l'île de ré" On veut y croire!
Mais non, fatigue , épuisement et 15 jours plus tard, c'est fini.
Si j'en veux à quelqu'un , c'est au service des urgences, où nous sommes allés le soir à 20 h, trop tard pour être hospitalisé dans le service cancérologie , j'apporte la morphine, il est sur son brancard, on nous sépare et à minuit , je peux le voir, dans le couloir, toujours sur son brancard, on ne lui a pas donné sa morphine ! Ce n'est que là, minuit et demi, que l'interne ouvre l'ordi, découvre son dossier, et commence à réagir! Mourir aux urgences, sur un brancard, conscient et réclamant de l"aide" et moi impuissante, courant chercher les médecins , jusqu'à ce qu'ils se décident à intervenir et à "l'endormir" ! J'ai envie de hurler. Mes parents sont décédés aussi, j'étais là, mais ils ont été soulagés et sont partis sereinement. Mon pauvre mari n'a pas eu droit à cela, lui.
Je ne peux que louer l'humanité du service de cancérologie mais les urgences, c'est l'horreur.
J'essaie le plus souvent d'évacuer et de me souvenir des moments plus doux mais ça me revient parfois en bloc et j'ai la rage que cela se soit passé ainsi et la culpabilité est là, l'impuissance.
Désolée , ce soir, c'est nuit noire.
Il faut que je cherche un souvenir plus doux, notre dernier voyage, en mars, entre deux chimios, c'est la Martinique, le soleil et malgré l'appel du cancérologue la veille au soir, les valises sont bouclées, il nous dit ce n'est pas raisonnable , les globules sont basses, tant pis, on part, mon mari voyage avec un masque , il est fatigué mais n'a pas regretté et cela reste un souvenir où il aura un peu profité quand même.
Je préfère m'accrocher à cette image
Dominique