Bonjour.
Il y a bientôt dix ans maintenant, je perdais ma mère. Aujourd’hui si je suis apaisée par rapport à sa mort, cela a pris du temps et cela ne s’est pas fait sans difficultés.
J’avais 15 ans lorsqu’on lui diagnostiquait un cancer du poumon, chimio, rayons, le cancer se généralise en cinq mois avant de l’emporter, après quelques phases d’amélioration son état s’est brutalement dégradé. Un jour sur deux je passais soit mes journées en classe, soit à l'hôpital, le plus souvent, je lui rendais visite avec ma grand-mère, mais il arrivait que j’y aille seule en train, l'hôpital étant à 40 kilomètres du village où nous vivions. Mes grands-parents, qui habitaient à deux pas de chez nous, s’occupaient de moi, tout en me laissant quand même dormir dans la maison de ma mère.
Par rapport à sa mort : à aucun moment, je n’ai été mise au courant du fait qu’elle était en phase terminale, je n’ai pas réellement pu lui dire au revoir, j’ignore encore si c’est l’équipe médicale qui a tu l’information à tout le monde ou si se sont mes grands-parents qui ne m’ont rien dit. J’avais des regrets, je n’avais pas été tendre avec elle lors de mes premières années d'adolescence. Physiquement, j’étais entourée, de mes grands-parents, de mon oncle, de mon frère et de mon père, psychologiquement, je n’irais pas jusqu’à dire que j’étais seule, mais je dirais que j’ai peu été soutenue, j’entends bien que chacun a dû faire face à son décès, que la mort d’un enfant est sans doute bien plus insoutenable que la perte d’un parent, mais à 15 ans lorsqu’on est déjà légèrement instable émotionnellement, qu’on essaie de se construire, il est difficile de gérer seule la perte d’un proche et de repères.
Le deuil en lui-même : Peu de temps après les funérailles, je pars vivre avec mon père, à 800 km de là où j’avais grandi, de mes amis, de ma famille, il a fallu tout reconstruire, un lien avec mon père qui était alors pour moi presque un étranger, se faire au nouveau cadre, se préparer à l’entrée au lycée, bref il faut que la vie continu. Et doucement, mais sûrement, je m’enfonce dans le déni, mais pas celui de la mort de ma mère, mais de son existence ‘pure et simple’, il était plus facile d’occulter la douleur que d’y faire face. À 17 ans, mon père m’invite à être suivi par un psychiatre, je ne le vois pas encore, mais je fais une dépression, pourtant les symptômes sont déjà très présent. Au fil des séances, je commence à me rendre compte de ce déni, et tout remonte à la surface ; la colère, la douleur, les regrets et je me trouve monstrueuse d’avoir tenté de l’oublier, alors je m’enfonce encore plus dans la dépression. À 18 ans je suis hospitalisée pour dépression sévère, je rate mon BAC, et je pleure ma mère. Comprendre cette phase de dénis m’a un moment taraudé l’esprit, était-ce à cause de ma propension à tout intérioriser ? Était-ce parce que je ne m'autoriserais pas à être ‘’faible’’ ? Ou simplement parce que je ne m’étais pas accordé du temps pour la pleurer, ou ne serait-ce que parler d’elle ? Le changement de cadre trop brutal ? Ou parce que les mots cancer, mort, et deuil font peur donc on n’ose pas les prononcer, on ne sait pas avec qui en parler, alors on se tait ? Avec dix ans de recul, je dirais que c’est sûrement tout à la fois. On ne communique pas suffisamment sur l’importance de se donner du temps pour pleurer, parce que ce temps, on ne le donne pas, on s’interdit de parler de la perte, de la douleurs, aussi bien en famille qu’entre amis, et je trouve ça triste, mais aussi dangereux pour la santé de tout un chacun.
Si vous avez aussi connu une phase de déni, ou si vous en connaissez une, je serais ravie d’échanger avec vous.
Amicalement votre, Julie.