Bonjour à vous... Je me suis connectée il y a quelques minutes, avec l'envie d'explorer un peu vos témoignages, de répondre aux personnes qui ont pris le temps de lire mon histoire... En lisant les paroles de Stana et Loma, j'ai eu à mon tour envie de vous faire part des signes que j'ai eu l'immense joie de recevoir. Une façon pour moi également de vous communiquer de la gratitude, et à ceux qui se sentent au plus mal, peut-être, un peu d'espoir. Mon amour m'a quitté le 14 avril dernier. Son coeur s'est soudainement arrêté à l'âge de 33 ans. Nous nous étions rencontrés fin mars 2014: cela faisait 2 ans que nous étions ensemble. Je dois dire qu'avant même son départ, j'ai toujours eu la sensation que notre rencontre n'était pas due au hasard. Je ne suis pas ultra-cartésienne, certes, mais très cérébrale et si j'ai toujours accepté intellectuellement la possibilité que certaines choses m'échappent, jamais avant de le rencontrer je n'avais autant fait l'expérience, dans ma chair, d'une telle sensation d'être guidée, d'avancer sur un chemin qui a un sens (même si celui ci me dépasse). Je me souviens distinctement de la première fois où nous nous sommes parlés. J'étais de passage à Toulon pour passer mes examens de fin d'étude, au retour d'un stage, et à défaut d'avoir trouvé autre chose, avais posé pour quelques semaines mes valises dans un studio affreux: sans fenêtre, infesté de cafards... J'avais cependant décidé de ne pas me laisser abattre et me souviens d'être sortie réviser à l'extérieur, d'humeur joyeuse, avec cette envie particulièrement forte et consciente ce jour-là de rester ouverte et disponible à ce que la vie avait à m'apporter. Je me suis donc assise sur les marches de l'opéra avec mon bouquin (un livre de Vygotsky, je me souviens...). Mon amour était assis quelques marches plus haut. Il était au téléphone, et au début, sans le vouloir, j'entendais des bribes de sa conversation. Il était en train d'organiser une sorte d'événement associatif. Un repas partagé ou je ne sais quoi... J'ai appris plus tard qu'il organisait des "gratiferia" (foires du don). Ses paroles, ce qui émanait de lui... tout cela ayant éveillé ma curiosité, je prêtais l'oreille un peu plus fortement, tout en faisant bien entendu mine d'être plongé dans mon fascinant ouvrage sur le socio-constructivisme... A la fin de sa conversation, alors qu'il était assis derrière moi, que j'avais tout fait pour dissimuler mon intérêt à son égard, il a descendu les quelques marches qui nous séparaient, s'est planté en face de moi et ma lancé en souriant: "Oui mademoiselle?". Comme s'il s'était senti appelé, alors que je suis bien certaine de ne pas avoir prononcé le moindre mot et d'avoir soigneusement évité de le regarder avec insistance. Je ne me l'explique toujours pas. Et lui non plus, n'était pas vraiment en mesure de pointer du doigt ce qui nous avait poussé à nous rencontrer ce jour là, de cette façon là. Je vous raconte cela, car je pense sincèrement, au regard de ce que j'ai vécu ces deux dernières années, que la vie nous envoie toujours des signes pour avancer, même si nous les suivons sans toujours les avoir identifiés comme tels. J'en vois bien d'autres qui ont jalonné notre histoire, dont peut-être je prendrais le temps de parler ici un jour (car ça me fait vraiment du bien de poser tout ça par écrit, et de le partager, de ne pas le garder que pour moi), mais dans l'immédiat, ce sont bien des signes que j'ai reçu après son départ dont j'aimerais vous parler. Tout d'abord, la deuxième ou la troisième nuit après son décès, j'ai rêvé de lui. Un rêve qui m'a fait une très forte impression. J'étais assise en face de lui, son visage tout près du mien. Il semblait relativement serein (je veux dire par là que son visage était paisible, pas en souffrance ou tourmenté) et des larmes coulaient sur ses joues. Il me semble que nous nous sommes regardés pendant un moment en silence, puis il a simplement dit "je suis désolé". J'ai embrassé son visage en lui disant qu'il n'avait pas à l'être. Que je l'aimais. Puis je me suis réveillée. Puis, toujours au courant de cette première semaine: ma soeur était venue me soutenir dans cette épreuve. Elle m'a été d'un soutien inestimable pour affronter cette première étape, où à la douleur insoutenable et à la sidération viennent s'ajouter le raz de marée des épreuves liées à l'organisation de la cérémonie, aux démarches administratives, aux coups de fil qu'il faut passer pour avertir l'entourage... Ma soeur donc, était assise à côté de moi, à table, dans notre appartement à mon chéri et moi. A ce moment là, j'étais totalement prostrée. Harassée par la douleur. Les yeux fermés, le dos voûté. Elle venait tout juste de m'apporter une tasse de thé qu'elle avait posé devant moi. Je priais intérieurement pour que quelque chose vienne me sortir de cet état de stagnation, de cette impasse. Un petit signe, n'importe quoi. Lorsque j'ai entrouvert les yeux, j'ai vu le dépôt du thé former, distinctement, un coeur parfait au fond de ma tasse. J'ai éclaté en sanglots et ai senti une sorte de soulagement m'envahir. Immédiatement. J'ai demandé à ma soeur de regarder au fond de la tasse pour vérifier que je n'étais pas folle. Elle a bien vu le coeur elle aussi. Puis, dans la voiture, le 19 avril au retour de la cérémonie: ma soeur reçoit un message sur son portable: une amie qui lui annonce la naissance de sa petite fille, baptisée Anaëlle (mon chéri s'appelait Hanaël). Ensuite, le signe qui m'a le plus marqué... Je n'arrive plus à me souvenir du jour exact où il s'est produit. Environ 1 mois après je pense... J'ai très vite du assumer (heureusement, avec l'aide de son papa) de vider notre chez-nous et de faire le tri de ses affaires, car le bail étant à son nom, j'ai du quitter l'appartement (de toute façon, je n'aurais pas supporté d'y rester seule trop longtemps). Mobiliser toute cette énergie physique alors que je me sentais au fond du trou a été des plus éprouvant. Ce jour là en particulier, je n'en pouvais plus. Mais son papa étant venu pour m'aider et n'ayant de toutes manières, pas vraiment le choix, je me forçais à avancer dans les cartons. De temps à autre, lorsque son papa descendait à la voiture, je m'asseyais sur le canapé face à la fenêtre et demandait intérieurement à trouver le courage de continuer. Je me souviens que j'étais particulièrement angoissée ce jour là concernant la fille de mon chéri. J'avais peur de ne pas être à la hauteur vis-à-vis d'elle, de ne pas trouver ma place auprès d'elle, de ne pas réussir à la soutenir, d'être une mauvaise "belle-maman" et de ce fait, de ne pas faire honneur à mon chéri... Et la sensation d'être comme abandonnée face à toutes ces questions. Assise sur ce canapé, je regardais par la fenêtre... Au bout d'un moment, une mouette est venue se poser sur le toit, juste en face. Elle est resté là, à me regarder. Je me souviens de m'être dit: "allez, tu espères un signe, tu vois une mouette, et tout de suite tu cherches à te convaincre de je ne sais quoi...". Mais la mouette est restée, 10 mn, 15 mn, à me fixer. Je pensais "bah, je dois me faire un film, mais ça m'apaise de la regarder" donc je suis restée à la fixer moi aussi. Petit à petit, je me suis sentie plus détendue. J'ai fermé les yeux et ai commencé à parler intérieurement avec mon chéri. A lui dire que j'allais essayé de faire de mon mieux, quoi qu'il arrive. Que je savais qu'il ne m'avait pas abandonné volontairement. Que je me sentais juste désemparée... Puis j'ai fini par lui dire que ça allait mieux, qu'il pouvait partir, que je ne voulais pas le retenir. Et lorsque j'ai rouvert les yeux, la mouette s'est envolée... Ensuite, j'ai continué à faire les cartons. Mais à plusieurs reprises, je me suis ressentie fatiguée, physiquement, psychologiquement... et suis retournée m'asseoir sur le canapé. A chaque fois, la mouette est revenue se poser sur le toit! A la fin de l'après midi, mon beau papa a fini par s'en aller, et je suis restée seule dans l'appartement. Je me suis rassise sur le canapé et la mouette est revenue. Alors, j'ai vraiment craqué. J'ai commencé à parler à haute voix de mes angoisses concernant sa fille, de ma peur tenace de ne pas être à la hauteur, de ne pas être assez forte, assez bien... De cette satané culpabilité, souvent injustifiée je le sais bien, qui me traîne aux basques quoi que je fasse et qui vient polluer tous les recoins de ma vie... J'ai beaucoup pleuré, et au bout d'un moment, j'ai commencé à me sentir apaisée à nouveau... Là encore, j'ai fermé les yeux, et exprimé le désir que ma peine ne soit pas une gène pour mon chéri dans ce qu'il a à vivre désormais, ne le retienne pas... Et lorsque j'ai rouvert les yeux, la mouette s'est à nouveau envolé et mon téléphone s'est mis à sonner... C'était la fille de mon chéri qui m'appelait pour prendre de mes nouvelles!!!