Retour au "Pélican" _ mai 1992 _
L'heure de déjeuner au Pélican du Saloum .Christine , la directrice de l'hotel ,venait de finir la rédaction du menu , dont j'avais dessiné le dessin de présentation : un pélican , en tablier , la toque sur la tete , courant , un plat fumant tenu à bout de bras , vers le client .......
J'avais été bombardé " accompagnateur des sorties nature de l'hotel ", un titre ronflant , mais qui me permettait de balader des touristes dans le dédale de "bolons " ( canaux ") , de la mangrove du Siné-Saloum , Sénégal. ( et non , je me la pète pas ! y en a toujours une _ la meme _ qu la ramène , c'est un monde , çà !).
Odile et moi , nous déjeunions , lorsque des cris attirèrent notre attention : çà venait de l'extérieur , et Christine se leva , suivie d'Odile , qui craignait toujours qu'une bestiole soit en difficulté , et de ma pomme , qui craignait qu'Odile se livre à quelques voies de fait si un animal ou un enfant se trouvait en péril du fait d'un tiers ! Bref , je devais veiller au grain , en permanence !
..........Les yeux écarquillés , nous assistions à une vision d'apocalypse !!!!( hé ! je tiens bien le suspense , non ?....c'est un métier ! ). Un nuage de criquets venait de s'abattre sur l'hotel. Un nuage , c'est à dire des millions de criquets pèlerins , affamés , voraces , qui se mirent aussitot en demeure de "bouffer" le jardin de l'hotel !Comme dans un dessin animé , je voyais les arbres se dépouiller de leurs feuilles à une vitesse vertigineuse ! Du Tex Avery , pour de bon !
Le vent tourna à cet instant , et une quantité invraisemblable de criquets se dirigèrent dans notre direction , à vitesse grand V !!!!!
C'est là que j'admirais le sang froid extraordinaire de mon Odile ! D'un seul bond , elle se précipita pour sauver l'essentiel , sous l'assaut frénétique de cette attaque aérienne qui laisse Pearl Harbour au rang d'un aimable jeu vidéo ....Elle couvrit son verre , plein d'un petit Sancerre , de derrière les fagots , avec son dessous de verre qui ne la quittait jamais ! Et elle a eu cette phrase historique :
- Un glaçon , oui ! un criquet , non !
Curieusement , les criquets ne nous touchaient pas , ils passaient , tels des balles traçantes tout autour de nous ....
Le lendemain , matin , les véhicules de l'hotel étaient inutilisables , toutes les prises d'air bouchées par des milliers d'acridiens . Des centaines de rapaces tournaient dans les airs , faisant ripaille , et la piscine grouillait de criquets , ce qui me permit de faire d'excellentes observations , car tous les oiseaux , des tisserins aux coucals et autres martins , se remplissaient la panse , de toutes ces protéines faciles à capturer .....Odile faisait grise mine :
- y en a trop ! je pourrai jamais faire du "sauvetage " la dedans , moi ! et je vais pas non plus me baigner avec tout çà !
Deux jours après le camion de lutte anti- acridiens arrivait "in situ" , très tranquillement .....
- Patronne ! , on est tombé en panne ....on commence ?
Christine poussa un faible soupir ...on avait tout nettoyé depuis longtemps !
De l'autre coté de la piscine , Odile protégeait toujours son verre .
- ' peut y avoir des trainards ....