Ah Alsy, tu poses les vraies questions et en même temps, avons nous vraiment envie de connaitre la vérité ?
Mon Pierre ne pensait pas partir et il a aussi sombré dans un coma hépatique, coma très agité pendant lequel il criait en repoussant
de ses bras des "adversaires" invisibles : "Non, non, pas maintenant, c'est trop tôt, trop tôt... Trop de lumière, trop de lumière..."
Premier mystère, pour moi...
Sa montre, que je porte a sonné des alarmes à des moments particuliers, (on peut dire qu'en tripotant les boutons j'ai enclenché le système, oui, c'est possible), la musique choisit pour son dernier voyage me poursuit, mais pas n'importe où et pas n'importe quand. Des ampoules de lampes ont "grillées", les unes après les autres dans la semaine qui a suivi son départ, quand nous parlions de lui. Son eau de toilette, dans le couloir tandis que je vais au bureau, je stoppe net. Je refuse de m'attarder. De nouveau je reprends ce couloir et cette fois c'est son ancienne eau de toilette qui se glisse dans mes narines. Je respire à fond sans y croire!
Et dans le chemin que j'ai parcouru depuis le 22 juillet 2010, que de choses étonnantes.
D'abord cette épouvantable période où on ne veut pas y croire, où on ne peut pas y croire, ou les larmes nous rendent sourd et aveugle, le cerveau tellement embrumé, à la recherche d'une bouée de sauvetage, de n'importe quoi. Là, des signes, des petits, en grand nombre. C'est à peine si on les remarque et pourtant ils sont si importants, ces signes là.
Après, le désespoir, le brouillard, le noir absolu, l'envie d'en finir, de se rouler en boule là et d'attendre la fin. Il est là, à coté, incapable de se manifester, ou plutôt, c'est moi qui suis incapable de l'entendre. Je le sens, il est impatient, presqu'hostile que je ne sois pas plus réceptive et j'ai tellement peur qu'il parte, j'ai tellement envie qu'il revienne, mais c'est si dur, je le supplie mais il est muet, ou plutôt je suis sourde.
Et puis, le renoncement. C'est fini. Le "plus jamais". Sur cette terre, plus jamais. Mais pourquoi, est-ce que je sais qu'il ne m'a pas quitté? Comment entrer en contact, comment le retrouver, comment lui parler? Je m'interesse à tout, lectures paranormales, expériences des autres, je cherche, plonge, entends et comprends soudain mieux, j'apprends à lire ses messages.
Oui, je sais, on peut aussi dire que je me fabrique un petit arrangement qui me convient. Possible, mais je vais mieux, alors le pourquoi du comment...
Enfin, l'osmose. Presque sans m'en apercevoir. Un matin plus doux que les autres. Je me dis, ouf, une pause chagrin. Mais cela dure. Encore des larmes, bien sûr, mais beaucoup de sourires, beaucoup de complicité retrouvée. Je mets du temps à réaliser.
Il n'est pas parti, il est là, plus que là, il est moi et je suis lui. Il me parle sans que je l'entende mais je parle comme lui et pense comme lui et comme moi, comme nous. Il y a même parfois des "conflits" dans ma tête, je sais qu'il veut blanc, je préfère noir, l'un de nous doit céder, et je suis celle qui agit. Parfois, je vais trop vite et n'attends pas ses remarques, et je m'en veux toujours, car je me plante à chaque fois. Et quand nous ne sommes pas d'accord, je le mets au défi de venir me le dire en face, les yeux dans les yeux!
Il me guide vers des objets que je cherche, me donne des idées que je n'aurais jamais eu seule, me mets en garde sur des dangers éventuels. Et met sur mon chemin des personnes biens, honnêtes et généreuses.
J'ai lu le livre de Ph.Ragueneau. Comme toi Cello, je l'ai laissé de coté, à l'époque, son "dialogue" avec son épouse me semblait à la limite du ridicule. Pourtant j'aime cet écrivain.
Aujourd'hui, je m'aperçois que... j'entretiens le même dialogue avec Pierre.
Je vis ma vie. Pierre en fait toujours partie, et pas uniquement sur les photos.
Je lui dis : Rude journée aujourd'hui, et je sais qu'il me répond : Aussi, vous entreprenez trop de choses en même temps.
Je dis : Demain, je taille les rosiers, et je l'entends : C'est trop tôt, en Champagne, on peut avoir encore de vraies gelées, il faut au moins attendre une bonne quinzaine. Mais faites ce que vous voulez, vous verrez que j'ai raison...
Me croire ou non.
De tout mon coeur, j'attends de lire que vous êtes parvenu où je suis.
Ce n'est pas le bonheur parfait, c'est autre chose, et je m'estime très chanceuse de le vivre.
Mais si vous êtes d'accord, et si mon "arrivée" à cette étape très douce ne vous blesse pas, je continuerais à vous lire et vous écrire.
Plein de doux voeux pour tous.
Marina