Chère Oriane,
Je viens de parcourir ton sujet...
Tu es dans ta première année de deuil, c'est normal je crois, que le "poids" sur ton coeur, tes épaules, tes poumons soit aussi lourd.
C'est ce que j'ai ressenti, le poids, qui me coupait l'appétit...
A la mort de mon neveu, j'ai cessé d'un coup des activités qui étaient épanouissantes pour "moi", car oui, ce "moi" meurt avec l'enfant décédé, et...
C'est une période de "gestation" dans laquelle tu te trouves, puisque tu n'es pas "morte" pour de vrai, moi je me sentais comme une larve...
Plus besoin de "faire", existence mimimum...
Rêver, beaucoup, contempler mon jardin au lieu d'y intervenir, ouvrir deux fromages blancs aux fruits plutôt que de cuisiner, et rêvasser, rêvasser...
Me mettre dans la tête une nouvelle marotte: c'est bête, mais je n'avais jamais eu envie d'acheter ou de simplement m'intéresser aux bijoux, "avant"...
Je trouvais cela superflu, superficiel...
Mais il fallait bien que je trouve une échappatoire à l'idée emprisonnante de la mort du petit...
Alors j'ai découvert un négoce de bijoux en argent et en or, ornés de toutes les pierres fines, des plus abordables, comme l'améthyste ou le grenat almandin, labradorite, jade, aux plus extraordinaires: les opales, celles d'Australie, une mine là-bas s'appelle "lightnig ridge" on y extrait des merveilles; les pierres à couleur changeante comme le fantastique grenat de Madagascar; et les saphirs noirs étoilés d' Inde...les plus belles topazes impériales, les saphirs "padparadsha", appelés ainsi comme une fleur rose-orangé...
Ah làlà !!!
Toute évasion n'était pas la bienvenue, mais j'avais l'impression que c'était Kalahan qui me faisait plaisir avec ces jolies choses...
Et mon gentil mari m'a offert une jolie petite collection, ce sont mes parures de deuil...que j'arbore fièrement.
Cette maison allemande, "Juw...", emet également deux chaînes tv, une dans la langue de Goëthe (je préfère Hölderlin, mais bon, il est moins connu) et une dans la langue de Dante...
J'en ai passé des soirées sur le canapé, avec mes chats, à decouvrir des colliers, des bagues, des pierres, toujours des pierres...
Les pierres n'ont pas mal.
Enfin, faut espérer!
Sinon, quand on les taille, les pauvres !!!
Ben voilà, Oriane...
Tout ça pour dire que "la première année"...c'est la première année, pas la peine d'essayer d'y échapper.
Je regrette presque mes pleurs qui duraient longtemps.
Je ne sais pas pourquoi, mais je pleurais souvent sous la douche: peut-être pour que mon mari ne m'entende pas pleurer, encore pleurer.
Parce qu'alors il venait "me consoler", et que c'était pas la peine.
Et puis cette "première année" a eu son "glas", elle aussi.
Le 28 mars de l'année suivante, la boucle était bouclée, des saisons, des vacances scolaires, des dates d'anniversaire ou des souvenirs de réunions de famille, des fêtes.
Alors voilà, ce n'est pas qu'une page se tourne ce jour-là, c'est le début d'un nouveau cycle...
il n'y a pas vraiment moins de douleur, c'est juste qu'il y a des bourgeons, çà et là, et qu'on ne sait pas trop ce que c'est comme plantes qui poussent...
Je vais m'arrêter là pour l'instant, Oriane, après-midi je vais coudre.
Bien solidairement, Martine.