Bonjour Réal,
Je ne sais pas si vous passez encore de temps en temps sur ce forum, mais je tenais toutefois à vous laisser ce message.
J'ai lu attentivement votre histoire, les mots me manquent tellement votre vécu est d'une violence insoutenable.
Mon frère était également skizo, mais lui, contrairement à la mère de Rose, avait été diagnostiqué à 21 ans. Je vous rejoins sur certains points de votre réflexion, et aurait tendance à penser différemment sur d'autres.
D'abord, l'incompétence de certains psy est pour moi une évidence. Il a fallut faire des pieds et des mains pour que ces "médecins" prennent le cas de mon frère au sérieux. Nous entendions régulièrement les mots "dépression", "drogue", voire "comédie". D'ailleurs, la veille de son suicide, malgré mes supplications pour une prise en charge, son psy attitré a refusé de le recevoir pour ne pas décaler son départ en vacances. Bref...
Mon frère était médicamenté, et lui aussi a choisi d'arrêter délibérément son traitement. J'ai appris par la suite, après plusieurs années de recherche sur la skizophrénie, que cela faisait partie de la pathologie. Pourquoi aucun encadrement n'est prévu si les médecins le savent ?
Mon frère, lors de son second internement, avait 23 ans. Un jour, il a également montré des signes de violence envers les autres. Il avait réussi à se procurer un scalpel (bravo le personnel médical pour introduire ce genre d’objet en "quartier de haute sécurité") et a fort heureusement été désarmé avant de s'attaquer à un autre patient pour une sombre histoire de cigarette.
Lors de ses périodes stables, il m'avait expliqué que les voix qu'il entendait était d'une agressivité inouïe, et que de plus en plus, elles lui ordonnaient (c'est bien le mot employé) de tuer.
12 jours avant son suicide, il a disparu pendant 10 jours (ça aussi, c'est courant dans ce genre de pathologie, et bien connu du corps médical). Nous avons alerté la police, la gendarmerie, et tout le monde s'est mis à sa recherche. Nous l'avons retrouvé en Belgique, en pleine crise. Il ne nous reconnaissait même plus. La police l'a ramené chez lui, et puis... rien. Pas de prise en charge immédiate, pas d'encadrement... Rien. Ce sont nous, ses soeurs et sa mère, qui avons tout fait pour le faire hospitaliser. J'avoue avoir écrémé les journaux belges et frontaliers afin de chercher une disparition suspecte, un crime non-élucidé qui correspondait à cette période, tout en espérant ne rien trouver. Et je n'ai rien trouvé.
Le lendemain de son hospitalisation, il se pendait en nous laissant une lettre. Il y résumait sa souffrance intérieure, mais surtout, il nous expliquait qu'il sentait que ses "pulsions" le conduiraient un jour à faire "du mal à quelqu'un". Et que ça, il ne pouvait pas le supporter. Il voulait partir avant qu'un drame ne se produise. Les voitures lui ordonnaient de tuer, les avions lui parlaient aussi... Il n'était même pas sûr d'avoir des soeurs, mais il lui semblait, en son for intérieur, en avoir 2... La réalité était loin, bien loin.
J'ai toujours été surprise du décalage entre l'état dans lequel je l'ai vu la dernière fois (totalement incohérent, vraiment...) et l'espèce de lucidité de sa lettre d'adieu.
Malgré tout l'amour que je lui portais, une partie de moi savait qu'il pouvait être dangereux.
Les médecins qui disent que cette pathologie peut être guérie sont des abrutis, elle est clairement incurable et conduit soit au suicide, soit à l'agressivité à plus ou moins long terme. Et les médecins qui acceptent une sortie d'hôpital pour les skizo étant déjà passé à l'acte (comme la mère de Rose) sont aussi criminels qu'eux.
J'ai visité plusieurs hôpitaux psy et une prison. Car j'ai cherché à comprendre pourquoi ? Comment ?
Et je me suis rendue compte que les skizo qui sont passés à l'acte, et qui sont en prison, ne se rendent même pas compte de ce qu'ils ont fait (souvent faute de soins, et donc toujours en crise), qu'ils n'ont effectivement pas de remords, qu'ils ne sont donc pas "punis".
Par contre, ceux qui se retrouvent en hôpitaux sous neuroleptiques, expriment plus facilement leurs regrets.
Mais dans aucun des 2 cas, leurs sentiments ne sont à la hauteur de l'horreur de leurs actes.
Aujourd'hui, bien évidement, je me pose aussi la question de la prise en charge des skizo criminels par la Justice. Et je vous rejoins sur l'internement À VIE. On le sait, ils ne guérissent pas. Que quelqu’un me prouve le contraire… Ils sont juste « stabilisés » par la médicamentation. Et souvent, à court terme.
Je me pose aussi la question des relations entre corps médical, et force de l’ordre. Je pense notamment à la tuerie de Colombine. L’un des 2 auteurs tenait un blog dans lequel il expliquait clairement entendre des voix qui le poussait à tuer. Et m’étant intéressée à ce massacre dans le cadre de mes recherches, j’ai appris que ce blog avait été dénoncé à la police et à des responsables scolaires quelques semaines avant la tuerie, sans que personne ne prenne tout cela au sérieux.
Sans remonter aussi, loin, il suffit de voir le cas de James Holmes, qui avait confié à sa psy ses envies de fusillade.
Le seul point sur lequel mon avis diffère avec le vôtre, c’est qu’après tant d’année à essayer de comprendre, je pense que ce sont vraiment des malades. La maladie qui touche le physique est plus « palpable » que celle qui touche la psyché. Il semblerait même que des prédispositions génétiques puissent être à l’origine du trouble.
Aujourd’hui, malgré tout l’amour que je lui portais, j’ai vécu la mort de mon frère entre douleur et soulagement. La douleur de perdre un frère que j’aimais plus que tout, et le soulagement de le voir partir avant le drame. Le frère que j’ai perdu, n’était plus celui que j’ai tant aimé.
Je vois aujourd’hui que votre désir de paternité est bien présent. Je souhaite de tout cœur pouvoir lire à l’avenir que Rose aura bientôt un petit frère ou une petite sœur.
Je tiens cependant à ajouter un message aux parents de personnes atteintes de schizophrénie. Je ne veux en aucun cas vous blesser avec mon point de vue. Je n'aurais jamais cru pouvoir un jour avoir ce raisonnement, parler de mon frère tant aimé ainsi. Sachez déjà qu'il existe différentes formes de la maladie et qu'un skizophrène affectif n'a pas le même comportement qu'un skizophrène paranoïde (forme la plus grave) comme l'était mon frère. Je sais à quel point cette maladie (désolée Réal, pour moi, cette pathologie en est une) est difficile à vivre pour l'entourage. Si je vous ai offensé, je m'en excuse par avance. Mon but n'étant pas de raviver la douleur, mais de donner écho aux réflexions de Réal.