Lettre à ma Nanou.
Aujourd’hui, 18 septembre , cela fait tout juste un an que tu as rejoins ton Papy parti 6 mois plus tôt, ton cercueil blanc a rejoint le sien au terme d’une cérémonie d’adieu extrêmement douloureuse et belle à la fois. J'espère que vous êtes bien ensembles maintenant et que vous ne vous quittez plus. Nous avions disposé juste à côté de l’autel une très grande photo noir et blanc de toi que tu aimais tant ou tu posais à la gym la main gauche retournée levée vers le ciel et la jambe droite repliée, tu es très belle sur cette photo, tu avais insisté pour que nous l’achetions et tu l’avais soigneusement plastifiée et affichée dans ta chambre là bas.
Lundi dernier à 11h, cela faisait un an que tu nous quittais, que tu quittais ce monde à seulement 12 ans et 7 mois. Nous t’avons veillé 5 jours durant lesquels nous avons pu te dire plein de choses et te laisser plein de souvenirs avant que ton cercueil se referme à jamais enfermant plein de secrets. Tu es née un 12 février , tu es partie un 12 septembre à seulement 12 ans. Tu as partagé notre vie, nos joies et nos peines 4382 jours et 21h durant. J'essaie de me souvenir de chaque instant. Chaque morceau de papier que je retrouve avec tes mots, ton écriture, tes petits cœurs, me plonge dans une douleur indescriptible. Cela me semble toujours irréel. Chaque objet que tu as pu avoir entre les mains, que tu as soigneusement conservé, soigneusement emballé, soigneusement rangé, est un lien avec toi que je ne peux pas perdre. Récemment, j'ai même trouvé chez ton papy et ta mamie un programme de ton baptême ou l'on avait mis ta photo en page de garde. Tout sourire, les yeux pétillants de malice. Tu étais si jolie avec tes grands yeux en amande - tu t'étais d'ailleurs si bien dessinée ( …....) Tu adorais apprendre, tu étais pressée de tout connaître et de tout comprendre, tu voulais être la meilleure, la plus performante, à l'école comme sur ton grand Connemara, tu détestais l'échec. Toujours impeccable, tu aimais t'habiller, les belles robes, chiner, te maquiller, te parfumer. Pourquoi es tu partie ? Seulement 10 jours après ta rentrée des classes , que s'est t il passé de si insurmontable ? Pourquoi n'as tu jamais rien dit ? , tout allait si bien, trop bien, je ne vois que des photos de toi ou tu rigoles. Tu grandissais vite, tu t'étais métamorphosée en quelques mois, tu devenais une jeune femme à la vitesse de la lumière. Je commençais à me dire qu'on aurait assez vite à gérer les petits copains devant la porte. Et puis plus rien.
Le jour de ton 13 ième anniversaire tu as pu rejoindre à quelques pas un endroit que pour toi.
Ce jours là, les mêmes porteurs qui t'avais installé avec ton papy étaient là, ils pleuraient. Nous aussi. Nous t'avons collé plein de photos sur ton cercueil blanc avec plein de mots et petits souvenirs.
Les premières grandes vacances sans toi furent un cauchemar. Les suivantes le seront tout autant. La première rentrée scolaire sans toi est une torture de plus. Tu n’allais pas en cours le matin, tu y courrais dès la descente de la voiture, avec ta grande tresse sur le côté et ton sac à dos . Ton frère était déjà moins rapide, je te regardais t’éloigner à grands pas vers ce grand portail. L'absence et le manque ne sont que torture. Un seul mot revient sans cesse à mon esprit . Monstrueux. C'est abominable, c'est monstrueux, c'est l'horreur absolue, ça dépasse l'entendement, je ne trouve pas d'autres mots depuis 371 jours.
C'est ta mamie qui vient de te rejoindre là haut qui avait trouvé ton surnom, Nanou. Depuis nous n'avons jamais cessé de t'appeler comme ça. Ma nennette, Nanou, ma petite Nanou, tu es restée toute petite pour moi, tu es un bébé. Ma vie s'est arrêtée il y a un an, j'ai échoué. Tu étais un bijoux et je t'ai laissé partir. Tu avais un boulevard devant toi. J'aurais toujours été à tes côtés, j'étais fier de toi, tu aurais sans doute eu une existence extra-ordinaire, tu étais si douce et si gentille, ta petite voix résonne encore dans mes oreilles. Tes rires aussi. Tu arbores un magnifique sourire sur chacune des photos que j'ai pu regarder. J'en ai imprimé des centaines depuis un an, j'en ai toujours dans une poche, dans une veste, dans une sacoche, j'ai besoin de t'avoir au plus près de moi, je ne veux pas perdre les souvenirs que tu me laisses. Alors voilà, je n'aurais jamais l'occasion de faire un pas de danse avec toi, de t'apprendre à conduire, de fêter tes réussites, tes examens et tes diplômes, de partager tes joies, tes peines et de te consoler. Je ne connaîtrais jamais ton fiancé, je ne connaîtrais jamais le bonheur de te voir heureuse, de te voir faire ta vie , de jouer avec tes enfants.
je ne te verrais jamais plus rigoler comme tu le faisais si souvent. Je regardais hier encore ton bulletin dans ta chambre, rempli d’éloges et de félicitations, que ce soit en français, maths, histoire, géographie, anglais, espagnol, sciences, musique, sport, arts plastiques. Je me demande si tu ne venais pas de démarrer le latin, tout s’est arrêté si vite cette rentrée là, j’ai mis plus de 6 mois à ouvrir tes cahiers et revoir ton écriture magnifique. Tu t’étais même fait un cahier de vacances, elles étaient toujours trop longues pour toi, tu étais pressée de retourner à l’école après chaque coupure. Tu appréhendais un peu les maths, tu avais peur de ne pas comprendre et de ne pas y arriver, mais tu avais 17,82 de moyenne, la meilleure de la classe comme dans beaucoup d’autres matières. Un jour tu m’as fait rire lorsque ton frère est entré dans la voiture après une journée de cours, tout content « Papa, j’ai eu 17 en anglais » et toi tout de suite « en anglais ? , tu as triché ? ». Tu étais aux anges quand tu gagnais, tu pleurais lorsque tu perdais. Je te revois encore en concours sur ton cheval a 9 ou 10 ans, tu gagnais des coupes et des trophées, parfois devant des cavaliers et des cavalières beaucoup plus âgés que toi, tu m’impressionnais par ta détermination. Je me souviens encore de cet hiver ou nous allions chaque mercredi midi dans un froid sibérien détendre le cheval et lui faire faire des exercices, tu devais être en CM1, pendant une heure tu trottais, tu galopais, tu plaçais des cônes dans ce grand manège ou tu étais toute seule, tu disposais des obstacles et inlassablement tu répétais les exercices que tu avais imaginé. Avec ta sœur nous étions transis par ce froid glacial qui transperçait tout, mais toi, tu tu étais ailleurs, concentrée, le regard déjà sur l’obstacle suivant.
J’ai quelque part perdu mon moteur, tu occupais une place gigantesque dans mon cœur, tu impressionnais toutes les personnes qui pouvaient te croiser, un de tes enseignants nous a même confié avoir avoué à ses élèves qu’il aurait aimé avoir une fille comme toi. Non ma Chérie tu n’es pas un cas social, non tu n’es pas une ‘’lèche c ‘’, non tu n’es pas une ‘’fayote’’. Tu sais, de mon temps, ce n’est pas si vieux , nous nous battions pour être au tableau d’honneur et voir nos Nom et Prénom affichés à côté du portail de l’école chaque trimestre.. Les choses ont bien changé en 35 ans. Je suis très en colère de n’avoir rien vu alors que nous étions tous réunis loin de toute agitation au fin fond de cette province. En deux temps trois mouvements nous pouvions être de retour, tu nous avais demandé 18 jours avant ce geste fou de déménager, de revenir dans la maison que tu aimais tant. Mais c'était prévu, tu le savais," juré craché " comme ont dit, nous allions repartir 9 mois plus tard, dès la fin juin . Définitivement. A une époque, tu te confiais encore, mais tu n’aimais pas faire de vague et encore moins te faire remarquer. Tu étais si sensible. Tu étais la discrétion absolue, tu fondais dès que tu passais le portail de l'école ou du collège. Tu étais quelque part précoce, intelligente, performante, perfectionniste, très créatrice et douée, autant de tes mains que de ton intellect, et puis tout semblait te réussir...
J’espère que tu es bien là ou tu es maintenant, donne moi la force de continuer mon chemin, j'ai plus d'années derrière moi que devant moi, ça me rassure quelque part. Ton cœur s’est arrêté de battre il y a 371 jours mais il continuera toujours de battre dans le mien.
Ton Papa qui t’aime et qui ne t’oubliera jamais.