Et voilà ... Je viens rejoindre votre "grande famille" et partager votre chagrin et votre souffrance, mais aussi partager l'espoir et le réconfort qui transparaissent dans beaucoup de vos messages.
Je parcours assidument votre forum depuis environ 2 semaines, et j'ai été, bien entendu, attristé par les appels de détresse poignants des personnes touchées par le deuil en général, mais aussi par l'aide inestimable et le réconfort apportés par la majorité des intervenants.
Il règne sur ce forum une ambiance d'entraide et de sérénité et, sans que vous le sachiez, j'ai puisé dans certains messages la force de continuer à (sur)vivre après la terrible épreuve à laquelle j'ai été confronté le 18 avril 2014 ... Soyez en toutes et tous remerciés de tout coeur.
Mais permettez-moi de me présenter ... Je m'appelle Jean-Luc, je suis belge et je vais avoir 65 ans ...
Après 42 années de mariage pendant lesquelles nous avons vécu LE Grand Amour, mon épouse a mis fin à ses jours le 18 avril dernier, vaincue par une profonde dépression qui s'est déclenchée il y a quelques années sans qu'on puisse en déterminer la cause exacte.
Les diagnostics et traitements se sont enchaînés ... dépression, troubles bipolaires, troubles schizo-affectifs, dyskinésie tardive, dystonie ... sans que les différents intervenants (médecins et psychiatres) puissent améliorer son état de façon durable.
Cette terrible épreuve, nous l'avons traversée ensemble, épaulés par nos 3 enfants, avec tout l'amour dont nous étions capables, et remplis d'espoir et de confiance dans l'avenir.
Mon épouse, ayant gardé jusqu'au bout une lucidité et une conscience remarquables, supportait difficilement de devenir "dépendante" pour tous les actes de la vie quotidienne et avait (à tort !) le sentiment de devenir une charge pour les enfants et moi-même.
Tous nos efforts pour la convaincre de notre amour inconditionnel ont été vains et le 18 avril, dans la soirée elle a décidé de quitter ce monde qui, selon elle, "ne lui convenait plus", sans laisser aucun signe ni message particuliers.
Jusqu'au bout, elle sera restée fidèle à son caractère indépendant, entier et déterminé pour lequel nous l'admirions tant.
Ne disait-elle pas de temps en temps : "Pour ne pas craindre la mort, il faut aller à sa rencontre !" ... Ceci étant dit sur un ton anodin, alors qu'elle était en parfaite santé, nous n'avions jamais deviné que cette phrase pouvait devenir prémonitoire.
Alors que je partage ce drame avec beaucoup d'entre vous, il est inutile de vous décrire ici le choc, la colère, le déni, le chagrin, la souffrance et les sentiments contradictoires que nous avons affrontés depuis 2 mois au sein de notre famille ...
Vous connaissez malheureusement aussi le sentiment d'absence et de vide qui nous tord le ventre quotidiennement et l'impression d'errer et de survivre plutôt que de vivre...
J'ai la chance de pouvoir compter sur mes 3 enfants et de bénéficier de leur soutien et de leur réconfort sans faille.
Tous, nous avons compris sa décision et accepté le fait qu'elle n'ait pas voulu mourir et nous abandonner de façon aussi abrupte ... Dès lors, à ce jour, nous n'avons plus ni colère ni ressentiment à son égard ... Nous avons réussi à transformer un acte à première vue cruel et violent en un acte d'amour dicté par la nécessité pour elle de se sacrifier, d'une part pour échapper à sa souffrance, et d'autre part, pour nous préserver, selon elle, de la lourde charge de sa dépendance.
A présent, quand nous pensons à elle, c'est avec amour, paix et sérénité dans l'espoir que nous nous retrouverons tous un jour là-haut ou ailleurs.
Bien entendu, nous nous sommes tous enfoncés dans le labyrinthe des chagrins et notre parcours durera le temps qu'il faudra avant que nous puissions trouver un certain apaisement.
Ce labyrinthe est sombre et peuplé de souffrances qui vont de l'indicible douleur au vague-à-l'âme, des rêves les plus fous aux cauchemars les plus effrayants ... Les chemins sont nombreux, difficiles et tortueux et l'issue est incertaine.
Parfois, sur notre chemin, de petites étoiles s'allument ... Ce peut être le réconfort d'un ami, un sourire échangé, une main amicale qui caresse notre épaule, une parole apaisante et pourquoi pas, un message sur ce forum.
Ces petites étoiles nous guident toujours plus loin, et de loin en loin, de chemin en chemin, nous guident vers la lumière qui illumine la sortie ... Cette lumière, mon épouse l'a rejointe et déjà dépassée, mais elle a laissé le soin de la laisser allumée pour que le labyrinthe des chagrins devienne un lieu de paix, d'amour et de sérénité.
Je n'en veux ni à Dieu, ni au destin, ni à personne ... la colère est absente ... Je revendique simplement mon droit au chagrin, le droit de l'exprimer quand je le veux et où je le veux ... Le droit aussi à la vérité, car le "suicide" ne doit pas être tabou et il faut pouvoir en parler librement ... et ceci, les enfants et moi-même l'avons compris et accepté.
Pensez qu'au-delà de ce mot barbare nous trouvons peut-être, non pas un acte égoïste et désespéré, mais parfois l'expression absolue de l'amour le plus pur, un sacrifice ultime chargé de mystères et de questions pour lesquelles nous n'aurons jamais de réponses.
Abstenons nous de juger et restons humbles devant les mystères de la vie et de la mort.
Je vous remercie d'avoir lu ce message qui mêle chagrin infini et espoir rassurant ... Chaque deuil est différent mais les seuls dénominateurs communs sont le chagrin et l'absence ... Les partager est un premier pas vers la sérénité ... Alors, partageons, s'il vous plaît...
Avec tout mon amour ...
Jean-Luc