Un jour de plus... Certains font plus mal que d'autres.
Ce matin j'ai ressenti le besoin de regarder une des photos de mon fils, prise par le service de réa néonat après sa mort (c'est encore trop dur de contempler celles ou il est dans sa couveuse, branché de partout...J'ai demandé à mon homme de les ôter de mon portable et de les ranger quelque part, sur l'ordi, dans un endroit ou je ne pourrais pas tomber dessus par hasard. Je ne suis pas prête... )
En regardant ce portrait, je me suis dit : bon sang, que mon petit garçon était beau. Je ne cesse de me le répéter, ça apaise ma souffrance. Il était beau, malgré sa grande prématurité, malgré sa naissance difficile ... On aurait dit un bébé "fini", et il l'était presque... On nous as dit dès le début qu'il était perdu mais Milo s'est battu, il a évacué 800gr d’œdèmes, tout s'est mis à fonctionner dans le petit corps de mon fils , si brave , si fort , les médecins n'en revenaient pas ... Les reins, le cœur (alors qu'il avait été tachycarde durant presque deux mois) le système digestif, tout...sauf les poumons... Nous étions si près du miracle, nous y avons cru jusqu'au bout. J'étais prête a passer des semaines, des mois a visiter mon fils au service de réanimation néonatale, pourvu qu'il s'en sorte, pourvu qu'il rentre avec nous, à la maison... Mais comment aurait-il pu vivre sans arriver à respirer par lui-même ?
Aujourd'hui, il ne nous reste que des photos, des souvenirs de ces six jours d'espoir et nos yeux pour pleurer , remplir de larmes ce vide insondable qu'il a laissé en nous ... Et il reste l'incompréhension (surtout pour moi). J'attends autant que je redoute les résultats de l'autopsie. J'ai peur qu'on ne trouve rien, j'ai peur qu'on trouve "tout". Il me faut un "coupable", une "raison" pour justifier une si grande injustice, pour comprendre comment la vie à pu m'arracher mon bébé, mon premier enfant... Encore aujourd'hui, le coupable le plus évident ...C'est moi...Ces questions lancinantes tournent dans ma tête :
Est-ce que c'est le bain que j'ai pris l'avant veille, est-ce la chute que j'ai subi la semaine d'avant qui ont déclenché cet accouchement en catastrophe ? Est-ce que j'aurais du aller aux urgences tout de suite après la perte de mon bouchon muqueux ? Cela l'aurait-il sauvé ? Est-ce le stress du boulot en septembre, les rares mais violentes disputes avec mon conjoint sur le deuxième trimestre qui ont causé l'apparition de la tachycardie de Milo au 6e mois ou même... Ces périodes de ma vie ou j'ai fumé du cannabis régulièrement ? J'ai ralenti quand on a commencé les essais BB il y a bientôt un an et arrêté complètement quand j'ai su que j'étais enceinte, mais je sais que ce n'est pas suffisant pour évacuer de mon corps des années de consommation... C'est , à l'heure actuelle, ma plus grande peur...Avoir causé la tachycardie de mon bébé à cause de ça, même si on m'a dit que c'était peu probable (mon fils n'avait pas de retard de croissance, bien au contraire, et les éventuelles séquelles se voient plus tard chez l'enfant, vers l'âge de 10 ans. Le médecin m'a même dit qu'il avait accouché des mamans qui avaient continué consommer un peu pendant la grossesse -pour calmer les nausées, les angoisses - et que leurs bébés allaient bien) ... Mais je n'arrive pas a me défaire de l'idée que c'est ce qui a condamné Milo, et si c'est le cas...je ne me le pardonnerai jamais.... je vivrai toute ma vie avec la douleur immense d'avoir tué mon bébé....
Nimriel : Quel courage... Devoir endurer tout ca une semaine à peine après une décision si difficile, après la perte de ta petite Sasha. N'auraient-ils pas pu faire preuve de compassion, déléguer la tâche à un de tes collègues ?! Les gens sont si loin de la souffrance que nous pouvons endurer... Lorsque j'ai demandé le report de mon oral de concours en expliquant les raisons, la seule solution qu'on m'a proposé c'est de repousser au lendemain de la date prévue !
Je suis contente qu'au final, ce projet de formation t'aie ouvert de nouvelles portes quant à ton avenir professionnel. Cela me touche quand tu parles de "cadeau de la vie" , car c'est comme ca que je vois les choses...Dans les moments les plus sombres, il nous faut quelque chose à quoi nous raccrocher, des opportunités , un besoin de changer , d'évoluer malgré ce deuil que nous feront toute notre vie durant.
Milou : Merci infiniment d'être venue prodiguer tes bienveillants conseils ici, malgré la douleur qui est la tienne. Je t'envoie toute ma compassion. Tu as raison, ce n'est qu'un concours... Au final, j'y suis allée hier en étant complètement "détachée" de moi-même. J'ai rangé Milo dans un petit coin de ma tête, je n'y ai pas pensé pendant deux heures et quand je suis sortie de mon oral, je me suis effondrée en larmes dans la voiture de mon père qui m'avait accompagnée. Il fallait que j'évacue la pression.
Maintenant, c'est fait. Je ne suis pas très contente de moi, je n'ai pas beaucoup révisé. L'avant-veille de l'oral, c'était le cap des trois semaines après le décès de mon tout-petit...Cap qu'il a fallu passer en gérant l'interminable paperasse pour clarifier nos situations auprès de la CAF / CPAM et de nos employeurs...(comme l'administration peu paraître froide et impersonnelle dans ces moments ! ). Après une journée pareille, mes yeux parcouraient mes fiches de révision sans les lire, j'étais ailleurs. Le lendemain , j'ai été coachée par mon père, ca allait mieux. Mais hier, il y a certaines questions sur lesquelles j'ai bafouillé, je n'étais pas au point...On verra. Maintenant que c'est passé, ca me touche peu à vrai dire...
Au final tu as raison quand tu dis que la véritable question est celle de l'avenir sans Milo. Réussir comme échouer dans ce concours ne me ramènera pas mon fils...Alors advienne que pourra. Les résultat tombent le 15 décembre, j'ai accouché le 16 novembre... Même si je réussis, ce sera une victoire amère.
Claire : Pardonnes moi, je n'avais pas saisi le sens de tes propos. La haine de mon corps est telle en ce moment que j'interprète tout de travers...Ce corps qui continue de me "narguer" en me faisant suinter du colostrum. Cela me rappelle que j'ai été incapable de donner du lait à mon bébé pendant ces six jours, tant l'angoisse était forte...Et maintenant que Milo est parti, ma lactation se réveille et ça perle sur le mamelon dès que je pense à mon bébé ou que je regarde une photo alors que j'étais sèche comme un vieil arbre quand mon fils avait besoin de mon lait... Je me déteste...
J'ai fait de mon mieux hier devant le jury, mais je me suis sentie minable après coup... Je ne sais pas si Milo peut être fier d'une maman si triste, si désabusée, si sombre... Quand je suis rentrée, ma première pensée à été pour lui , pour ce petit visage que j'aurais tant eu besoin d'embrasser, ce petit corps que j'aurais voulu bercer pour me consoler d'avoir été si nulle. A la place je me suis jetée dans les bras de son papa et j'ai pleuré pendant un quart d'heure.
Tu dis que tu me trouves courageuse, mais moi j'ai l'impression de me laisser porter... Je fais les choses parce qu'il faut qu'elles soient faites mais...je ne suis pas là... je ne suis qu'une enveloppe vide et la Magali qui s'est présentée souriante et loquace devant le jury était une autre personne... qui essayait de faire comme si ce drame n'était jamais arrivé dans sa vie.
Et tu sais, le pire dans tout ça... C'est que depuis bientôt deux semaines mes seules lectures sont les sections "grossesse d'après" de l'ancien forum de l'ESNPE et de Nospetitsanges. Je m'accroche désespérément à l'histoire de ces mamans pleine d'espoir et d'angoisses, retraçant leur parcours avec avidité et fébrilité, jusqu'à l'arrivée de leurs magnifiques bébés. Je pleure quand ces grossesses espoirs aboutissent , mais aussi quand elles se terminent de nouveau en drame...Je me dis que ces mamans, quoiqu'il arrive, sont vraiment admirables et si courageuses de se lancer de nouveau dans l'aventure, elles sont belles dans l'espérance comme dans le désespoir par l'amour qui les attache à la fois à leurs petits anges et à cette vie qui grandit en elles.
Mais je me sens "en marge" de ces vaillantes mamans...Je me dis que jamais je n'aurais le courage de vivre une nouvelle grossesse et pourtant, j'en meure d'envie ( j'y ai pensé tellement vite après la mort de Milo, j'en suis pétrie de honte...) Mon petit garçon est ancré si fort en moi, et j'avais tant et tant d'amour à lui donner...que je me dis que ca ne peut s'arrêter la...Mais je suis terrorisée, je revois mon accouchement précipité, sa première nuit sur le fil en réa, la naissance et la mort de l'espoir qu'il reste en vie...en seulement six jours.... Ses derniers instants dans nos bras... Si je revis ca, je ne serais plus rien, plus rien qu'une âme effacée vaincue par la vie et l'absence des êtres aimés (Oh maman, je pense si fort à toi, veille sur ton petit-fils, console-le... Je vous aime tant ...)
Non, je ne suis ni forte, ni courageuse...
Je suis une maman sans son petit garçon....