Bonjour,
C'est la première fois depuis que Charlotte nous a quitté que j'écris sur un forum. Je pensais que la psychothérapie suffirait, et même une petite dose d'antidépresseur... Mais je piétine, je m'embourbe, je ne sais plus vers qui ou quoi me tourner pour m'apaiser.
Le 19 avril 2012, lorsque nous nous sommes rendus à la clinique pour accoucher, on nous a appris que le coeur de notre bébé ne battait plus mais qu'il fallait attendre que la nature fasse son travail (c'est-à-dire pas de césarienne, ni de déclenchement). Je vous passe le ciel qui nous tombe sur la tête, l'injustice, l'incompréhension (pourquoi au moment de faire sa connaissance? C'est si cruel!), la culpabilité (j'aurais dû me rendre compte de quelque chose, on aurait alors pu la sauver).
Mais ce qui reste et ne veut pas me laisser tranquille est la colère envers l'entourage. C'est pour cette raison que j'ai besoin d'écrire ici aujourd'hui.
Peut-être par peur de mal faire ou mal dire, pour nous laisser tranquille, la plupart des gens a très rapidement arrêté de prendre des nouvelles.
Ou alors on a entendu des horreurs, comme par exemple que si on l'avait connu, ça aurait été pire (comme s'il y avait des paliers dans la douleur de perdre un enfant, plus on l'a connu, plus on souffre). Une psy m'a un peu réconfortée en me disant de retourner la situation: au contraire, ils ont eu la chance de connaître leur enfant!
Une copine m'a dit que "Charlotte, ça ne lui parlait pas". Sous-entendu: "je ne peux rien pour toi".
Un autre nous a également dit qu'à force de refuser des invitations, on n'allait plus nous inviter. Excuse d'être malheureux d'avoir perdu un enfant et de ne pas avoir envie de nous éclater et de vous voir avec vos mômes! Surtout venant de quelqu'un qui ne nous a jamais invité, ni appelé...
Quand j'ai essayé de dire ce que je ressentais aux amis, on ne m'a pas comprise, entendue... Ils se sont justifiés, voire même ont retourné la situation contre moi. Ils n'ont pas voulu prendre sur eux pour nous accompagner sur le chemin du deuil (ou du moins faire un bout de route. Non, ils ont préféré se protéger).
Mon mari est bien moins en colère, il me dit que l'on doit se demander ce que l'on aurait fait à leur place. Mais là, sincèrement, je m'en fiche. Je me fiche de savoir ce qu'ils ressentent, si c'est dur pour eux, ce que j'aurais fait... J'avais besoin d'eux et ils n'ont pas été là ou de façon très maladroite. Je me demande ce que je préfère du coup: des gens qui ne disent rien ou qui me font mal pensant bien faire...
Cette colère donc, ne me quitte pas, revient sans cesse, de façon plus ou moins importante.
Hier soir, un copain de la bande nous a appelé pour nous demander si on voulait bien aider financièrement un couple d'amis (celui-là même qui nous avait dit qu'à force, on n'allait plus nous inviter) qui a besoin de faire réparer sa voiture. Bon... C'est la deuxième fois... Mais ce qui m'a mise en colère c'est que personne de la bande de copains nous a proposé 10€ pour nous aider à payer les obsèques de Charlotte. Ca nous a coûte 1600€ et on a dû demander à la famille parce qu'on n'a pas d'aide pour payer les obsèques d'un enfant, si on n'a pas d'argent, on ne peut pas l'enterrer dignement...
Aujourd'hui, c'est la goutte d'eau. Peut-être que de l'extérieur, ça paraît exagéré, déplacé... Je sais que je perds de l'énergie et du temps à me torturer avec ça mais je n'arrive pas à gérer cette colère. J'ai même l'impression de perdre pied.
4 ans qu'elle me suit, 4 ans que je vais voir des psy mais elle est toujours là.
Certainement qu'elle fait écho à des choses sensibles chez moi, le manque de reconnaissance... mais je veux juste avoir la paix. Est-ce que je me raccroche à elle pour me raccrocher à Charlotte?
Je n'en sais plus rien...
Merci.
Audrey