Je ne sais quoi vous dire... Merci, ça c'est certain, merci pour votre écoute, votre analyse, vos conseils, merci pour vos mots tout simplement, cette compassion qui me réchauffe le coeur. Voir un psy ? oui, non... En fait, non, ça ne m'aidera pas, ça ne me rendrait pas mon papa qui manque tant à ma vie... Je ne me comprend pas, je voudrais tellement être plus forte parce qu'il y a bien plus malheureux que moi, parce qu'il y a des situations tellement plus terribles... Je me souviens encore, lorsque ma soeur allait faire ses séances de chimio dans le service pédiatrique, à 100 kms de chez nous, nous y allions chaque soir après le travail de papa, pour lui rendre visite et voir ma maman qui restait à ses côtés, je me souviens encore être assise aux côtés de papa dans cette voiture où la route défilait, il mettait souvent une cassette de Bachelet et avait cet air si malheureux... Mon papa, mon petit papa, lui si gentil, il essayait de rester fort... A l'hôpital, pendant les 2 ans où ma soeur s'est battue courageusement, j'ai croisé un tas d'enfants plus jeunes que moi, de mon âge ou juste un peu plus vieux, sans leur cheveux... Ils étaient tous si courageux, ils avaient le sourire malgré leur mine fatiguée et dans les couloirs on pouvait entendre leurs éclats de rire... Et pourtant, nombre d'entre eux ont quitté ce monde dans une souffrance telle que même un adulte ne pourrait supporter... D'ailleurs, ma soeur est partie un 14 avril à 16H et ce même jour, une amie qu'elle s'était faite à l'hôpital est partie également mais à 4H du matin, toutes les deux ont pris leur envol ce même jour à 4H mais l'une au matin, l'autre l'après midi... Je me souviens, ce jour là, en rentrant d'une ballade avec ma petite soeur, arrivant dans l'allée, je croise mon papa en pleure, mon papa en larme ? J'ai de suite compris, j'ai poussé un cri que je crois encore entendre comme s'il pouvait stopper tout ça... Une amie, qui habitait dans cette rue, m'a confié il n'y a pas longtemps, qu'elle avait entendu mon cri et que c'est comme ça qu'elle avait deviné que ma soeur était partie... Et quand je repense à ces enfants, quand je repense à mes parents, à ce qu'ils ont vécu, à ce qu'ont vécu d'autres parents, j'ai honte de moi aujourd'hui, j'ai honte de ne pas être plus forte, j'ai honte de pleurer sur mon sort... Je pense à ma maman, qui a eu une enfance difficile car maltraitée, mon papa a été son seul et unique amour, après avoir eu un cancer elle aussi, après avoir perdu son papa qu'elle aimait tant et qui l'a protégé comme il pouvait de sa maman, après avoir perdu l'une de ses filles et maintenant son mari... Elle reste forte comme elle l'a toujours été, bien sur elle souffre terriblement mais elle ne se plaint jamais et ne s'apitoie pas sur son sort, elle fait des activités, elle continue d'avancer encore et encore... J'entends papa, les larmes aux yeux, qui doit penser en la voyant : "vraiment tu es une femme formidable". Mes parents étaient et resteront un couple fusionnel...
Voilà, comme j'aimerai être comme ma maman et ne pas oublier que je ne suis pas la seule à souffrir sur cette terre, comme j'aimerai encore pouvoir me projeter dans l'avenir, comme j'aimerai que ces fêtes qui arrivent à grands pas ne me terrorisent plus, comme j'aimerai tout ça...