Auteur Sujet: texte parlant des erreurs des psys non spécialistes du deuil  (Lu 14952 fois)

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Revivre après le deuil
Mots clés : psychologie, deuil, Décès
Par figaro iconPascale Senk - le 08/11/2011
PSYCHOLOGIE - L'expression «faire son deuil», devenue si populaire, est aujourd'hui contestée. Les endeuillés restent attachés à ceux qu'ils ont perdus.

«Tu y penses encore ?» Martine n'oubliera jamais cette réflexion d'une amie à qui elle venait de confier, sous un Abribus, que c'était ce jour-là le troisième anniversaire de la mort d'un membre de sa famille. «Elle me regardait avec des yeux ronds comme si j'exagérais un peu. Mais comment peut-on penser qu'un tel événement puisse être un jour effacé de ma mémoire ?», se demande-t-elle encore.

Ce sentiment d'être incompris, un grand nombre d'endeuillés le partagent. À qui, à quoi l'attribuer ? Premier fait incontestable : dans une société où l'on encourage la maîtrise et l'acquisition, perdre n'est pas une affaire simple. Du coup, dans un souci pédagogique, certains s'en tiennent à l'idée que «faire son deuil» est un processus modélisable, valable pour tous et a priori assimilable de manière express (ce que la journaliste Geneviève Jürgensen, endeuillée de ses deux petites filles, avait qualifié dans l'un de ses articles de «deuil TGV»).

Un raccourci qui provient notamment d'une lecture faussée des travaux de la psychiatre suisse Elisabeth Kübler-Ross, grande pionnière des soins palliatifs dans les années 1960. À travers ses récits d'expériences, ses livres forts et engagés, celle-ci est devenue mondialement connue. Elle a notamment formalisé les différents stades par lesquels passe une personne en fin de vie après avoir appris l'inéluctabilité du diagnostic. Et ces «étapes du deuil» (qu'elle a hiérarchisées en «déni», «colère», «marchandage», «dépression» puis «acceptation») se sont répandues comme feu de paille dans les milieux de la psychologie populaire.
Plusieurs confusions

Le problème, c'est qu'un glissement fortuit mais capital s'est alors opéré : on en a déduit qu'Elisabeth Kübler-Ross avait dessiné là les étapes émotionnelles du deuil d'un proche, ce dont il n'était pas vraiment question dans sa recherche sur les «stades de la mort annoncée». Plus largement, on s'est mis depuis à «faire son deuil» de tout : perte d'un emploi, d'une amitié, d'une illusion… Toutes les épreuves de la vie pouvaient être lues - et dépassées - selon son modèle. Aujourd'hui, de nombreuses voix, surtout aux États-Unis, remettent en cause ce qui s'est transformé en un schéma réducteur.

Autre confusion : celle de certains professionnels de la psyché habitués à travailler sur la notion de perte en général. «C'est l'un des fondements de leurs études puis de leur pratique, explique Nadine Bauthéac, psychothérapeute spécialisée dans l'accompagnement des personnes endeuillées qui vient de publier - avec Isabelle Dubois-Costes et Jean-Paul Getny - Le décès, se préparer, faire face (Éd. Hachette Pratique). Ils ont notamment lu Freud (celui de Deuil et Mélancolie) et n'en ont retenu que ses propos sur “le moi qui redevient libre” après avoir enduré la perte. Résultat, une de mes patientes ayant consulté un collègue de quartier s'est entendu dire qu'elle faisait un “deuil bloqué” parce qu'elle éprouvait encore beaucoup de peine trois ans après le décès de son compagnon ! », s'indigne cette spécialiste.
Un nouveau pacte avec la vie

Nadine Bauthéac aime, elle aussi, s'appuyer sur Freud, mais surtout sur ce qu'il écrivit deux ans après avoir lui-même vécu la mort de sa fille : «On sait que le deuil aigu, après une telle perte, s'apaisera. Mais on restera inconsolable, on ne trouvera jamais de substitut. Tout ce qui viendra prendre la place, et qui peut même la remplacer entièrement, reste quand même quelque chose d'autre.» Tout de suite après ces propos pessimistes qui lui ressemblent bien, Freud ajoutait : «Et au fond c'est bien ainsi. C'est la seule façon de continuer l'amour auquel on ne veut pas renoncer.»

«Continuer l'amour auquel on ne veut pas renoncer» semble être pour beaucoup d'endeuillés un moteur qui, bien loin de les entraver, leur évite la dépression. Après une phase de choc, des temps de grandes souffrances, une élaboration peut se faire. Pour Nadine Bauthéac, il s'agit alors de «passer un nouveau pacte avec la vie», ne serait-ce que par respect pour ceux qu'on a perdus : «La vie je l'ai, et eux ils ne l'ont plus, résume la psychothérapeute. Qu'est-ce que je fais alors de ce temps qui m'est donné ? Pour beaucoup d'endeuillés, cette question appelle des réponses créatives.»

Réapprendre à goûter les plaisirs simples, fonder une association, écrire un livre, des chansons, aimer à nouveau… Autant de preuves qu'on peut continuer à vivre, voire se transformer, tout en ressentant de temps à autre la souffrance de l'absence. «Il suffit d'une musique qui passe à la radio, d'une date anniversaire ou de Noël pour que la peine se réveille, explique Nadine Bauthéac. Mais l'endeuillé ne doit pas pour autant se voir affublé d'une image de dépressif. Il est tout simplement une personne courageuse qui fait un travail psychique énorme.»
« Modifié: 06 juillet 2015 à 09:23:23 par qiguan »
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Re : texte parlant des erreurs des psys non spécialistes du deuil
« Réponse #1 le: 06 juillet 2015 à 10:11:15 »


Merci Qiguan, c'est tout a fait cela et plus encore.....

Nous le savons !!

Je t'embrasse fort.

zabou
Le souvenir, c'est la présence invisible.
Si j'avais su que je t'aimais tant, je t'aurais aimé davantage.
Mon amour, plus qu' hier et moins que demain.

myla

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Re : texte parlant des erreurs des psys non spécialistes du deuil
« Réponse #2 le: 06 juillet 2015 à 11:59:35 »
Tellement vrai !Merci Guiguan
 

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Re : texte parlant des erreurs des psys non spécialistes du deuil
« Réponse #3 le: 06 juillet 2015 à 13:12:11 »
Je me retrouve entièrement dans les deux derniers paragraphes de ton texte, Quiguan. Merci.
Cela me conforte dans l'idée que je me fais de mon cap à tenir.
"Tenir, toujours tenir ! Tenir le cap ! Envers et contre tout ! Dans la continuité de ton Amour !"

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Re : texte parlant des erreurs des psys non spécialistes du deuil
« Réponse #4 le: 06 juillet 2015 à 16:21:36 »

   Formidable texte.

   Grand, grand merci et très intéressant, le fait que "Freud" ait "revu sa pensée" après son propre deuil, comme quoi, tant qu'on n'a pas "vécu ça", on n'est pas pleinement humains...

  A la mort de Kalahan, j'ai eu cette drôle d'impression que mon âme s'était élevée d'un cran, et que "plus haut", il n'y aurait pas...ici-bas, en tous cas.

  Je ne suis pas "croyante", mais je ne PEUX pas non plus être "athée"...

  J'ai "mon" lien avec l'au-delà, et j'estime que c'est un truc tellement sacré que cela ne peut s'écrire ou se partager...

  Mais l' Ecriture, c'est tout de même pas "rien", les "mots" ne sont pas "rien"..........................
  Et la Musique non plus...........

   Elle me berce et me réconforte, et je l' AIME...

   Travail psychique énorme que le deuil, oh oui, et jamais, jamais jamais fini.
   Et j'adore aussi
   "il est plus facile de détruire un atome qu'un préjugé"

   Je vous suis...reconnaissante, Qiguan, en attendant de mieux vous connaître, et moi, je suis une drôle de souris, hein !
   un peu de chahut à Mexico...
   A bientôt, bonne continuation, humblement (elle est juste "folle"), Martine.

Gwenn8001

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Re : texte parlant des erreurs des psys non spécialistes du deuil
« Réponse #5 le: 08 décembre 2015 à 04:13:21 »
Merci de nous partager tout ce savoirs
Cela m'aide beaucoup
merci Quiguan

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Re : texte parlant des erreurs des psys non spécialistes du deuil
« Réponse #7 le: 18 mars 2019 à 14:43:07 »
Nadine Bauthéac aime, elle aussi, s'appuyer sur Freud, mais surtout sur ce qu'il écrivit deux ans après avoir lui-même vécu la mort de sa fille : «On sait que le deuil aigu, après une telle perte, s'apaisera. Mais on restera inconsolable, on ne trouvera jamais de substitut. Tout ce qui viendra prendre la place, et qui peut même la remplacer entièrement, reste quand même quelque chose d'autre.» Tout de suite après ces propos pessimistes qui lui ressemblent bien, Freud ajoutait : «Et au fond c'est bien ainsi. C'est la seule façon de continuer l'amour auquel on ne veut pas renoncer.»

Bonjour,

Pour moi ce ne sont pas des propos pessimistes, c'est ce que je vis et ce qui est et je suis plutôt positive, me semble t'il.
Qu'entendez-vous  par ce mot "pessimiste" ? ça m'intéresse énormément pour quitter une personne qui est entrain de mourir ou pas d'ailleurs.

Par avance, merci

Par avance merci.

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Re : texte parlant des erreurs des psys non spécialistes du deuil
« Réponse #9 le: 29 mai 2021 à 10:14:34 »
« Modifié: 26 juillet 2021 à 15:10:43 par qiguan »
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