Auteur Sujet: Perte brutale de mon père à 6 mois de grossesse  (Lu 6806 fois)

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Perte brutale de mon père à 6 mois de grossesse
« le: 01 juin 2021 à 01:18:35 »
Bonsoir à tous,

Je connais depuis quelques semaines ce forum. Vos témoignages sont indefiniments touchant et j'admire votre force. J'espère avoir la même un jour.
Voici mon histoire :
Le 4 aout 2020, j'apprends que je suis enceinte (bonne nouvelle, bébé désiré). Je travaille beaucoup 13h/j en l'absence de ma collègue qui a eu un petit accident pendant 5 mois. J'enchaine les grèves sncf, un déménagement. Je continue à gérer sans me plaindre.
Le 23 janvier 2020, grand soulagement ma collègue revient. Je peux enfin partir en vacance. Pour fêter ceci, je donne rdv à conjoint mais il me dit de rentrer "immédiatement" et qu'on se retrouve à mi-chemin. Je ne comprends pas mais tilt qu'il se passe quelque chose. Je lui demande si ses parents vont bien... Ma mère m'appelle, je suis dans le métro. Au son sa voix, je comprends qu'il se passe quelque chose. Elle souhaite juste que je rentre et que je fasse attention. Elle raccroche. Instinctivement, je pleure. Je ne comprends rien. Je sors du métro, j'appelle mon frère qui hurle à me dire "je ne peux pas parler, rentre". Je le rappelle car j'ai des vertiges et que je suis tombée. Il font par me dire "c'est papa, juste rentre, je suis avec lui. Ne t'inquiète pas". Je retrouve mon conjoint mais il ne dit rien. Je lui dis c'est mon père, je sais.
Je rappelle mon frère, il décroche et j'entends des bruits d'une machine "bip bip bip bip". Il me demande ou je suis qu'il vient nous récupérer en voiture. Nous arrivons, je le vois. On s'installe dans la voiture. Il me demander de penser à mon bébé et d'être calme : "papa est mort. Les secours n'ont pas réussi à le réanimer". J'hurle, je souhaite être avec ma mère.
On arrive chez nous. La rue est rempli de monde : police, samu, voisins.. Je cherche ma mère, elle s'effondre aussi...
Ma mère m'explique, mon père est mort avec son ami d'une intoxication au monoxyde de carbone.
La police nous informe que le corps de mon père va être transporte, je peux lui dire au revoir ce que nous faisons avec l'aide mon  frère et de mon conjoint. Moment épouvante. Je m'effondre. La nuit fut chaotique, je n'ai fait que pleurer. Et, je finir par m'endormir de fatigue, mais au réveil, je me dis "ah tiens je n'ai pas encore vu mo père" puis je reviens à la réalité...
24 janvier 2020, c'est l'écho du 2e Trimeste et ja' complètement oublié. Mon conjoint et ma mère insiste afin que j'y aille. RDV médical qui fut le plus douloureux. J'ai fait que pleurer. Mais, le bébé va bien. RAS.
Les rendez-vous s'enchainent : police car une enquête est ouverte mais j'apprends qu'il s'agit seulement d'un terrible accident. Mon père a voulu secourir son ami mais est partit lui aussi. L'institut medico légale car une autopsie a été faite. Je devais leur déposer les affaires. J'ai tenu a le faire seule afin de soulager ma mère et mon frère. Pompes funèbres, mairie...
L'enterrement a lieu en février. On tient le coup car nous n'avons pas le choix. Le contre-coup se fera sentir pour nous tous quelques jours après. Je reprends le travail pour oublier.
Je deviens silencieuse, je ne souhaite pas trop parler avec les gens car on me sort des conneries que c'est le cycle. On perd une vie et une autre arrive (référence au bébé que je porte). Encore plus dure d'entendre cela. Et, je dis même à mon conjoint si le prix à payer pour avoir un bébé est de perdre mon père, je n'en veux pas.
RDV echo du 3e trimeste. On me dit qu'elle perds du poids et que je dois appeler le centre des explorations fonctionnelles. Surveillance renforcée : sage-femme à domicile 1/sem, visite hôpital 1/sem, écho chaque semaine et prise de sang. On m'arrête immédiatement. Je dois me reposer au maximum. J'essaie de faire abstrcation sur mon état psychologique pour me focaliser sur le bien être de ma fille.
29 avril 2020, direction la maternité. Le travail est lent. On décide de m'installer en chambre et le futur papa ne peut pas rester avec moi... J'y reste 6h à supporter solitude, douleur et peur.  Je demande la péridural. On m'installe en salle de naissance, le futur papa est de nouveau présent
30 avril 2020, le travail a commencé. Mais, on se rends compte que ma fille ne supporte pas du tout les contractions. Son rythme cardiaque n'est pas bon. Le médecin arrive pour m'accoucher avec l'aide de la ventouse. Elle est là mais je ne la vois pas et je n'ai pas le plaisir de la prendre. On l'amène ailleurs. Quelque minutes plus tard, elle revient dans son li vitré avec pleins de fils partout. Direction la néonatalogie. Le papa reste avec moi 2h puis est obligé de rentrer. Je ne le reverrais que 7j après, les visites étant interdites. Je ne reverrai ma fille que 8h après. Elle va mieux.
Les jours passent et je m'enferme dans ma douleur, tristesse et colère. Je refuse de parler de ça. Je refuse de me soigner. Je refuse de profiter de moments de bonheur. Je pense juste à m'occuper de ma fille et de ma maison. Je deviens différente, je suis devenue différente.
25 mars 2021, je perds ma grand-mère maternelle suite à la vieillesse. Mais, cette mort (ou j'étais preparé) me fait revivre l'instant ou j'ai perdu mon père. Je sombre de nouveau. Je pleure le soir, seule. Je me cache pour ne pas le montrer à mon conjoint.
1er juin 2021, je vais peut-être un peu mieux. Je consulte, j'essaie d'aller mieux. J'essaie de parler à ma fille de son grand-père. J'essaie de renouer le contact avec mon conjoint qui a été présent, bienveillant. Un pilier mais qui a sombré ces derniers temps. On ne partage plus rien (il a raison). Il m'en veut aussi d'avoir été silencieuse, il le prends comme un manque de confiance, un manque d'amour. Puis, cette période covid accentue encore plus les effets négatifs.
On s'aime mais malheureusement la multiplication d'evenments négatifs en un laps de temps court nous a profondément marqués. On a même pas profite de la naissance de notre fille... J'ai changé même si je l'aime, je me rends compte qu'il ne peut pas me comprendre car il n'a pas vécu la même chose. Je trouve cela stressant de savoir que notre relation puisse se finir à cause d'événements extérieurs...

Merci d'avoir fait l'effort de me lire. Je suis navrée pour les fautes d'orthographes mais je suis incapable de me relire, trop éprouvant. Encore merci de vos témoignages, j'espère que l'écriture me fera du bien. Puis j'espère avoir votre force un jour pour surmonter tout ça.



Hors ligne katrinap

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Re : Perte brutale de mon père à 6 mois de grossesse
« Réponse #1 le: 01 juin 2021 à 09:45:21 »
pas de fautes d'orthographe  et même un joli style
le plus important est ailleurs, prenez le temps si vous le pouvez de communiquer avec votre conjoint en lui évoquant votre souffrance, vous n'avez peut être pas ou pas assez eu le temps du deuil , vous avez du passer du choc terrible d'une mort non programmée, à vous occuper de la santé de votre enfant, l'effet boomerang est inévitable
peut être écrire à votre conjoint? le mode écriture est souvent plus simple les mots sont pesés, choisi émouvants et peuvent renouer le fil entre vous, même si en effet s'il n'a pas vécu de deuils le concept est abstrait
nous serons là pour vous si vous avez besoin de parler, raconter votre peine, vos souvenirs avec votre papa,
amitié
katrin

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Re : Perte brutale de mon père à 6 mois de grossesse
« Réponse #2 le: 02 juin 2021 à 22:41:45 »
Bonjour Katrinap,
Je vous remercie de votre réponse bienveillante. Cela me touche.
En effet, je n'ai pas eu le temps de pleurer, d'affronter la disparition de mon père. J'ai dû par la force des choses aller dans un combat que je ne voulais pas (la disparition de mon père) et subir une grossesse qui est devenu difficile le 23 jan 2020.
Quant à l'écriture, il est vrai que je suis plus à l'aise avec les mots couchés sur un papier (je peux maitriser mes émotions). Je l'ai déjà fait d'ailleurs : écrire à mon conjoint. Il connait ma souffrance mais souhaiterai (je pense) que j'engage plus d'actions pour aller mieux. Que je devienne maitre de ma vie, que j'apprécie plus la vie.
Mais, tout cela est difficile ... Je suis en attente du pire car cela arrive toujours au final... Et, ça me bloque. Pis, je ressens de la culpabilité car je me dis que je n'ai pas assez profité de mon père et qu'il fallait que je fasse plus.
Et, en vous disant tout ça, je ressens culpabilité et honte car c'est tout ce que mon père déteste. Je sais bien qu"il n'aime pas me voir ainsi. Il avait un rapport à la mort simple et juste. Il nous disait souvent qu'il avait fait tout ce qu'il voulait, qu'il avait fait les 400 coups et que si il devait partir ce n'était pas un problème car sa vie était faite et bien faite. Je fuyais constamment cette discussion qui me mettait dans un état négatif. Je le regrette aujourd'hui. D'autant plus, que je n'ai pas les armes.
Il a vécu tellement de choses, tellement de drame durant son enfance mais il a toujours gardé le sourire. Et, moi je n'y arrive pas...

Hors ligne katrinap

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Re : Perte brutale de mon père à 6 mois de grossesse
« Réponse #3 le: 03 juin 2021 à 09:03:27 »
chacun a ses armes pour y arriver et vous les trouverez n'avez vous pas déjà pris comme pseudo espérance? ce n'est pas un hasard, pour le moment vous voyez la vie en noir cela est très compliqué et peut être êtes vous de nature plus pessimiste que votre papa, mais le temps jouera pour aplanir la souffrance, le manque sera là mais autrement
il est plus difficile d'être heureux car c'est une construction que d'être malheureux qui est un laissé aller
le plus dur est de dépasser la culpabilité, elle est improductive et blessante, dites vous  que vous pouvez encore faire du bien à votre papa qui vous aime profondément en construisant votre bonheur, il n'aimerait pas vous voir malheureuse, les parents aimants sont toujours à souhaiter le meilleur, tentez pas à pas quand vous le pourrez de vous accorder des moments de bonheur, d'introniser votre papa en vous pour la faire participer à ces moments,  et ainsi de tricoter de nouveaux souvenirs avec lui... autrement
je vous embrasse
katrin

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Re : Perte brutale de mon père à 6 mois de grossesse
« Réponse #4 le: 04 juin 2021 à 20:55:42 »
Bonsoir
Je suis dans une période sombre en ce moment je n'ai donc pas les mots mais votre témoignage m'a beaucoup touchée.
Cela a fait 18 mois il y a quelques jours. 18 mois que je ne.peux plus appeler ma maman. Et mon fils de 2 ans et demi m a sorti il y a quelques jours "mais elle est où mamie Joëlle". L'éloignement avec le conjoint je connais, on est en decalage, c'est difficile d'être heureux. Il faut se parler, expliquer ce qu on vit et parfois on se cache aussi pour pleurer car on sent bien que l'autre s'épuise et aimerait que tout redevienne comme avant...
Vous avez vécu beaucoup de choses. Un accouchement difficile, 8h de séparation avec votre bébé ça a du être terrible sans parler du fait que votre conjoint n ait pas pu être avec vous les jours qui ont suivi. Seule. Encore seule.
Les circonstances de la disparition de votre papa sont très difficiles, c'est très soudain. Il a été très courageux. Mais en réalité que ce soit soudain ou non la douleur reste terrible. Et le manque constant. J'imagine à quel.point les premiers jours avec votre bébé ont été difficiles et votre immense peine de ne pouvoir partager ce si joli moment avec votre papa. C'est d'ailleurs cela qui me bloque.pour.un 2nd...me dire que ma maman ne le connaîtra jamais.
C'est une vie et un bonheur à réinventer. Il faut faire le deuil de votre vous d'avant et essayer de vous reconstruire tout doucement en gardant votre papa près de vous.
Je vous envoie bcp de courage


Hors ligne Esperance

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Re : Perte brutale de mon père à 6 mois de grossesse
« Réponse #5 le: 04 juin 2021 à 23:32:06 »
Bonsoir Katrinap,
Effectivement mon pseudo n'est pas un hasard. J'ose croire en l'espoir. L'espoir de me sentir "mieux", l'espoir de digérer cette violence... Je suis très pessimiste de nature, vous avez complètement raison. Et, cet événement n'a fait qu'accentuer ce trait. Pessimiste car la vie est injuste, brutale et violente. Encore aujourd'hui, je viens d'apprendre que le meilleur ami de mon frère est décédé soudainement ... 25 ans... C'est encore un rappel comme si je ne pouvais m'en défaire.
J'espere que vous avez raison, que le temps m'aidera à passer ces étapes de la vie. Cela fait plus d'an an maintenant et je rêve toujours de mon père. Je rêve toujours de ce moment à l'institut médico légal ou quand je lui ai dit au revoir pour la dernière fois. Cela prouve que je n'ai pas complètement avalé la pilule.
J'essaie sincèrement de m'octroyer des moments de bonheur sans culpabiliser et je pense aussi très souvent à mon père dans ces moments là mais cela me rends immédiatement triste, en colère... Et, je deviens silencieuse, distante, dans ma bulle. Je veux juste être avec fille dans ces moments là...
J'espère juste que mon père ne m'en veux pas... Prenez soin de vous.

Bonsoir Mandy,
Je comprends votre état et je suis sincèrement attristée pour vous. Je connais la peine que vous ressentez... Exactement, on est en décalage, mon conjoint et moi-même. Chacun fait des efforts mais comme vous dîtes, c'est difficile d'être heureux... Et, je me reconnais dans votre phrase "et parfois on  se cache aussi pour pleurer car on sent bien que l'autre s'épuise et aimerait que tout redevienne comme avant...". Je me cachais et je me cache encore pour pleurer. Pour éviter de lui faire subir et pour éviter la consolation et les questions qui vont avec...
L'après accouchement a été incroyablement difficile. Autant je garde un bon souvenir de mon accouchement car j'ai eu 2 sages-femmes bienveillantes et gentilles à mon égard. Mais le après a été catastrophique. La séparation avec ma fille, le papa, les douleurs qui se réveillent... Toutes les émotions que je gardais sont sortis et je me suis effondrée. Réconfortée par une infirmière... car j'étais encore seule... Je comprends parfaitement votre blocage pour un second bébé... La chance (si je peux appeler ça une chance) c'est que j'ai eue le privilège d'annoncer à mon père que j'étais enceinte, j'ai eu l'immense joie d'entendre le son de sa voix prononcer le prénom de ma fille. Je suis aussi bloquée pour un bébé num 2 car il ne sera jamais que je suis enceinte. Mais, j'ai aussi envie de connaitre une grossesse épanouissante, heureuse, sans accroc. J'espère que je pourrai prétendre à ce bonheur...
C'est ce que je dis à mon conjoint "la moi d'avant tu oublies...". Je ne comprenais pas très bien les phrases de ce genre avant mais maintenant, tout est tellement plus clair... Prenez soin de vous et j'espère que votre douleur s'atténuera.

Katrinap, Mandy, je vous remercie sincèrement d'avoir pris le temps de me lire et de me répondre. Cela me touche énormément. Vraiment merci à vous. Beaucoup de courage à chacune d'entre vous.