J'ai créé ce topic le 25 juillet 2015, j'avais 20 ans. Nous sommes le 6 janvier 2021, j'en ai 26.
Malheureusement, le temps passé n'a pas amélioré les choses, mais le sort n'a au contraire pas cessé de continuer à s'acharner sur moi. Et depuis le mois de décembre 2019, je vis dans un état de sidération totale, et pas uniquement à cause de cette pandémie de coronavirus.
Mais je vais raconter les choses dans l'ordre.
En 2016, cette prof à laquelle je m'étais attachée a continué à me rejeter et à me menacer de porter plainte. Je le vivais très mal. J'ai fini par cesser totalement d'aller la voir, mais je souffrais pour autant toujours de son rejet. Je n'avais plus aucune estime de moi-même. Je souffrais de la perte de ma mamie et de mon cousin et de son rejet. Je souffrais toujours des séquelles du harcèlement scolaire que j'ai subi au collège. Et j'en souffre encore.
En 2017, je suis tombée très malade. J'ai commencé à souffrir de diarrhées chroniques extrêmement invalidantes et douloureuses. Au tout début de la maladie, les crises étaient vraiment affreuses : je restais huit heures d'affilée aux toilettes sans pouvoir sortir. Non, il m'était absolument impossible de sortir, même ne serait-ce que pour aller faire un tour au parc. Il me fallait des couches pour sortir.
Au début, je pensais que ça allait passer, donc je me soignais juste à l'Imodium. Mais à force de trop en prendre, mes douleurs étaient devenues de plus en plus violentes et je m'étais donc décidé à aller consulter un médecin qui m'avait prescrit une radiographie abdominale : celle-ci avait révélée une remarquable stase stercorale. Autrement dit, à force de me bourrer d'Imodium, j'avais frôlé l'occlusion intestinale !
Mon médecin m'avait alors prescrit du Citrafleet, une purge pour me vider sans laquelle j'aurais fait une occlusion.
Je pensais que les choses rentreraient ensuite dans l'ordre, mais non : les diarrhées n'ont cessé de continuer encore et encore...
J'avais également des crampes d'estomac jusqu'à ne plus pouvoir marcher et être pliée de douleurs.
Je me souviens d'un jour où j'avais réussi à aller au cinéma en me gavant d'antidiarrhéiques : il avait fallu que je sorte en plein milieu de la séance tant j'étais ravagée par de violentes douleurs d'estomac. Je m'étais allongée dans les toilettes, incapable de me lever, incapable de marcher.
J'ai passé une coloscopie en octobre 2017 qui avait révélé de multiples érosions aphtoïdes dans mon côlon ainsi qu'une gastrite à l'estomac. Conclusion : "Cet aspect pourrait faire évoquer une forme débutante de maladie de Crohn colique".
Après avoir souffert pendant des années de harcèlement scolaire, de dépendance affective et de dépression chronique, après avoir été hospitalisée plusieurs fois en psychiatrie, après avoir perdu ma mamie et mon cousin à un an d'intervalle, voilà qu'on m'annonçait à 23 ans que j'étais peut-être atteinte d'une maladie chronique et incurable à vie...
La maladie n'a jamais été confirmée, mais elle est toujours là trois ans plus tard. Je me suis gavée de médicaments : Pentasa, Pentasa lavement, Mikicort, Flagyl, Librax, Météoxane, Météospasmyl, Poly-Karaya, Dicetel, Arestal, Imodium, Tiorfan, Lamaline, Tramadol, Lansoprazole, Laroxyl, probiotiques...
J'ai essayé tous les régimes : sans résidus, sans lactose, sans lait, sans gluten... Rien n'a fonctionné.
Il y a des jours où ça va, d'autres où j'ai de violentes crises. Je me réveille avec des envies pressantes, je me sens mal, j'ai des palpitations cardiaques et des frissons. J'ai froid et j'ai la chair de poule même s'il fait 40 degrés dehors, même en plein été, même en pleine canicule. Je suis obligée de me gaver d'antidiarrhéiques. Cette maladie est un véritable cauchemar.
Et ce qui est encore plus difficile à vivre, c'est le manque de soutien de nos proches. J'ai une tante qui m'a dit : "C'est rien la maladie de Crohn !"
Mon propre père m'a dit que je faisais semblant d'être malade, que je m'inventais ma maladie et que je faisais exprès de monopoliser les toilettes pour l'emmerder... Quand j'étais hospitalisée en psychiatrie pour dépression, il me disait la même chose : que je n'étais pas malade et que je le faisais exprès pour l'emmerder...
Des gens qui sont en parfaite santé et qui n'ont pas vécu le quart de ce que j'ai vécu viennent me reprocher de me plaindre, de ne pas être une battante, etc... Bref, comment avoir le moral avec tout ça ? C'est impossible.
J'ai passé une nouvelle coloscopie en avril 2018 : je n'avais plus d'érosions aphtoïdes dans le côlon, juste une gastrite antrale avec reflux biliaire à l'estomac. Mon gastro m'a alors dit que j'avais juste un "côlon irritable". Lui-même est incapable de me dire si j'ai un "côlon irritable" ou la maladie de Crohn, ou les deux... même les spécialistes semblent impuissants.
J'ai des problèmes avec la nourriture, je ne sais plus quoi manger par peur que rien ne passe, par peur de souffrir, par peur d'avoir des diarrhées invivables. Oui, cette maladie est un vrai cauchemar qui s'ajoute à ma liste de malheurs.
Mais malheureusement, le pire ne s'arrête pas là, car au fil des années, le sort continue encore et encore et encore de s'acharner sur moi...
Au printemps 2019, après avoir souffert pendant plus de dix ans de dépression et après avoir souffert en plus pendant trois ans de douleurs physiques, j'ai retrouvé un semblant de bonheur en commençant à discuter avec mon voisin de 69 ans.
Le lundi 27 mai 2019, il faisait très beau et j'étais partie lire au soleil, car j'adore le soleil. Je lisais tranquillement, quand soudain mon voisin était arrivé avec son vélo et m'avait dit en rigolant : "C'est votre père qui m'a dit que vous étiez là !"
J'étais contente, il ne me rejetait pas contrairement à ma prof. Il ne me menaçait pas de porter plainte. Il aimait discuter avec moi, il me montrait que j'avais de la valeur. Nous avions discuté ensemble et j'étais contente. Puis je lui avais dit qu'il fallait que je m'en aille car ma sophrologue m'attendait pour peindre.
En effet, j'ai consulté pendant six ans une sophrologue / hypnothérapeute. Même si les séances ne me guérissaient pas, elles me faisaient du bien. Et lorsque cette sophrologue a pris sa retraite, nous avions gardé un lien amical : elle me proposait de sortir marcher au parc avec elle et elle me proposait de venir chez elle pour que nous fassions de la peinture.
Tous les Lundi après-midi, quand la maladie me le permettait et quand je n'étais pas en crise, j'allais donc faire de la peinture pendant environ quatre heures avec elle. Et ça me détendait, j'aimais beaucoup ces séances.
Alors, ce 27 mai 2019, j'avais discuté avec mon voisin et j'étais ensuite allée faire de la peinture avec elle.
Je me sentais mieux malgré mes souffrances, mon estime de moi remontait un peu : ma sophrologue était gentille, elle ne me menaçait pas de porter plainte, elle aimait discuter et peindre avec moi. Mon voisin aussi. Enfin, enfin, je n'étais pas exclue.
Puis le temps a passé et j'ai commencé à croiser mon voisin de plus en plus souvent. J'étais tellement heureuse qu'il ne me rejette pas que je voulais multiplier les rencontres à tout prix. Ma vie était vide, je n'avais quasiment plus aucune relation sociale et je pouvais passer des heures à l'attendre dans la rue ou sur le palier, comme je le faisais avec mon ancienne prof.
Et pendant six mois, j'ai vécu un conte de fées, parce que contrairement à ma prof qui ne cessait de me rejeter et de me menacer de porter plainte quand je la voyais, mon voisin était au contraire très content de discuter avec moi. Il prolongeait les discussions et me parlait pendant plus d'une heure, voire parfois même deux ou trois.
Et surtout, il me faisait rire, énormément rire. Il racontait sans arrêt conneries sur conneries, comme mon cousin disparu. Cela peut paraître complètement dingue, mais j'avais carrément parfois l'impression de retrouver mon cousin à travers lui. Je m'étais même demandé si ce n'était pas mon cousin qui me faisait un signe...
En 2015, sur ce même topic, j'avais écrit ceci :
"Je n'ai jamais ri avec personne autant qu'avec lui. Maintenant, je ne ris plus avec personne, je n'ai plus aucun moment d'éclatement de rire, plus aucun, tout a disparu avec lui... Même quand quelque chose me fait rire, ce n'est jamais et ne sera jamais aussi intense qu'avec lui."
---> C'était faux. Je m'étais trompée. Parce qu'avec mon voisin, entre le mois de juillet et de novembre 2019, je riais autant qu'avec mon cousin. Oui, mon voisin avait un tel humour que j'avais des crises de fous rires jusqu'à en avoir mal au ventre. Avec mon voisin, je me sentais bien, vraiment bien.
Je lui avais même dit : "j'ai jamais rencontré une personne aussi drôle que vous de toute ma vie !", "vous m'avez redonné le goût de vivre". C'était magique.
Mon voisin m'avait fait connaître Jacques, un homme de 84 ans très sympathique qui avait un véritable don pour la poésie et Jacques m'avait d'ailleurs dédicacé un de ses livres de poèmes. L'été 2019, nous étions tous les trois dans le parc chaque matin et on ne cessait de rire, tous les trois. Je me sentais merveilleusement bien malgré mes souffrances passées, malgré ma maladie chronique.
En août, mon voisin est parti en vacances et il est rentré très en retard. Il ne donnait plus de nouvelles. Il était censé rentrer le 6 septembre 2019, il est rentré le 25. Entre temps, nous n'avions aucune nouvelle, il ne répondait pas au téléphone. Et moi, je le vivais très mal. Je faisais crises d'angoisses sur crises d'angoisses toute la journée, je pleurais sans arrêt tant j'avais peur qu'il lui soit arrivé la même chose qu'à mon cousin, tant j'avais cette horrible phobie de la mort. J'étais persuadée qu'il avait fait un AVC.
J'ai fini par avoir des nouvelles le 14 septembre 2019 au soir, où il m'avait écrit qu'il avait prolongé son séjour pour cause de décès. Son neveu de 37 ans est mort le 28 août 2019 d'une pancréatite aiguë sévère, comme mon cousin...
J'avais peur qu'il ait perdu son humour à cause de ce drame en rentrant de vacances. Mais non. A son retour, il était toujours aussi gai, toujours aussi drôle, toujours en train de rire et de raconter conneries sur conneries sans arrêt. On allait voir Jacques et on continuait à rire ensemble, tous les trois. Mais il me draguait. Il me faisait des allusions amoureuses. Je n'y prêtais pas tellement attention parce que je pensais qu'il plaisantait.
Au tout début, ses allusions me faisaient un peu peur, mais plus le temps a passé, plus je suis devenue complètement accro à lui tant il me faisait rire et encore rire, tant il me rendait heureuse. Je lui avais même écrit : "Vous avez un sacré talent et depuis la mort de mon cousin, je n'avais jamais autant ri avec personne qu'avec vous !"
J'avais demandé à Jacques de demander à ce que mon voisin me tutoie, parce qu'il continuait à me vouvoyer. J'ai commencé à ressentir des frissons de bien-être intense en m'approchant de lui, comme en ASMR mais en mille fois plus fort encore...
Qu'est-ce que cela signifiait ? Je n'en ai pas la moindre idée. Je n'avais pas de désir sexuel, je n'avais pas envie de coucher avec lui, mais j'avais envie de me rapprocher de lui, j'avais envie de contact physique, j'avais envie et besoin de câlins. Je ressentais des frissons de bien-être et une sensation de chaleur intense à chaque fois qu'il s'approchait de moi, c'était dingue.
Un jour du mois de décembre 2019, il m'a fait des avances sexuelles, il a demandé à m'embrasser et je n'ai pas su lui dire non. Je me suis laissée entraînée, embarquée. Je suis retombée dans une très grave dépendance affective.
Il a demandé à me caresser et je lui ai dit oui.
Il a demandé à me voir nue et je lui ai dit oui.
Quelques jours plus tard, le 15 décembre, alors que nous étions au parc, il a fait un AIT (accident ischémique transitoire) sous mes yeux, devant moi !!! Il ne comprenait plus ce que je lui disais et n'arrivait plus à parler, c'était traumatisant, mais il refusait catégoriquement que j'appelle le SAMU. Je ne voulais néanmoins pas le lâcher, par peur qu'il lui arrive malheur.
Je n'étais encore jamais rentrée chez lui jusque-là, mais ce jour-là, je ne voulais pas le laisser.
C'est la première fois que j'entrais chez lui et ce jour-là, il m'avait demandé "ça t'embête si j'enlève ton pantalon ?" et je l'avais enlevé de moi-même. Il m'avait caressé le sexe et je m'étais laissée faire. Quand j'y repense, je me demande ce qu'il m'a pris, je ne sais vraiment pas ce qui s'est passé dans ma tête...
Le lendemain, nous étions allés voir le médecin et mon voisin avait dû être hospitalisé pendant 5 jours. Il a été mis sous traitement et j'ai passé l'année entière à m'occuper de lui et de ses problèmes de santé.
Pendant des mois, pendant tout l'hiver 2020, j'ai vécu dans un état second. Il demandait à m'emmener dans son lit et je lui disais oui, je me laissais faire. Pendant des mois, je me suis mise nue devant lui et j'ai même plusieurs fois dormi avec lui, à ses côtés. Il m'a caressé le sexe et les seins. Je ressentais deux sentiments contradictoires : d'un côté, ses caresses me faisaient plaisir, mais d'un autre côté, j'étais extrêmement troublée. Il allait trop loin, beaucoup trop loin, mais j'avais du mal à m'en rendre compte parce que tout s'est mélangé dans ma tête. Je lui ai demandé de la tendresse et il m'a demandé du sexe. J'ai tout confondu.
Pendant des mois, à force de me mettre nue devant lui, il s'est mis en tête que j'avais un blocage parce que je ne voulais pas coucher avec lui. Un jour du mois de février 2020, il était allé jusqu'à me faire pleurer en me parlant de pénétration, oui il était aller jusqu'à me faire pleurer à force d'insister et d'insister encore pour obtenir un rapport sexuel ave moi.
Il m'a dit des choses très troublantes telles que : "j'aime ta petite chatte, elle est toute mignonne", "j'adore caresser ta foufoune" etc. Je n'ai rien compris. Et son humour avait totalement disparu.
On était loin, très loin de l'homme qui m'a fait rire pendant six mois. Cet homme-là n'existait plus. J'ai même eu le sentiment d'être un objet sexuel et je me suis sentie très sale, c'était dégradant.
Un jour, je lui avais demandé "Tu m'aimes moins si je ne suis pas nue ?" et il m'avait répondu "Je t'aime un peu moins. Si y'a jamais de nue, on peut pas aimer pareil, c'est comme si je caressais une armoire".
Il m'a également sorti des phrases telles que : "Tu vas pas me faire croire qu'on peut toujours être amoureux d'une personne sans bras ni jambes, on pourrait plus rien faire à part discuter, on pourrait même pas la caresser".
Je me suis sentie si mal. Au tout début de notre relation, cet homme me disait qu'il me trouvait très intéressante et qu'il aimait discuter avec moi et cela me rendait folle de bonheur. Après avoir été rejetée pendant tant et tant d'années, comment ne pas être comblée de bonheur quand une personne aime discuter avec nous et nous montre qu'on a de la valeur ?...
Mais là, tout volait en éclats. J'avais le sentiment qu'il aimait juste mon corps, et non pas moi. Juste ma jeunesse. Il me le répète souvent : il ne peut pas se mettre en couple avec une personne de son âge (il a 71 ans à présent), car les femmes de son âge ne sont pas attirantes. Il n'accepte pas son âge, il n'accepte pas de vieillir.
En restant presque 24 H / 24 avec lui, j'ai également découvert sa personnalité. Son masque est tombé. J'ai découvert que derrière l'homme qui passait son temps à me faire rire l'année dernière se cachaient beaucoup de parts très sombres. C'est un homme très colérique, atteint du syndrome de Diogène et qui a eu une vie très difficile. C'est un ancien prof qui a été harcelé par ses élèves et il garde de très mauvais souvenirs de l'éducation nationale, il sen plaint très souvent. Il passe d'aillleurs son temps à se plaindre. Il se plaint de tout, absolument tout, jusqu'aux choses les plus futiles : il se plaint des chiens qui aboient, du prix du lait, de son ex-copine qui la prend pour son serviteur, bref de tout, TOUT...
C'est un éternel insatisfait. Il est très malade psychologiquement : il récupère tout ce qu'il trouve dans la rue pour l'entasser chez lui. Il ramasse des tonnes de livres pour ne jamais les lire et les entasse les uns sur les autres chez lui.
Il a des montagnes de cartons remplis de livres, il doit y en avoir au moins 1 000 voire plus...
Parfois, tout tombe et il pique des crises de colère, il pousse des jurons et c'est très angoissant. En fait, il est invivable et cet homme-là n'a vraiment aucun rapport avec l'homme qui me faisait mourir de rire de juillet à novembre 2019. C'est totalement incompréhensible, aujourd'hui encore j'ai du mal à comprendre. Mais malgré ça, malgré son attitude très déstabilisante, malgré ses insistances sexuelles, malgré ses crises de colère perpétuelle, je suis totalement dépendante affectivement de lui et suis totalement incapable de partir. Même lorsqu'il avait insisté pour coucher avec moi jusqu'à me faire pleurer, je continuais encore à m'inquiéter pour sa santé et continuais encore et encore à aller sonner chez lui sans arrêt. Oui, je suis retombée dans une très grave dépendance affective vis à vis d'un homme que j'avais juste croisé dans la rue le 27 mai 2019 et avec qui j'avais eu une simple discussion banale...
J'ai passé l'année 2020 à subir ses colères, ses insistances sexuelles, ses attouchements et à m'occuper de sa santé. C'est moi qui lui ai prêté mon téléphone pour qu'il appelle l'hôpital, je lui ai fait des photocopies de ses examens, j'ai demandé conseil aux spécialistes sur ce qu'il devait faire ou ne pas faire etc. C'est très épuisant, très déstabilisant, mais il m'était impossible d'agir autrement et de tout laisser tomber pour me retrouver dans le vide total, dans le néant absolu...
Toute cette histoire est de surcroît survenu en même temps que la pandémie de coronavirus... Lors du premier confinement, nous passions nos journées ensemble du matin au soir (nous n'avons pas besoin de sortir pour nous voir car nous habitons sur le même palier, c'est donc presque comme si nous vivions dans la même maison).
Bref, cette histoire m'a énormément troublée et me troube encore. Je me suis posée beaucoup de questions et m'en pose encore : avait-il tout prémédité ? Etait-il un pervers qui a voulu abuser de moi ? M'a-t-il parlé exclusivement pour mon physique, juste parce qu'il me trouvait belle et dans aucun autre but ?
Une amie rencontrée sur un forum m'a dit "Ton voisin n'est pas un pervers qui a voulu abuser de toi, vous vous êtes juste mal compris".
Je pense qu'elle a raison, parce que malgré ses gestes déplacés et malgré son attitude, aujourd'hui mon voisin ne me fait plus rien. Il ne me touche plus et continue tout de même à vouloir me voir. Il m'a offert un tigre en peluche et des chocolats pour Noël. Un vrai pervers ne serait-il pas plutôt passé à l'acte ? Cela dit, je reste troublée par cette histoire et je me sens aussi coupable.
Une connaissance de mon voisin à qui j'ai raconté mon histoire m'a même dit que c'était de ma faute car je n'avais pas à me mettre nue devant lui. Il m'a également dit : "T'as de la chance d'être tombée sur lui, parce qu'avec un autre homme tu serais passée à la casserole direct".
J'ai également fait la très mauvaise erreur de raconter cette histoire à mon ex-sophrologue en pensant qu'elle me soutiendrait. L'automne 2020 a été un véritable cauchemar, pire encore que le début.
Mon ex-sophrologue m'a dit que tout était de ma faute.
Voici un extrait de notre conversation datant du 14 septembre 2020 :
- Et si il m'avaitviolée ?
- T'aurais eu que ce que tu méritais.
- Donc ça aurait été de ma faute ?
- Ah oui, oui, ça aurait été de ta faute. Tu chauffes un mec, tu l'allumes, après tu peux plus dire non, faut assumer. T'avais envie de lui prendre la main, de lui faire des câlins, faut assumer. C'est comme les femmes qui vont dans la chambre d'un homme puis qui portent plainte parce qu'elles ont été violées : ben c'est de leur faute, elles n'avaient qu'à pas aller dans la chambre d'un homme".
Ses propos ont été d'une extrême violence. Et après m'avoir sorti ça, elle m'avait demandé de continuer ma peinture comme si de rien n'était. Je me suis sentie très mal et suis sortie de cette visite soi-disant "amicale" en pleurant.
J'étais contente d'avoir trouvé une amie. Cette ex-sophrologue était l'une de mes seules amies, l'une de mes seules relations sociales. J'étais heureuse de la voir et de faire de la peinture avec elle. J'aimais beaucoup nos séances de peinture les Lundi après-midi. Mais là, j'y ai mis un terme définitif tant ses propos m'ont choquée.
Je me sens coupable, oui, mais de là à dire que j'aurais mérité d'être violée, c'est très effrayant...
Je ne l'ai plus jamais revu et mes moments de peinture et de détendre du Lundi après-midi ont définitivement disparu.
Je continuais cependant à aller voir Jacques au parc. Nous faisions tous les jours des mots croisés, le midi et le soir. Il me demandait souvent si j'avais des grilles. Cela me détendait de sortir pour le voir et discuter avec lui. Cela me détendait de faire des mots croisés avec lui. Et lui aussi, il aimait ça, c'était cool.
Malheureusement, puisque le sort ne cesse de s'acharner sur moi au fil des années, cela n'a pas duré...
Jacques m'avait commandé une lampe en forme d'escargot pour me faire plaisir pour mon anniversaire, mais je ne l'aurai jamais.
Le 23 octobre 2020, mon voisin a fait un troisième AIT et a été à nouveau hospitalisé pendant 10 jours. Cela été terrible.
Deux jours après son entrée à l'hôpital, j'avais dit à Jacques que mon voisin était à l'hôpital et j'avais même ajouté : "Toi t'y es pas à l'hôpital" pour rigoler.
Jacques m'avait répondu "Hey oh, tu vas pas m'engueuler parce que je suis pas à l'hôpital !"
Je lui avais répondu "c'est pas ce que je voulais dire".
Hélas, j'ai dû porté malheur à Jacques, parce qu'à peine, quelques jours plus tard, Jacques est lui aussi entré à l'hôpital suite à une occlusion intestinale. Je me sens coupable et j'ai le sentiment que c'est de ma faute parce que je lui ai dit ça, c'est terrible.
Pourtant, avant son entrée à l'hôpital, Jacques semblait en pleine forme. Jamais il ne se plaignait de douleurs. Pour son âge, 85 ans, il marchait même beaucoup et sans canne. Jacques avait même dit à notre médecin de famille que je disais de lui qu'il était en meilleure santé que mon père (qui a 20 ans de moins que Jacques) .
A peine quelques jours avant son entrée à l'hôpital, j'étais au téléphone avec mon voisin dans la rue quand soudain, j'avais aperçu Jacques. J'avais passé le téléphone à Jacques et mon voisin avait dit à Jacques qu'il devait passer des examens. Jacques lui avait répondu "tu vas les réussir". C'est la dernière fois qu'ils se sont parlés.
Je n'avais pas de grilles de mots croisés sur moi, j'étais donc remontée en chercher une et puis j'étais redescendue. Jacques m'attendait en bas pour faire des mots croisés avec moi. Nous étions ensuite allés au parc et nous en avions faits. Il semblait aller très bien, c'est incompréhensible. J'ai le sentiment que c'était hier dans ma tête. Je revois même la scène comme si elle s'était produite il y a moins d'une minute.
Malheureusement, il est arrivé un immense malheur à Jacques. Lorsque j'ai su qu'il avait été hospitalisé, j'ai appelé le service et la personne au téléphone m'avait dit qu'elle n'avait pas le droit de donner de renseignements, que seule la personne de confiance (en l'occurence sa femme) avait le droit de savoir. J'avais quand même demandé si c'était grave, on m'avait répondu "Son état est stable", donc je gardais espoir. J'avais demandé à la personne "vous pourrez lui dire que j'ai appelé ?" et on m'avait dit oui.
Mon voisin et moi étions allés ensuite voir sa femme. Elle nous avait dit qu'il avait été opéré suite à son occlusion intestinale, mais que son opération s'était très bien passée, qu'il avait bu son potage et qu'il devrait sortir en fin de semaine. Nous avions donc espoir. Il est en effet sorti au bout d'environ deux semaines d'hospitalisation, mais il ne sortait plus. On ne le voyait nulle part, ce qui est très mauvais signe car ce n'est pas du tout dans ses habitudes de ne pas sortir...
Nous étions retournés frapper chez lui le 25 novembre et nous avions demandé comment il allait. Sa femme nous avait ouvert et nous avait dit "il est mal en point". Elle était quand même allée lui demander si il voulait nous voir, ce à quoi il avait répondu non. Elle était ensuite revenue nous voir pour nous dire : "Non, il est fatigué, il a été opéré quand même. Son médecin passe le voir demain".
Nous étions repartis en espérant que le médecin le soigne et le soulage. Malheureusement, puisque le sort ne cesse de s'acharner, le pire est survenu 5 jours plus tard, le 30 novembre 2020.
C'est la factrice qui nous l'a annoncé. Elle était venue sonner chez nous (je veux dire chez moi et mes parents car je vis chez mes parents) le 2 décembre pour nous offrir des calendriers et elle avait en même temps parlé de la pandémie. Elle nous avait dit : "Personne s'y attendait à un truc pareil... On a eu des pertes... Hier encore, on a perdu un monsieur de 85 ans, Jacques... J'ai vu le cercueil..."
Et voilà, à 26 ans, encore un énième drame qui s'abat sur moi, encore un mort...
Après des années de harcèlement scolaire, de dépression, d'hospitalisations en psychiatrie et de dépendance affective, après des années à souffrir d'une maladie chronique des intestins, après avoir perdu ma mamie et de mon cousin, après que mon ex-sophrologue m'ait dit que je méritais de me faire violer, après un an à avoir été angoissée par les problèmes de santé de mon voisin, voilà qu'on m'annonce la mort d'un de mes seuls amis...
Oui, même s'il avait 85 ans, même si nous avons 60 ans d'écart, il fait tout de même partie de mes seuls amis car je n'ai pas d'amis, je suis isolée socialement. Si l'année dernière, mon estime de moi ne cessait d'augmenter grâce à mon voisin, ma sophrologue et Jacques, cette année c'est tout l'inverse et c'est de pire en pire...
J'ai le sentiment que toutes les personnes que j'aime meurent une par une, ou qu'on vit pour voir les personnes qu'on aime mourir une par une...
Je suis hantée par la mort et je vois des défilés de cercueils dans ma tête. Je suis accro à mon voisin comme un bébé est accro à sa mère, même s'il m'a fait du mal, même s'il est colérique, même s'il se plaint de tout. Et dès qu'il ne m'ouvre pas la porte, je fais des crises d'angoisse terribles, j'ai des palpitations cardiaques et me mets à pleurer en imaginant le pire. Le pire qui vient de survenir pour Jacques...
Ma mère m'a déjà vu en crise et m'a dit "T'as 2 ans ou quoi ?" comme si elle ne connaissait pas mon parcours de vie...
J'avais acheté des grilles de mots croisés pour en faire avec Jacques. Elles ne serviront plus à rien maintenant.
Jacques m'avait commandé un cadeau pour mon anniversaire à 22 euros, il ne me l'offrira jamais.
Et des tas de questions tournent en boucle dans ma tête. Pourquoi l'ont-ils laissé sortir de l'hôpital puisqu'il est mort après ? Et s'il était si mal en point en rentrant chez lui, pourquoi ne pas l'avoir ramené à l'hôpital ?
D'après sa femme, Jacques était très faible et dans les jours qui ont précédé sa mort, il ne voulait plus rien manger et dormait très mal. C'est elle qui le lavait. Quand elle lui demandait de faire quelque chose, même simple, il répondait "je ne peux pas". Elle dit qu'à la fin, il pouvait à peine parler, il n'avait plus la force de parler... comme ma mamie en fin de vie. Cela m'a replongé dans d'atroces souvenirs.
Le lundi 30 novembre, sa femme a essayé de joindre le médecin, mais elle n'arrivait pas à l'avoir. Elle est entrée dans sa chambre et a vu que Jacques avait les yeux levés au ciel et ne bougeait plus. Elle lui a fait un massage cardiaque... en vain. Les pompiers sont arrivés et n'ont pas pu (ou pas voulu ?) le sauver. Sa femme nous a dit que les urgentistes avaient dit : "Ecoutez Madame, votre mari il a 85 ans, il a bien vécu, on va pas le réanimer, ça serait de l'acharnement thérapeutique". Qu'est-ce que ça signifie, au juste
"Il a 85 ans, il est vieux, il peut crever"
Pourtant, elle nous avait dit qu'ils avaient senti un pouls...
Je ne comprends pas et je ne comprendrai jamais. Aujourd'hui, Jacques est mort et enterré (dans le même cimetière que ma mamie) alors qu'il y a à peine quelques semaines, il était vivant, en chair et en os, à côté de moi... ça n'a aucun sens.
Il s'appelait Jacques Duclos et il vivait dans la rue Jacques Duclos, et ce n'est pas une blague...
Jacques n'est ni mon père, ni mon grand-père, ni mon oncle. Jacques ne fait pas partie de ma famille et il était encore un pur inconnu pour moi l'année dernière. Mais je pleure sa mort comme s'il était un membre de ma famille. J'ai perdu un de mes seuls amis. Je suis hantée. J'ai 26 ans et j'ai déjà perdu trois personnes très proches.
Je suis très troublée.
Ai-je 26 ans ou 70 ? Je ne sais pas...
Je me sens très différente et extrêmement éloignée des jeunes de mon âge qui n'ont pas connu le harcèlement scolaire, la dépendance affective, l'enfer psychiatrique, la perte d'un ou de plusieurs êtres chers, la maladie chronique... et encore bien moins le TOUT en même temps et de surcroît à plusieurs reprises...
J'ai le coeur arraché, déchiré, je suis complètement détruite, démolie. Et la maladie, sournoise, est encore là et me détruit aussi. J'ai mal à la tête, mal à l'estomac, mal partout.
Et je ne veux surtout pas qu'on me parle de psys, parce que j'ai vraiment le sentiment réel que toutes les personnes que j'aime meurent pour être remplacées par des psys et des médicaments...
J'ai d'ailleurs été gavée d'innombrables antidépresseurs et neuroleptiques pendant plus de six ans consécutifs : Zoloft, Tercian, Atarax, Risperdal, Lexomil, Citalopram, Xeroquel, Norset, Prozac, Seroplex, Abilify, Xanax, Laroxyl, Sulpiride et j'en oublie peut-être...
Dès l'âge de 13 ans, j'étais gavée de Zoloft tous les matins et de Tercian trois fois par jour. Je me demande d'ailleurs si toutes ces saloperies qui n'ont jamais amélioré mon état mental n'ont pas bousillée mes intestins. Il faut savoir que l'intestin est le deuxième cerveau...
Mon ancienne prof était persuadée que j'allais la voir dans le but qu'elle m'aide. Elle me rejetait en me disant "moi j'ai fait ce que j'ai pu pour toi", "je suis pas là pour ça" etc. Son mari m'avait même dit "ma femme elle est pas psychologue". Lui aussi était persuadé que je demandais de l'aide à sa femme et que je la prenais pour ma psy. Mais ce n'était pas du tout le cas, ça n'avait même jamais été le cas. Je recherchais juste une amie, quelqu'un qui m'estime et qui pense que j'ai de la valeur.
Je n'ai jamais demandé d'aide à Jacques, jamais. Il détestait d'ailleurs parler de choses sombres et il était content de me voir sourire. Je ne lui ai quasiment jamais raconté ma vie. Nous étions amis, nous nous étions apprivoisés comme le petit prince et le renard. Je ne lui ai quasiment jamais raconté le moindre de mes problèmes et nous avions juste plaisir à rire, discuter et faire des mots croisés.
Non, je ne recherchais pas d'aide, je recherchais des amis, des gens qui m'estiment. J'en avais trouvé un, mais il m'a fait le même sale coup que mon cousin.
Je suis totalement hantée et obsédée par la mort. Je me demande même à quoi rime la vie puisqu'on finit tous enfermés dans une boîte, ça n'a pas de sens. Jacques lui-même m'avait dit qu'on devrait demander aux personnes si elles veulent venir sur Terre avant de naître, il avait même écrit un très beau poème à ce sujet.
Peut-être est-il mieux là où il est, mais on ne peut pas le savoir... Ce qui est terriblement cruel avec la mort, c'est qu'on ne peut même pas savoir si nos défunts sont biens là où ils sont. Si une personne qu'on aime part au bout du monde et qu'on ne peut pas la voir, ce sera peut-être dur, mais au moins, on peut l'appeler et savoir si oui ou non elle va bien.
Mais il n'existe ni mail ni téléphone de l'au-delà. Il n'existe rien. Rien du tout. Je me souviens d'un sketch de Florence Foresti où elle imitait quelqu'un dire à propos d'un défunt "il est mieux là où il est", et puis elle imitait ensuite une autre personne lui répondre "Ben qu'est-ce que t'en sais ? Il t'a pas envoyé de carte postale".
Et pour le coup, c'est vrai. Pas de cartes postales, pas de lettres, pas de coup de téléphone émanant de l'au-delà. Pas le moindre contact. Rien. Si nos défunts vont très mal, on ne peut même pas le savoir. La mort, c'est le vide, le néant total pour les vivants.
Certains disent qu'après la mort, il y a le néant. Pour moi, ce sont surtout les vivants qui sont dans le néant...
Et je vis dans une peur et une angoisse permanente, la crainte de perdre ceux qui restent. Ma mamie n'est plus là, mon cousin n'est plus là, Jacques n'est plus là. Ils m'aimaient, je les aimais, je les aime encore, mais ils ont disparu à jamais. Les gens qu'on aime disparaissent. En revanche, l'hôpital psychiatrique dans lequel j'ai vécu l'enfer en décembre 2012 est toujours là. Les psys qui m'ont droguée de 50 gouttes de Tercian jusqu'à ce que je fasse les pires malaises de ma vie et que je m'écroule dans les couloirs sont encore là. Les gens que j'aime vont tous disparaître un à un, mais l'hôpital psychiatrique ne disparaîtra jamais, il sera toujours là. C'est aussi cette pensée qui est absolument terrifiante.
Rien ne remplace l'amour, rien ne remplace les amis, rien remplace ceux qu'on aime.
Mon conte de fées de l'été et de l'automne 2019 est mort. On ne rira plus tous les trois avec Jacques. Même quand on retrouve le bonheur après avoir vécu un ou plusieurs atroces malheurs, ce bonheur disparaît à son tour et le malheur réapparaît, donc cela n'a strictement aucun sens...
J'ai 26 ans biologiquement, plus de 70 ans mentalement. Et même physiquement, parce que je suis très malade, mes intestins sont moisis.
Oui, plus le temps passe, plus le sort s'acharne...