Auteur Sujet: Perte de mon fils et de mon compagnon à 2 mois d'intervalle  (Lu 12171 fois)

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ARIANA9056

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Bonjour à tous. Je viens sur cette page pour essayer de trouver quelqu'un qui aurait vécu les mêmes drames que moi, afin de partager nos douleurs et trouver des moyens pour y faire face.
Au début de l'été 2013, mon fils de 23 ans s'est suicidé. Ce fut un raz-de-marée dont je n'aurais pas imaginé me remettre.
 2 mois plus tard, mon compagnon (qui n'était pas le papa de mon fils) a lui aussi mis fin à ses jours.  L'impossibilité pour mon fils de continuer à porter le monde sur ses épaules et sans doute, une prise de conscience qu'il ne parviendrait pas à faire changer notre monde qui ne cultive que la réussite sociale et le mercantilisme, ont fait qu'il a, ce soir là, baissé les bras. Dans sa lettre d'adieu, il a crié tout son désespoir de ne pas parvenir à continuer à vivre, car il n'en pouvait plus. Probablement, un esprit bien plus âgé et expérimenté habitait son âme, en tout cas, qui n'avait pas les 23 ans de son jeune corps.
Mon compagnon, médicamenté à outrance suite à une dépression dont il ne parvenait pas à voir le bout, n'a pas pu  trouver la force de m'épauler dans la perte de mon fils, et le chagrin immense que son décès lui a causé à lui aussi, a fait qu'il a descendu la pente pendant 2 mois, espérant sans doute qu'il parviendrait à m'aider. La dure réalité l'a un soir lui aussi, saisi , et il a franchi le pas.
Là, j'ai bien cru mourir de douleur. Je me suis relevée et j'ai fait front pour ma fille,  le papa de mes enfants, ma très nombreuse famille et des amis impossibles à compter. Etant déjà un peu dans les énergies, la relaxation, les fleurs de Bach, les séances d'EMDR...., j'ai pu utiliser tout ce qu'il m'était bon pour ne pas me diriger vers  les médicaments-oubli.
La 1ère année de ces deux deuils, je l'ai vécue un peu comme dans un nuage.  Enormément entourée, famille, collègues, amis, voisins, j'ai survécu. Pour exorciser cette douleur que je qualifierais d'insurmontable, j'ai commencé à écrire un livre, pour parler du suicide, pour nous souvenir de tous les 2, pour  tâcher de comprendre et surtout de pardonner. Nombre d'amis de mon fils sont encore, 20 mois plus tard, abasourdis et anéantis par son départ, car il avait un grand charisme et était très aimé. La 2ème année qui a commencé depuis quelques mois, m'a plongé dans un désespoir bien plus grand que la première. Une raison toute simple  : pour tous ceux qui m'ont tant entourée, la vie a repris son cours, normal pourrait-on dire, alors que pour moi, elle ne le sera jamais plus. En même temps que j'ai compris cela, j'ai compris qu'il fallait que j'adopte une nouvelle philosophie de vie, que j'apprenne à ne compter que sur moi, et que, surtout je commence à m'aimer et sans doute, à me pardonner. J'ai réagi car je sentais que je descendais la pente à vitesse grand V et sans dire que je me serais suicidée, je suis assez lucide pour avoir senti  que si je ne faisais rien, la vie allait devenir compliquée pour moi. Le chagrin immense qui est le mien, ainsi qu'un désespoir sans nom font qu'il est devenu urgent pour moi de changer de vie. Et c'est ce à quoi je m'emploie.  Epaulée de mes meilleurs amis qui me guident, je me dirige vers la méditation, la spiritualité,  j'ai pris beaucoup de recul avec la vie qui était la mienne, avant la perte de mes 2 amours . Je vis aussi quelque chose d'étrange : le sentiment de me regarder vivre, aller au travail, manger, dormir... comme si j'étais sortie de mon corps. La thérapeute qui m'a suivie m'a dit que c'était là un phénomène normal, que mon cerveau mettait en place pour ne pas mourir de douleur et ainsi, analyser avec un recul tout à fait bénéfique, une situation qui pouvait être celle de tas d'autres personnes.
Voici pourquoi j'aurai grand plaisir à vous lire, vous qui avez vécu comme moi, 2 deuils de personnes  proches qui faisaient partie de votre vie, à si peu de temps d'intervalle.
Dernière confidence,  positive : bien évidemment, on ne se remet jamais de la perte de la chair de sa chair, mais au moins, devons-nous tout faire pour permettre à leur âme de s'envoler . Les torrents de larmes que je verse encore quotidiennement me le rappellent tous les jours et je sais qu'il faut que je les imagine désormais tous les deux autrement. Par exemple, à côté de moi, en train de sourire quand je fais quelque chose qui les amusait et peut-être même, en train de se fâcher quand quelque chose leur déplaisait ! Bref, la vie, somme toute, la vie encore et toujours.
Merci, à vous lire.

Hors ligne Mamoure

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Re : Perte de mon fils et de mon compagnon à 2 mois d'intervalle
« Réponse #1 le: 20 mars 2015 à 22:15:29 »
Bouleversant témoignage, Ariana , je ne peux rien dire de plus ce soir...

Hors ligne Eva Luna

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Re : Perte de mon fils et de mon compagnon à 2 mois d'intervalle
« Réponse #2 le: 20 mars 2015 à 22:39:09 »
Je n'ai perdu que ma fille... et pas de suicide.. alors je ne peux pas partager ton drame multiplié par la répétition...
je connais une partie de ce que tu vis... une petite partie seulement...le dédoublement par exemple m'a longtemps protégée de trop de douleur inhumaine écrasante...
Juste t'encourager dans l'écriture de ton livre...ça aide..... je te lirai bien volontiers...
A bientot de te lire....

Hors ligne Mamoure

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Re : Perte de mon fils et de mon compagnon à 2 mois d'intervalle
« Réponse #3 le: 21 mars 2015 à 06:32:18 »
Ariana,
 je vis 2 deuils mais complétement différents des tiens
mon conjoint et son fils , tous les 2 , ensemble , dans 1 accident
je ne raconterais pas mon état lorsque c'est arrivé , de toutes façons , il n'y a pas de mots
mais très vite j'ai compris que je n'arrivais pas à assimiler les 2
mon conjoint , l'homme de ma vie n'est plus là , ma vie à moi complétement détruite
mes enfants , notre famille, le couple, les projets....tout explose , éparpillé en mille morceaux, tout explose en 5 minutes
j'ai mis beaucoup , beaucoup de temps à comprendre qu'il ne reviendrait pas (ai-je vraiment compris encore ? pas si sûr)

quant au petit , ce n'était pas mon fils mais je l'aimais profondément , il a fait partie de ma vie , pendant presque 9 ans
petit garçon de 7 ans quand il est entré dans ma vie , adolescent quand il nous a quitté
il ne vivait pas avec nous mais 1 WE/2 et la moitié des vacances...est-ce pour cela que je n'ai pas compris?
son absence n'a pas bouleversé mon quotidien puisqu'il n'était pas là au quotidien...
ou bien , Est-ce simplement parce-que 2 à la fois , je ne pouvais pas...?

je me souviens d'un jour au mois de décembre où , en rentrant du travail, submergée par la douleur , je m'arrête chez mes parents, j'arrive chez eux , en larmes et je leur dis :"Lulu est mort , Lulu est mort.." exactement comme si on venait de m'apprendre la nouvelle....c'était 3 mois après l'accident
je pense à lui , chaque jour qui passe mais je pense à lui comme si il était encore là
de temps en temps , j'ai comme un flash , où je me dis , lui aussi , il est mort , je le répète encore et encore mais mon cerveau ne l'a pas encore assimilé...

Hors ligne Ludmilla 31

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Re : Perte de mon fils et de mon compagnon à 2 mois d'intervalle
« Réponse #4 le: 21 mars 2015 à 09:24:18 »
Ariana ,je ne peux me comparer ,mais je comprends quand tu parles des énergies ,spiritualité ,moi j'avais passé mon 1 er degré de reïki ,et ayant eu des signes depuis le décès de mon fils ça m'a encouragé à poursuivre ,bonne continuation et je te lirai également lors de la parution de ton livre ,et d'accord avec toi malgré toutes les personnes autour de nous ,on se sent très seule ,comme quoi un seul être vous manque et tout est dépeuplé ,bon courage .

ARIANA9056

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Re : Perte de mon fils et de mon compagnon à 2 mois d'intervalle
« Réponse #5 le: 24 avril 2015 à 08:41:14 »
Merci à vous qui m'avez laissé vos témoignages. Je suis très émue en les lisant, même si vos pertes sont différentes des miennes, nous savons tous que chaque perte est unique, quelle qu'elle soit.
Je prendrai le temps, à intervalles réguliers, de consulter vos réponses et mettrai beaucoup de plaisir à échanger avec vous tous.
Les choses doivent se faire en leur temps, il n'est pas nécessaire de les brusquer, dès l'instant où l'on a une foi inébranlable en la vie,  on est déjà sur le bon chemin... J'ai pris l'habitude de dire que mes parents ont eu l'extrême amour de me donner à ma naissance cette soif de vivre et cette énergie sans bornes qui me caractérisent et depuis toujours sans doute. Mon propos à moi, est bien de ne pas m'y brûler les ailes, en croyant que je peux tout surmonter.  Et si ma route a croisé celle de tous ceux qui m'ont aidés, ce n'est pas par hasard, c'est tout simplement parce que j'étais "prête" pour recevoir tous leurs conseils, leurs énergies.
Depuis quelques temps, je revois à nouveau des signes, alors que pendant de longs mois, je ne ressentais plus rien. Je retrouve des gens que j'ai connu il y a fort longtemps mais dont j'avais perdu tout à fait la trace. J'ai noué des amitiés avec des voisins alors que nous étions ignorants les uns des autres depuis  que nous habitons dans le même quartier.
Autre message fort : mon fils faisait de l'escalade avec 2 de ses meilleurs amis qui l'avaient initié à ce sport. Hier au soir, je me suis rendue dans ma ville natale, où était diffusé le film qu'ils ont fait et qui a été primé, dans le cadre du festival du film de montagne. Ses 2 amis donc, sont partis 3 mois, l'été dernier, en Bolivie et au Chili, afin de vivre leur passion et escalader des sommets de + de 6 000 m. Ce fut un moment très émouvant, car l'évocation d'Elyan, de façon très pudique et très discrète, semble les avoir véritablement portés au sens fort du terme, lors de leur périple, donc on comprend bien  qu'il était périlleux. Point d'orgue final, et c'est l'image de mon petit que nous retiendrons à jamais : parvenus au sommet  le plus haut (6 400 m), ils ont déposé dans la neige une photo d'Elyan et  le film se termine avec le panneau "Salut  l'AMI" !
Ils nous ont expliqué que tout au long de leurs ascension, et notamment  la dernière qui était la plus difficile, ils n'avaient qu'Elyan en tête et voulaient réussir pour lui, car il aurait tellement voulu être avec eux. Leur commentaire "celui-là, on l'a fait à 3"  pour nous, vaut tout l'or du monde.
Voilà pourquoi j'aime la vie, pour des moments forts comme ceux-là, d'une intensité et d'une émotion presque insupportable et qu'il nous appartient de faire vivre au quotidien....
Je vous souhaite à vous, dans vos douleurs respectives, d'avancer comme j'avance, d'avoir cette envie de vie,  pour vous permettre de le faire et n'oubliez jamais que le soleil se lève toujours après la nuit !

Hors ligne Monangesaveriu

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Re : Perte de mon fils et de mon compagnon à 2 mois d'intervalle
« Réponse #6 le: 12 juillet 2015 à 21:50:48 »
bonsoir Ariana
Mon fils ainé  s'est donné la mort le 30 mai 2011.
Ma mère vivait avec moi depuis avril 2004. Elle n'a pas supporté le suicide de mon fils, s'est laissée aller et est décédée le 1er septembre 2011
Je n'ai pas pu aider ma mère lors du décès de mon fils, j'étais fracassée et je ne pouvais  pas me charger du chagrin de ma mère en plus du mien.   Il en allait de ma propre survie. Aujourd'hui je regrette tellement de ne pas avoir été  la hauteur. je sais que ma mère a compris. Elle savait que je l'aimais.
 J'ai tellement pleuré mon fils que je n'avais presque plus de larmes pour ma mère
Il est dans l'ordre logique que les parents partent  avant les enfants et surtout les petits enfants.
Mais quel que soit notre âge,  on se sent orphelin  lorsque l'on perd un parent. Deux deuils si proches et si rapprochés, c'est si difficile à vivre  l'un prend le pas sur l'autre . moi j'ai l'impression d'avoir "survolé"la mort de ma mère , d'avoir étouffé ce chagrin car j'étais incapable de faire face à ces deux deuils en même  temps.

Hors ligne comment_faire

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Re : Perte de mon fils et de mon compagnon à 2 mois d'intervalle
« Réponse #7 le: 18 juillet 2015 à 12:37:52 »
Je souhaite répondre même si mon vécu ne correspond que de loin à ce que vous toutes venez d'écrire.
En fait ma réponse sera une question, lancée comme un appel dans l'infini de l'univers :
Nous qui sommes des humains, pourquoi devons-nous vivre l'inhumain ?? Quelqu'un trouve-t-il une logique là-dedans ?
BE (homme)

fleurdecoton

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Re : Perte de mon fils et de mon compagnon à 2 mois d'intervalle
« Réponse #8 le: 19 juillet 2015 à 16:30:49 »
Peut être parceque il y a qq chose d'autre au dela de la mort ...

Hors ligne stellarose

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Re : Perte de mon fils et de mon compagnon à 2 mois d'intervalle
« Réponse #9 le: 24 juillet 2015 à 15:29:43 »


J'ai perdu mon fils et mon unique frère  à  11 mois d'intervalle, ma mère, son petit fils et son fils du même  coup. Elle m'a souvent répété  que la mort de son petit-fils avait supplanté  la mort de son fils, qu'elle n'avait plus de larmes pour lui.
Je réalise  seulement cette année  que ça  dû  être  très  dur pour elle, ne pas pouvoir pleurer son fils, son enfant, alors que moi j'ai  pu le faire.

L'âge  étant  là  il lui a paru tellement injuste que mon fils à  30 ans décide  de quitter ce monde, alors que mon frère  luttait contre un cancer à  12000 kms d'ici et qu'il mentait pour la rassurer sur son état  de santé.
Il y a tant d'histoires qui se ressemblent, tant de culpabilité  de n'avoir pas été à  la hauteur, mais on ne peut pas humainement  vivre deux deuils en même  temps ??
Pourtant, je pense  toutes ces familles dont parfois il ne reste qu'un  seul survivant....mais comment font -ils pour ne pas sombrer dans la folie ? Comment font-ils, où  vont-ils chercher ce courage, cette force de se relever ?
La foi ? Peut-être.
Un ailleurs, pourquoi  pas ?
L'invisible que nos pauvres yeux d'humains parasités par plein de choses ne voient plus ?

En tous cas, je suis quand même  persuadée  qu'il y a toujoirs un deuil qui prend le pas sur l'autre. Question d'affinités.

Parfois, le décès  de mon frère  revient dans mon esprit et me hante pour la journée  et les mêmes  questions me turlupinent le cerveau : pourquoi  lui et pas moi?  moi qui aurait tant aimé  disparaître  au décès  de mon fils.

Je ne sais pas si je suis d'un grand secours, mais je constate que les deuils coup sur coup sont difficiles à  vivre.

Le plein d'amitié  à  vous toutes.

Hors ligne Mamoure

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Re : Perte de mon fils et de mon compagnon à 2 mois d'intervalle
« Réponse #10 le: 24 juillet 2015 à 18:54:10 »
en plein dans le mille Stellarose...
un deuil prend le pas sur l'autre , j'essaie de lutter contre ça , en vain
comme toi , le décès de Lucas surgit parfois et me hante et , comme toi , je ne cesse de me dire , pourquoi lui et pas moi ?
j'aurais tant aimé partir avec Alain et que ce petit puisse vivre ... quelle injustice