Bonjour,

Six ans après le décès de mon cher et tendre Papa, les larmes continuent à couler sur mon visage.
J'aurais tellement de choses à lui raconter que je ne sais pas par ou commencer...

Je suis en train de faire ce fameux "travail de deuil" aidée par une psy qui m'a vivement recommandé d'écrire une lettre à mon papa.
J'ai deux frères ainés mais je suis la seule fille et la dernière de la famille. Je suis considérée comme un accident (ma mère avait un stérilet). J'ai été opérée à 10 mois d'une hernie à l'estomac, je n'arrivais pas à digérer. Mis à part ce léger problème de santé, rien à signaler, j'ai eu une enfance heureuse. J'ai pleins de bons souvenirs avec mon père : il était très drôle !! J'ai aussi de moins bons souvenirs : il était stricte et dur.  On partait en vacances et il me portait de la plage à ma serviette pour ne pas que je me salisse les pieds. 
Arrivée à l'adolescence, c'était un peu plus compliqué : il est devenu un peu plus protecteur.... Parfois, on se disputait violemment. Parfois, il cessait de me parler.
Malgré cela, nous avons toujours su rester complices et il m'emmenait voir des matchs de foot, avec mes copines et il faisait le clown et mes copines riaient... On faisait des paris aussi, on mettait en jeu des restos ! c'était cool.
Mon père faisait partie de ces gens justes, il ne disait jamais du mal de personne. En public, il ne disait jamais un mot plus haut que l'autre. C'était un mec bien, de ceux dont on peut rêver en étant jeune fille...
Il m'a toujours soutenu, toujours aidé, il était toujours là pour moi ! Il savait trouver les mots pour me conseiller, m'apaiser !

Puis, il s'est plaint de la gorge, il n'arrivait plus à avaler ! Et, le couperet est tombé, ce sera un cancer de l’œsophage. Opération, chimio, rayons.... 6 mois plus tard et environ 20 kg en moins, il était en rémission. Quel bonheur !
Contre toute attente, 6 mois plus tard, un kyste au nombril ne lui laissera pas de répit et seulement un mois pour nous dire au revoir (ce qu'il ne fera jamais parce qu'il n'était pas comme ça).
Je me souviendrais toute ma vie l'appel de l'hôpital à 5h du mat pour nous dire qu'il avait trop mal et que son corps l'avait fait rentré dans le coma. J'ai passé ma matinée avec lui, il avait du mal à respirer, le pauvre ! La vérité est que ce fut presque un soulagement de savoir qu'il ne souffrait plus....

Ensuite vint les pompes funèbres, le choix du cercueil, l'enterrement et le notaire.... quelle merde !!
Reste aussi le travail de deuil... A ce moment-là, ma mère se comporta comme une femme et me nia le droit au chagrin prétendant que son chagrin était (et est encore) bien plus grand que le mien. Mes frères dans leur deuil à la masculin, et moi toute seule!

Aujourd'hui, loin de ma famille, seule devant mon écran, j'ai les yeux qui brillent pour toi, mon papa.
Cette lettre me fait rappeler de bons moments : tu te souviens quand tu imitais l'accent africain ? tu te souviens quand tu imitais cette minuscule femme au volant qu'on voyait à peine ? tu te souviens quand tu riais à gorge déployée quand tu voyais un africain danser du popotin ? tu te souviens quand tu as cassé le fauteuil du salon en sautant pendant un match de foot ? tu te souviens quand tu m'as frappé parce que j'avais mal fermé la porte-fenêtre ? tu te souviens quand tu taillais la haie et que tu es tombé et que Maman riait très fort? tu te souviens quand tu es tombé dans le trou de la piscine ? tu te souviens quand tu me disais que j'étais belle...
Papa, ce que je ne sais pas et je n'ai jamais su avec toi, c'est si tu es fier de moi. Quand tu es parti, je n'avais pas encore prit mon indépendance, j'étais encore une petite fille. Maintenant, c'est différent, je suis partie loin... Je ne sais pas exactement pourquoi : pour te prouver que j'en étais capable ? pour fuir cette vie sans toi, ta femme ?  pour fuir ta mort et tenter d'oublier ou de me reconstruire ? Je ne sais pas !
Ce que je sais c'est que tu m'a laissé, tu nous a laissé, et en moi, je sens un grand vide sans toi ! a qui puis-je demander conseil maintenant ? Qui me fera ces bisous si tendres sur le front ?
Tu sais depuis que tu n'es plus là, c'est compliqué... Personne ne m'a épaulé pour faire face à ton absence, je crois qu'on a tous beaucoup souffert. (Au fait, Nico a une copine, ils ont renové une vieille baptisse, je crois qu'ils vont avoir des enfants !) Maman a été une connasse, elle a toujours pleuré plus fort que moi, elle ne m'a jamais consolé, elle ne m'a jamais serré fort dans ses bras, elle n'a jamais pleuré avec moi, elle a toujours pleuré plus fort que moi... elle elle avait plus mal que moi, moi j'ai juste perdu mon père, c'est pas comme si on n'en avait qu'un...  Ca doit pas être facile à vivre pour elle, non plus... Puis, Audrey est arrivée et Maman l'a préféré à moi... Lionel dit que Nicolas est le chouchou de maman. Du coup, j'ai déménagé à Madrid, j'y habite depuis plus de 3 ans Papa, cette ville te plairait. Je bosse pour un labo vétérinaire, je suis commerciale, j'y arrive bien ! Mais, là, Papa, j'ai besoin d'un coup de pouce, fais moi un signe, dis moi quelquechose...
Papa, pourquoi t'es parti si tot ? pourquoi tu m'as laissé, comment je fais moi maintenant sans toi ? Pourquoi tu t'es pas battu ? pourquoi tu n'a pas plus lutté ?
Papa, moi je ne peux plus, je ne peux pas sans toi, je veux que tu reviennes,....

Merci de m'avoir répondu...
Oui, c'est difficile d'être seule dans un deuil. Je crois qu'on a tous tellement souffert qu'on s'est tous recroquevillés sur soi-même. Je n'ai pas le sentiment d'avoir été ni d'être épaulé.
Oui, je suis triste, en colère et parfois nostalgique, mais d'autres frois en y repensant, je me prends des fous rires.

Je ne me permets pas ces "souvenirs vivants" car au début, je pensais à lui et je me disais tiens je vais l'appeler et lui parler de ça... Et, d'un coup, je me prenais une grosse claque, je retombais dans la réalité et je me rendais compte que je pouvais plus l'appeler. Combien de fois ai-je entendu "ce numéro n'est plus attribué" ??

Cette lettre, se remémorer tout cela me plonge dans de profonds souvenirs... Ca fait tellement mal, c'est tellement déchirant.
Puis, viennent les complications : ma mère a trouvé un "mec", mes frères ont continué leur bout de chemin, et moi ? je stagne... comme immobile, comme impuissante...
Ce soir, les larmes ne coulent pas, je ne sais pas pourquoi, j'ai envie de pleurer mais à quoi ça sert ?