bonsoir Stana,
ça fait un peu plus de trois semaines que j'ai perdu mon amour, pas ma moitié comme le disait quelqu'un, mais mon tout. Et chaque jour qui passe je suis plus dévastée que la veille ; et tu vois Stana , les premiers jours j'ai aussi retourné les derniers moments dans ma tête et toute mon interprétation justifiait une culpabilité. Et j'ai compris que ça ne servait à rien, que l'essentiel sont ces moments et cet amour partagés, tant que c'était possible, qu'on ne refait pas le passé et que perdre son amour est déjà terrible, ce n'est pas la peine de se faire encore davantage de mal.
Personne, je pense qui aime son conjoint vraiment et sincèrement, ne peut accepter qu'il va "partir" pour de bon, même si dans notre tête, une petite voix nous le dit quand même. J'ai accompagné Philippe pendant 4 ans, tout au long de ses traitements, et à plusieurs reprises, il était moins une, j'ai eu des frayeurs terribles, et merci : le bonheur, ce n'était qu'un épisode critique, il sortait de l'hôpital, il fallait du temps, et il,remontait la pente ..... jusqu'au dernier épisode en décembre, où il est rentré de l'hôpital "pour mourir à la maison". Et jusqu'à la fin j'attendais le miracle. Donc rassure toi, je pense que c'est un instant de survie pour nous de ne pas anticiper la mort de l'autre ; ce n'est pas possible tout simplement ; l'être qu'on aime tellement, sans lequel la vie n'est pas envisageable, ne peut pas disparaitre. Je suis restée avec Philippe, couchée à côté de lui toute la nuit, à lui parler, à le toucher, à m'endormir par moment contre lui, et c'est quand je me suis absentée de la chambre une vingtaine de minutes et que je suis revenue qu'il est "parti" ; je me suis aussi dit que j'étais stupide de m'être absentée, mais je n'ai pas culpabilisé longtemps, parce que j'ai aussi pensé que ça été plus facile pour lui de "lâcher" pendant que je n'étais pas contre lui à lui dire cent fois que je l'aimais. La douleur est déjà tellement insupportable, qu'il n'est pas utile de se faire des films en ayant des regrets, de la culpabilité ou en voulant refaire l'histoire ; c'est mon avis.
Je suis allée voir mon homme dans la chambre funéraire et ça m'a fait beaucoup de bien. Parce qu'effectivement les personnes qui s'occupent de préparer les défunts, font en sorte qu'ils soient "comme avant" en prennent soin de façon que les gens qui viennent leur rendre un dernier hommage ne soient pas confrontés à une image difficile. Et bien moi, Philippe a été tellement bien "préparé" que j'ai tout de suite compris que ce n'était pas lui, ce n'était plus lui qui était là. C'était son corps, ce n'était que quelque chose de matériel et l'homme que j'aimais, que j'aime encore n'était plus là. Son âme, son esprit, son essence, une autre forme de lui était déjà partie. Et même si aujourd'hui, je voudrais qu'il revienne, qu'il me prenne la main, qu'il me fasse un bisou dans le cou, toute la tendresse qu'il me donnait me manque à tel point que quelquefois j'en ai le souffle coupé, réaliser que la vie n'est plus dans ce corps, me permet aussi de l'espérer ailleurs, dans la lumière, débarrassé de ses souffrances, et me guide de temps en temps sur mon chemin spirituel.
Je pense qu'il est important de faire les choses comme on le sent personnellement, pas pour les autres, ou pour ce que les autres penseraient, mais pour soi, par rapport à son ressenti, à notre histoire avec l'être aimé, même et justement si on a envie de faire les choses pour nous protéger, parce qu'on ne se sent pas capable de faire autrement, c'est toujours dans un instinct de survie.
On ne peut pas refaire l'histoire, et je pense que chacun fait de son mieux, dans des circonstances aussi difficiles.
Je t'embrasse, prends soin de toi
Noëlle