Bonsoir à tous.
Honnêtement ça me fait vraiment bizarre de venir sur ce forum pour parler de ça mais j'ai besoin de parler. Le faire avec mes proches, même s'ils me comprennent, ne me soulage que temporairement. Ca me fera probablement pareil ici mais je pense qu'un avis extérieur peut peut-être avoir un effet... De toute façon au point où j'en suis...
Mon grand-papa était quelqu'un d'important dans ma vie, et à qui je tenais encore plus que je ne l'imaginais depuis qu'il est parti.
Grossomodo, mon père s'est barré sans rien dire et je n'ai plus de nouvelles depuis mes 11 ans. J'en ai 21 en ce moment.
Mon grand-papa a été ma figure paternelle. Avec ma grand-mère, ils me gardaient avec ma soeur quand ma maman bossait. à chaque repas je les voyais, je dormais plusieurs fois par semaine avec eux, les seules vacances que j'ai pu avoir dans mon enfance, c'était avec eux.
(Pour la parenthèse sur la vie de mon grand-papa, ça part d'ici)
Mon grand-papa était un menuisier-ébéniste. Il travaille le bois depuis ses 14 ans et il est arrivé en suisse plus tard pour s'y installé (c'est un italien). Il a énormément travaillé. A tel point qu'à l'époque il a cumulé deux contrats de travail et s'était fait virer de la suisse parce que c'était illégal à l'époque... Du coup il ne pouvait venir voir ma grand-maman que tout les weeks-ends. Il se déplaçait en mobilette pour voir sa chérie.
Plus tard il a fondé son entreprise peu avant ma naissance. Il y avait un poulailler à coté et je jouais avec les poules quand il travaillait. J'adorais l'odeur du bois coupé.
Je m'étale un peu, je sais, mais tout ça me semble tellement important.
Il a fait tellement de chose mon grand-papa. Je n'ai jamais vu quelqu'un aimer son métier comme lui, il reconnaissait l'arbre simplement en regardant une planche. Il a fait tout les meubles et porte de sa maison. En bois massif et si bien travaillé. Il a même fait mes armoires à habits... Le genre de meuble qu'on peut garder tout une vie sans que ça pète.
(La petite histoire sur sa vie s'arrête ici...)
Il a eu sa retraite à 67 ans. Deux ans plus tard, on lui diagnostique un cancer...
A sa retraite, il travaillait toujours le bois, il s'était loué un garage et faisait des bricoles. Toutes ses étagères il les faisaient lui-même. Il a taillé le bureau de mon copain et un des derniers trucs qu'il m'avait montré, c'était un porte-crayon qu'il s'était fait à sa façon...
Il sentait qu'un liquide lui coulait dans la gorge, et en mars 2013 il a été consulté.
Après un diagnostique complet, la nouvelle tombe, cancer des sinus, aussi appeler cancer du menuisier...
Ce cancer lui a couté 7 interventions, des mois de radiothérapie et de chimiothérapie.
Il y a laissé l'odorat (première intervention), l'oeil gauche (deuxième intervention, retrait complet), la sensibilité et motricité de la moitié du visage (muscle faciaux touché par la tumeur, toujours dans la deuxième intervention), le goût a quasiment disparu dû à l'odorat manquant et à la radiothérapie qui lui brulait presque tout... (je vous explique pas le nombre d'infection de la bouche qu'il a fait, langue gonflée etc...), et à la fin il a perdu une grosse partie de son audition à cause, selon les médecins, "de la tumeur", mais la radiothérapie a aussi eu son effet...
Ca fait en gros 3 sens en cumulant même les demi-sens perdu. Il lui restait juste un oeil, le toucher, et un peu d'audition.
Que dalle quoi, un vrai cauchemar.
Si moi j'ai pas supporté de voir mon grand-papa se faire charcuter et bruler de cette façon pour tenter le tout pour le tout et survivre, comment est-ce que lui se sentait dans sa tête. J'en pleure rien que d'y penser.
Je le vois encore sur le canapé nous annoncer qu'ils vont devoir lui enlever un oeil parce que la première chirurgie n'a pas permis de tout éliminer et que si on le laisse, la tumeur allait gravement le défigurer. Il pleurait. Il nous disait qu'il voulait essayer si ça pouvait lui sauver la vie.
Et au final, il a perdu gout à tout dès le retrait de son oeil. Il pleurait si souvent, je ne l'avais jamais vu pleurer avant.
Rien qu'en nous voyant arriver pour lui rendre visite, il pleurait. Mon grand-papa n'y arrivait plus...
Il a été en bonne santé toute sa vie, il était destiné à vivre très vieux et péter la forme sans mal de dos et tout ce qui va avec.
C'est pas juste. Je suis dégoutée, je suis incapable d'accepter qu'il soit parti.
Il était de plus en plus faibles, il a fini par ne plus pouvoir se lever longtemps les derniers mois et était assisté d'infirmiers à domicile.
Le dernier jour, il est tombé dans le coma et il a eu son dernier souffle le 11 mars 2015 au soir.
Depuis, ça va pas. Je pleure à avoir envie de vomir. J'ai accroché des photos de mon grand-papa sur un tableau à épingles, et quand je les regarde, pour moi il est toujours chez lui, en pleine forme, en train de regarder Louis de Funès ou un match de foot à la télé. Sa mort est totalement inconcevable !!!!
Et pourtant ! De son vivant, je ne voulais plus le voir souffrir. Je savais qu'il allait en mourir. J'ai eu deux ans pour digérer le fait que mon grand-papa allait partir d'une maladie terrible et non méritée, et que de ce fait il ne souffrirait plus.
Mais rien à faire.
J'ai déjà perdu quelqu'un, mais je n'ai pas réagi comme ça. Je suis boulversée et encore dans le déni ou sous le choc.
Quand j'ai l'esprit occupé ça va mais là, dès que je m'en souviens, mon coeur fait un bon terrible comme si je venais de l'apprendre.
J'ai tellement de regrets, j'ai fait des erreurs aussi avec lui, je me sens coupable, et je supporte pas qu'il soit parti malheureux.
Faut dire que je les voyais moins parce que j'ai pris mon indépendance, et sur la fin j'y allais de moins en moins parce que... je sais pas... j'avais peur... je supportais pas que ça puisse être la dernière fois... Je supportais pas de devoir y aller "parce qu'il est malade", je voulais y aller pour passer un bon moment avec mes grands-parents, mais c'était toujours tellement dur et ça finissait si souvent en larmes... Je m'en veux horriblement si ça a pu le faire souffrir.
Faut dire que j'enchaine des trucs improbable... Le samedi avant son décès j'ai eu une rupture après 5 ans, et le mercredi il est parti. Le lendemain de son enterrement j'avais un entretien pour le poste "de mes rêves". Je l'ai eu mon poste. Mais pas la force de me réjouir de quoi que ce soit...
J'ai perdu un grand homme dans ma vie... Et même préparée, je le reçois comme une poutre dans le visage.
Je sais pas comment passer tout ça. Ca me parait interminable. Je n'ai rien avancé dans mon deuil, c'est juste en pause et rien n'avance.
Je veux qu'il revienne. Ou pouvoir retourner dans le passé quand il allait bien pour profiter. C'est tellement improbable ce qui est arrivé. C'est tellement injuste...
J'en veux profondément aux médecins. A son médecin personnel déjà, qui ne lui a jamais fait faire un check-up à cause de son métier et des poussière que ça induit, et aux oncologues qui ont pas été FOUTU de lui dire que son cancer était trop avancé pour que la chirurgie y change quoique ce soit ! (Oui, quand ça touche un oeil, c'est déjà trop avancé !)
Mon grand-papa a, à mes yeux, été abusé des médecins. Je suis persuadée qu'il aurait vécu plus longtemps si on lui avait foutu la paix !
Ca faisait des années que la tumeur était là, elle commençait à peine à gêner. Dès le premiers coup de bistourit, tout a flamber ! Faut enlever ci, enlever ça, faire ci, faire ça.
Résultat, deux ans de souffrance. A la fin la tumeur a envahie sa bouche, il pouvait plus articuler, son visage était tuméfié, son nez déformé par le cancer.
C'était horrible. J'y arrive pas. J'accepte pas. C'était une torture horrible pour tout le monde. Ca ne touchait rien de vitale alors il mourrait à petit feu.
Je sais pas comment je vais vivre avec ça.... Si vous avez des conseils...
PS : Désolée du roman, je vous avais prévenus...
Et merci à vous.