Auteur Sujet: article sur la tristesse  (Lu 5480 fois)

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Hors ligne qiguan

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article sur la tristesse
« le: 24 octobre 2016 à 13:38:33 »

Refoulée, méprisée, cachée, elle est pourtant l'émotion qui permet de renoncer… pour mieux avancer et même créer.

Vous avez le cœur lourd et vous luttez pour ne pas laisser couler les larmes qui commencent à piquer vos yeux? N'en faites rien, laissez aller ce flot qui cherche à monter en vous: ressentir de la tristesse, et l'accepter, est plus bénéfique que vous ne le pensez. «Quand un patient est capable de la ressentir et qu'il se met à pleurer, je pense bien souvent “c'est gagné”», confie la psychiatre Stéphanie Hahusseau, auteure, notamment d'Un homme, un vrai: dissiper les malentendus émotionnels hommes-femmes (Éd. Odile Jacob). «Car cela signifie que le blocage dans lequel était coincé tout son système émotionnel est en train de se défaire.»
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Cette spécialiste des émotions va encore plus loin: accepter de se laisser traverser par cette tristesse, c'est préparer le terrain à des sensations agréables, apaisées, bienheureuses. «Pensez au gros chagrin de l'enfant, poursuit Stéphanie Hahusseau: il s'amplifie, atteint un pic avec de gros sanglots, puis redescend, se calme et l'enfant est alors à nouveau capable de trouver des stratégies pour jouer, goûter, faire du sport…»
«Une nouvelle version de nous-mêmes»

Il en est de même chez l'adulte: en laissant vivre cette émotion jugée «négative», on constate qu'elle est en réalité un phénomène limité dans le temps (une heure selon les experts) qui bien souvent laisse place dans les jours qui suivent à un sentiment de légèreté. Cela parce que, lorsqu'elle est «pure», «primaire», la tristesse active le système nerveux autonome et notamment la branche parasympathique, celle en charge de la diminution du rythme cardiaque et respiratoire, de la détente musculaire, du fonctionnement optimal digestif, sexuel… «Observer cette activation via un appareil d'enregistrement sonore produit un renforcement positif. On peut apprendre à pleurer avec sérénité car on sent dans son corps que “ça fait du bien”», explique la psychiatre.

Le comique américain Louie CK - une immense star aux États-Unis - a fait dernièrement de ce paradoxe l'un des points culminants d'une de ses prestations télévisuelles: il expliquait comment ne pas allumer son smartphone ou son ordinateur lorsqu'on se sent triste, dépasser ces quelques minutes où l'on a envie de tout bloquer permet ensuite de «laisser arriver le bonheur». «C'est tellement bon, tellement poétique la tristesse, qu'il faut se laisser la vivre!»

Car cette émotion est sans doute celle qui se rapproche le plus de l'acceptation et du renoncement. «Elle arrive quand l'inévitable s'impose, quand nous perdons quelque chose ou quelqu'un et que rien ne peut nous les rendre», écrit l'historienne Tiffany Watt Smith, auteur de The Book of Human Emotions (Profile Books).

Elle est donc paradoxalement une énergie qui nous permet de dire adieu, de quitter une image de soi, un idéal ou une situation matérielle, affective avant de passer à autre chose. «Elle est ce processus à travers lequel, après une période de perte ou de déception, nous préparons une nouvelle version de nous-mêmes.»
Facteur culturel

Mais alors, pourquoi tant de rejet, pourquoi la tristesse ne nous apparaît-elle pas comme une compagne naturelle de notre vie? Pour Stéphanie Hahusseau, c'est le facteur culturel qui est en cause: «On encourage les enfants à refouler leur tristesse en leur disant “arrête de pleurer, ce n'est rien”, or si, enfant, un entourage bienveillant ne vous aide pas à exprimer votre peine, elle demeure tapie.»

Autre facteur culturel: chez les hommes, la tristesse est dévalorisée, chez les femmes, l'une des seules émotions permises alors que la colère leur est interdite. Ces diktats émotionnels brouillent la reconnaissance de ce qui se passe réellement en soi. Les émotions, qui pourraient être vécues dans leur forme primaire, se retrouvent cachées par des émotions «paravents» qui les complexifient: «Avec les personnes prises dans un registre émotionnel unique et intense - tout le temps en colère ou tout le temps apeurées -, revenir à la conscience corporelle, aux sensations, permet bien souvent de retrouver le fond de détresse.»

Ce qui «dessert» le plus la tristesse, c'est la peur sociétale de la dépression, qui a les mêmes caractéristiques à un instant T que la tristesse mais qui s'en distingue par sa durée. Le paradoxe, c'est qu'en refusant d'accueillir avec bienveillance sa tristesse, on risque de développer un état dépressif.

Traversée et vécue en conscience, la tristesse peut prendre de belles couleurs. Nostalgique, elle nous ramène dans des lieux aimés. Sous la forme de regrets, elle nous pousse à agir différemment. Au Portugal, on célèbre la saudade, ce sentiment de manquer de quelqu'un ou de quelque chose qui reviendra; aux États-Unis, le blues a donné une incommensurable force aux esclaves… Oui, savoir être triste, c'est souvent devenir capable d'agrandir son humanité.

http://sante.lefigaro.fr/actualite/2016/10/21/25545-decouverte-bons-cotes-tristesse

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