Auteur Sujet: Journal - jour 12  (Lu 3823 fois)

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pinky29

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Journal - jour 12
« le: 27 décembre 2012 à 12:45:20 »
Jour 12
Besoin de me nourrir à la source de mes souvenirs. Même si ça ne te fait pas revenir.
Saar-Louis, presqu'au Sud de l'Allemagne. La clinique où je me trouve depuis 2 mois. Ma thérapie ne me convient pas. Alors j'ai l'esprit ailleurs, disponible, vagabond. Fin de l'hiver. Il pleut, il fait froid.
Je suis avec des copines dans l'attente de rejoindre notre prochain groupe de paroles.
Et, soudain, je te vois. Tu ne fais que passer, sans me voir. Tu es taciturne, renfermé. Mais se dégage cependant de toi une grande douceur, une fragilité; et une élégance simple.
Dans ma tête, un éclair : coup de foudre.
Les jours suivants, je n'ai de cesse que de te revoir. Tu loges au même étage que moi, dans une autre aile du bâtiment. Je m'attache chaque jour à te voir, 'par hasard'...Dans les couloirs, dans la buanderie où tu te trouves tous les matins, fort tôt; à la cantine...
Comment t'aborder ? Une obsession dans ma tête ! Je DOIS te parler, mais tu es Allemand. Mon Allemand scolaire, vieux de 25 ans, ne me suffit pas pour te parler...
Alors, une copine Luxembourgeoise me traduit en allemand cette phrase, que je répète à longueur de journée, pour te dire que tu es beau. Je la mâche et la re-mâche, dans l'attente désespérée et impatiente de pouvoir te la dire. Les jours passent sans qu'une seule occasion se présente. Je deviens folle ! Agitée. Mon estomac est rempli de papillons dès que je te croise. Mais pas d'occasion : soit tu n'es pas seul, soit tu es pressé, soit je ne te croise pas.
Et enfin, un matin, avant le petit déjeuner, j'entends s'ouvrir la porte de la buanderie. Je sais, j'espère, que c'est toi !
Je sors de ma douche, fraîche, cheveux mouillés, petite robe de nuit prune, jolie, mais pas trop courte, pour être mignonne mais décente. Je me précipite. Et je te vois. Tu es là ! Enfin ! Mon coeur bat à 2000 à l'heure. Je fais semblant de remplir le petit carnet de réservation de la machine à laver. Tu te tiens derrière moi, silencieux, occupé par ton linge. Pas même un bonjour. Tu ne lèves pas la tête. Mon esprit agité, ma nervosité m'empêchent de te parler. Les secondes passent. J'ai peur que tu t'en ailles. Je DOIS me maîtriser. Et enfin, je me tourne vers toi. Te demande si je peux te faire un compliment. Tu m'y autorises, interloqué. Je ânonne ma petite phrase en allemand. Ton visage reste figé. Puis, tu m'annonces que tu n'as rien compris ! Déception !
'Merde, me dis-je, il ne comprend même pas sa langue !'
Mon cerveau s'agite. En anglais. Il faut que je lui dise en anglais !
Les mots sortent de ma bouche, avec lenteur, dans un sourire. Mais au fond de moi, c'est la panique totale ! Et si, là non plus, tu ne me comprenais pas ?!
Mais si, soulagement ! Je vois ton visage 'cloué' de surprise, ta respiration s'arrête. Je t'ai dit que tu es beau et élégant.
'Moi', articules-tu, incrédule.
'Oui, Vous', dis-je en insistant.
Tu reprends ta respiration, encore sous le choc, puis, tu me demandes d'où je viens, histoire de ne pas rester sur cette parole invraisemblable. Luxembourg. Je te demande aussi d'où tu viens. Hambourg. Je ne sais même pas où c'est ! Au Nord de l'Allemagne. Loin. vers le Danemark...Je m'en fous ! les kilomètres ne me font pas peur. Je n'y réfléchis même pas. Coup de foudre. Mon Amour est une évidence. Je ferai tout pour ça ! Je déplacerai les montagnes !
Les jours passent et, par chance, une fille de ton groupe, déjà rencontrée plus tôt, est Française et vit en Allemagne depuis 17 ans. Professeur d'Allemand...Une aubaine !
Rapidement, nous formons un trio de camaraderie. Je te parle en anglais, elle traduit en Allemand ce que tu ne comprends pas. Nous partageons des moments de sport. D'autres se joignent à nous. Nous sommes rapidement un petit groupe sympathique et nous nous retrouvons souvent. A ma plus grande joie ! Moi qui brûle pour toi ! Déjà !
Et mon impression se confirme : tu es d'une grande douceur, gentillesse, protecteur. Taciturne par peur des autres, protection pour que personne ne te blesse. Mais tu ne m'as pas leurée, je l'avais senti ! Ca ne m'a pas arrêtée. Je ne me suis pas trompée. Je découvre en toi, chaque jour, une grande sensibilité. Tu aimes les autres. Ta froideur apparente n'est qu'une façade. Façade bien fragile face à mes assauts !
Ancien entraîneur de sport, tu m'enseignes chaque jour avec patience l'art de jouer au badminton. Je suis mauvaise élève. Je n'en fais qu'à ma tête ! On passe des soirées entières à y jouer en groupe. Je fais équipe avec toi, le plus souvent possible...Qu'est-ce que tu crois ?! Que j'allais te laisser là, sans moi ?!
Moi, trop spontanée, je joue pieds nus, je crie, je bondis. Je t'amuse, mais je te fais peur. Je t'intrigue, mais je t'effraie. Je ne peux pas me contrôler. 'Je suis comme je suis', dit un poème de Prévert.
Je sens bien que tu t'attaches à moi, mais tu as si peur. J'entrevois rapidement que tu te prives de vivre. Que tu t'interdis la joie. Que tu crois que ce n'est rien pour toi, que tu n'y as pas droit. Mais pas avec moi ! Je vais te prouver, je vais me battre pour adoucir ta vie ! Je vaincrai ta carapace. Je trouverai la faille, j'enlèverai la pierre qui fera s'écrouler ta forteresse, pour que tu te laisses réchauffer par les rayons du soleil qui brûle dans mon coeur...Tu ne sais pas qui je suis, mais tu vas apprendre à me connaître !
1ère victoire : je t'emmène une journée à Metz. Te détendre. Le soleil du printemps est enfin arrivé. Il fait chaud. Je porte une jolie robe blanche, courte, pour que tu voies mes jolies jambes. Je vois bien que tu me regardes à la dérobée. Je vois bien que tu t'attaches à ma personnalité, parfois exubérante, mais si douce et si sincère. Si pleine de souffrances aussi.
On passe une journée géniale. Je me réjouis de te voir enfin heureux, souriant, détendu, léger.
Le soir, on décide de rentrer mais ton esprit farfelu ne sait pas ce qu'il veut et guide déjà mes  pas. On prend la route de retour mais tu hésites : Rentrer ? rester ? Fumer une cigarette ? Aller au resto ? Mais où ?
J'arrête ma voiture au gré de tes hésitations. On quitte presque la ville, lorsque tu m'intimes l'ordre de m'arrêter. Tu viens de voir un restaurant Espagnol. Tapas. Je ne connais pas. Piquée de curiosité, je m'arrête, réjouïe : quelques heures de plus en ta compagnie ! Je prends ! Je signe ! J'en redemande !
Le patron nous installe une petite table sympa sur le trottoir. Nous avons une vue magnifique sur l'ancienne porte féodale de la ville. Les arbres sont verts de printemps. Il fait doux. Le rêve ...Une petite bouteille de vin rouge...Tout va bien...
Le patron nous observe et en nous servant les tapas, nous demande si tu es mon mari. Je ris, aux anges, et lui répond que j'adorerais cela, mais que cela dépend de toi...
Bientôt, le jour se couche et il faut rentrer. Dommage.
En arrivant à la clinique, nos pas nous guident avec lenteur vers l'ascenseur. Un peu à contre-coeur.
Ce grand ascenseur. Moi d'un côté, toi de l'autre. Tu m'observes en silence quelques secondes. Et tu me remercies pour cette belle journée. Je sais, je sens, le bien fou qu'elle t'a fait. Je sens aussi la peur que tu éprouves d'avoir été trop bien. Le Bonheur te fait peur. Je le sais. Je le sens. Ca me désole. Me donne encore plus envie de me battre pour t'apporter tout cela. S'il te plaît, goûte le Bonheur. Ce n'est pas dangereux...
Tu me regardes encore et tu murmures : 'Christine, tu es une fille formidable, tu es belle ... Mais j'habite loin, et je n'aime pas les histoires sans lendemain'.
Je ne sais que répondre. Je murmure : 'les kilomètres ne me font pas peur...'
Tu me remercies encore du fond du coeur pour cette merveilleuse journée. On se prend la main. Je retiens la tienne plus que de raison, quelques longues et intenses secondes. C'est doux. Je voudrais que cela dure.
Nous regagnons chacun notre chambre.
Zazie :
'Ce n'est pas ma robe qui vole un peu,
pas pour que tu voies mes jambes,
c'est pas c'que tu crois...
C'est juste comme ça,
ce n'est qu'une chanson d'amis,
promis pas d'Amour'
Chanson : CHANSON D'AMIS

Tinou

  • Invité
Re : Journal - jour 12
« Réponse #1 le: 27 décembre 2012 à 13:36:58 »
Christine, c'est magnifique d'avoir vécu de tels moments...

Martine