Je me disais ce matin que ce serait trop simple si, comme le croient les "nonendeuils", nous ne vivions qu'un deuil en perdant notre conjoint.
En réalité, il y a LE deuil, le grand, l'inconcevable, le deuil de CELUI ou CELLE qui partageait notre vie, et puis il y a tous les autres, auxquels nous devons aussi nous habituer, et auxquels personne ne pense... le deuil de la famille que l'on formait, le deuil de l'amour partagé, le deuil des vêtements, de la voix, du parfum, le deuil de la vie passée et des souvenirs communs, le deuil des échanges, le deuil des habitudes, le deuil des projets, le deuil des engueulades, le deuil de la complicité, le deuil des soucis et des moments de joie, le deuil des choses en place, le deuil du lieu de vie qu'on finit par quitter (enfin pour ma part), le deuil des lieux de vacances, des restaurants, des soirée pizza ou cinéma, le deuil d'une infinité de petites choses qui faisaient le quotidien du couple, "son" écriture sur l'agenda arrêté au jour de sa mort, la musique qu'il aimait et qu'on ne peut pas écouter sans pleurer, bref tout ça... ce n'est pas pris en compte.
La perte de son conjoint, ce n'est pas qu'un immense drame isolé, ce sont aussi tous ces petits deuils qui s'ajoutent au plus grand, et se révèlent avec les années... il faudrait plutôt dire "faire SES deuils" !....
Les autres croient que le temps guérit tout, et ils se trompent. Si en effet, la souffrance est moins présente et si, en effet, on recommence à se projeter dans l'avenir, il n'en reste pas moins que les années passant nous remettent, à chaque fois, des pelures de choses dont on doit aussi se séparer...
Je ne suis même pas certaine qu'au jour de ma propre mort, j'aurai réglé tous ces petits deuils successifs... parce qu'au fil du temps, d'autres souvenirs reviennent en mémoire, et 25 années ensemble, ça en fait des souvenirs... et on sait que l'on est gardiens de ces petites choses partagées avec lui/elle dont on ne peut parler à personne... parce que pour les autres, "faut aller de l'avant, lâcher prise, se recaser vite fait et ne plus emmerder le monde..." parce que seul le Grand Deuil compte !... Et le mien ayant 5 ans, forcément, j'ai dépassé la limite !...
Bon, c'était ma réflexion du jour, inspirée par mon déménagement tout frais... 5 ans après, je fais le deuil de la maison que nous habitions et ça ne se passe pas sans tiraillement moral et même physique...
Je vous embrasse.
M.