Auteur Sujet: Un deuil, des deuils...  (Lu 4441 fois)

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Marico

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Un deuil, des deuils...
« le: 29 juillet 2011 à 15:49:30 »
Je me disais ce matin que ce serait trop simple si, comme le croient les "nonendeuils", nous ne vivions qu'un deuil en perdant notre conjoint.

En réalité, il y a LE deuil, le grand, l'inconcevable, le deuil de CELUI ou CELLE qui partageait notre vie, et puis il y a tous les autres, auxquels nous devons aussi nous habituer, et auxquels personne ne pense... le deuil de la famille que l'on formait, le deuil de l'amour partagé, le deuil des vêtements, de la voix, du parfum, le deuil de la vie passée et des souvenirs communs, le deuil des échanges, le deuil des habitudes, le deuil des projets, le deuil des engueulades, le deuil de la complicité, le deuil des soucis et des moments de joie, le deuil des choses en place, le deuil du lieu de vie qu'on finit par quitter (enfin pour ma part), le deuil des lieux de vacances, des restaurants, des soirée pizza ou cinéma, le deuil d'une infinité de petites choses qui faisaient le quotidien du couple, "son" écriture sur l'agenda arrêté au jour de sa mort, la musique qu'il aimait et qu'on ne peut pas écouter sans pleurer, bref tout ça... ce n'est pas pris en compte.

La perte de son conjoint, ce n'est pas qu'un immense drame isolé, ce sont aussi tous ces petits deuils qui s'ajoutent au plus grand, et se révèlent avec les années... il faudrait plutôt dire "faire SES deuils" !....

Les autres croient que le temps guérit tout, et ils se trompent. Si en effet, la souffrance est moins présente et si, en effet, on recommence à se projeter dans l'avenir, il n'en reste pas moins que les années passant nous remettent, à chaque fois, des pelures de choses dont on doit aussi se séparer...  

Je ne suis même pas certaine qu'au jour de ma propre mort, j'aurai réglé tous ces petits deuils successifs... parce qu'au fil du temps, d'autres souvenirs reviennent en mémoire, et 25 années ensemble, ça en fait des souvenirs... et on sait que l'on est gardiens de ces petites choses partagées avec lui/elle dont on ne peut parler à personne... parce que pour les autres, "faut aller de l'avant, lâcher prise, se recaser vite fait et ne plus emmerder le monde..." parce que seul le Grand Deuil compte !... Et le mien ayant 5 ans, forcément, j'ai dépassé la limite !...

Bon, c'était ma réflexion du jour, inspirée par mon déménagement tout frais...  5 ans après, je fais le deuil de la maison que nous habitions et ça ne se passe pas sans tiraillement moral et même physique...

Je vous embrasse.
M.

ergé

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Re : Un deuil, des deuils...
« Réponse #1 le: 29 juillet 2011 à 21:11:43 »
Bonsoir Marico,

Que dire d'autre que "tu as raison, bien-sur" et que nous sommes les seuls à le comprendre. Qui d'autre que nous peut imaginer que l'on doive faire le deuil d'une multitude de choses que l'on considère comme insignifiantes parce que faisant parti du quotidien quand on est 2 pour faire un couple.

On pourrait en ajouter une multitude de ces petits deuils que tu énumères, ne serait-ce que le petit coup de fil pour demander comment ça va, qu'est-ce que tu fais ou qu'est-ce qu'on mange ce soir, tout ça pour le simple plaisir d'entendre sa voix en attendant de se retrouver quelques heures plus tard.

Mais il est aussi un deuil dont tu ne parles pas, c'est le deuil de soi-même, de l'image que l'on a de soi, de cette confiance en soi qui s'évapore quand on se retrouve anéanti, du jour au lendemain sans but et avec le sentiment de devoir repartir à zero malgré les années en plus.

Je te souhaite de trouver l'apaisement dans ta nouvelle résidence et que ce changement dans ta vie t'aide à construire ton avenir.

Amicalement
« Modifié: 04 décembre 2014 à 21:08:38 par Webmaster »

Marico

  • Invité
Re : Un deuil, des deuils...
« Réponse #2 le: 31 juillet 2011 à 14:22:15 »
Oui, Ergé, tu as raison.
Toutes ces petites choses partagées, balades, restaus, coup de fil, partage... partage... partage.... le nombre est infini.... Hier j'en ai parlé avec le frère de mon mari, ce tous ces petits deuils que le "Grand deuil" entraîne et auxquels personne ne pense, dès qu'est passée la première année. Or nous, c'est tous les jours que nous vivons avec l'absence, pas juste une fois par an, à la Toussaint... Et encore !!! Il ne voyait pas les choses comme ça... forcément...

Mais comme le sphinx renaît de ses cendres, je trouve que celui ou celle qui a vécu un deuil, lorsqu'il a suffisamment le recul des années, aura beaucoup appris sur lui-même, sur les autres, et beaucoup progressé. Pas de la façon qu'il aurait aimée, mais progressé dans l'adversité.

Oui, il faut recommencer à zéro, mais je crois contrairement à ce que tu dis, que la confiance en soi revient et bien plus forte qu'auparavant.... et l'image que l'on a de soi, ne pâtit pas d'un deuil, bien au contraire. Ce K2 que nous gravissons, jour après jour, et que nous franchissons tous avec le temps, nous donne une force incroyable. Et un regard sur nous bienveillant et positif.

Aussi dur que ce soit de survivre, nous survivons et peut-être devenons meilleurs... et ceux qui sont partis ne peuvent pas ne pas être fiers de nous !

Maintenant, c'est vrai qu'imaginer continuer sa vie avec quelqu'un, par exemple, c'est à dire refaire avec un/e "étranger/e les gestes que nous partagions avec notre conjoint, je t'avoue que là, moi aussi l'angoisse m'étreint quand j'y pense. Grandir et vieillir avec son conjoint, c'est pas comme réapprendre la peau, l'odeur, les bonnes et mauvaises habitudes de l'inconnu qui va tenter sa chance auprès de nous... Comment ne pas comparer... comment accepter... ne pas être exaspéré... lorsqu' il/elle laisse des cheveux sur le lavabo, une clope fumante dans le cendrier, oublie ses chaussettes sur le sol, coupe le pain en faisant des miettes, quand notre conjoint le faisait avec la classe d'un élève d'école hôtelière... (je rigole, ce ne sont que des exemples...)... Tout réapprendre et recommencer à zéro, à 50 ans et plus, je suis bien d'accord avec toi, c'est flippant !!!....

Et moi qui ai une fille de 16 ans qui va vers la vie avec une confiance aveugle, parfois je l'envie !

Tout ça vient en son heure, probablement...
Il faut faire confiance en notre capacité de résilience... comme dirait B. Cyrulnik.
Bien que sur la "bonne voie", je n'en suis pas encore là... mais une amie a continué sa vie et rencontré son nouveau compagnon 6 mois après la mort de son mari, et à ce jour, ils sont toujours ensemble et parents d'un petit garçon d'un an...

Chacun son rythme, chacun sa façon d'aller son nouveau chemin....
Je t'embrasse.
M.