Hier,coup de fil de ma mère:
"Tu vas bien?,
-non"
silence radio!
je relance la conversation sur mes frères et soeurs et sur le week end à venir
eh , oui j'ai décidé d'être vraie dans mes réponses avec mes proches
s'ils veulent être présents pour moi, je leur ouvre la porte
mes enfants voient quand je vais mal , pourquoi mes proches ne le sauraient pas?
Maman veut que j'aille bien, cela  ne fait pas 4 mois que son gendre préféré s'est pendu, comment veut-elle que j'aille bien,? et, comment peut -elle  me répondre qu'elle va bien alors qu'une de mes soeurs se sépare, qu'un de mes frères est hospitalisé en psychiatrie et que mes enfants et moi vivons un deuil pas comme les autres?
Je ne lui en veux pas, mais je ne veux pas faire semblant avec ma famille, après à chacun d'avancer...

Amicalement
Marie-O

Bonjour,

Sages décisions de ne pas mentir, de ne pas faire semblant et d’investir ses proches dans notre chagrin.
Ceci dit, cela ne marche pas à tous les coups. Le résultat peut être un grand silence, une fuite et une incompréhension totale.
Mais cela peut aussi réveiller des consciences. Cela vaut le coup d’essayer.

Je ne crois pas que nous soyons égoïstes. Le temps ne coule plus de la même façon pour nous que pour les autres. Nous nous accrochons aux rythmes imposés, le travail, les courses, les fêtes de famille … mais au fond de nous, nous faisons du sur place, tout accaparés à tenir debout et ne pas se laisser tomber.
Autour de nous, le monde continu de tourner.
Et les souvenirs de nous, notre couple, s’estompent pour les autres alors que pour nous, nous ne cessons de les faire remonter à la surface. Et comme maintenant, ils parlent au singulier lorsqu’ils parlent de nous, ils pensent que notre deuil est fini.
Pour moi, 22 mois sans lui et j’ai réellement l’impression que c’était hier. Et pourtant, j’ai fait un bon bout de chemin, même si il m’en reste beaucoup à faire, même si ce chemin est sans fin, comme je le pense.

FIN. Un mot terrible.

Je pense qu’il n’y a pas forcément de la méchanceté dans leur attitude. De l’égoïsme, surement (eux et pas nous), plus facile de croire que l’autre va répondre : Oui, çà va. Et puis la méconnaissance d’une perte si insupportable, aussi. Parfois, mettre un masque pour que surtout pas la mort n’approche trop près…
Mais nous ne sommes pas la mort, nous, nous sommes au contraire la vie et ils devraient nous aider à en prendre conscience.

D’accord pour répondre la vérité, d’accord pour imposer la présence de nos Amours, en parlant d’eux.
Moi, c’est : « Tu te souviens quand Pierre a fait cela ? … Pierre adore ces chocolats… Cà, c’est une expression de Pierre… J’espère que là où il est, Pierre a la télévision, Rolland Garros va commencer… ».
Moi, c’est nous.
Peu à peu, tout le monde a pris l’habitude et j’avoue que c’est extrêmement réconfortant d’entendre son prénom prononcé si souvent.

S’ils ne sont plus là physiquement, nos disparus, faisons les vivre dans la mémoire de tous.

Tendresse à vous.

Marina
Bien contente de revenir vers vous après une mauvaise passe.

Les larmes se mettent à couler aussi, quand j'en parle, encore... dont hier, avec la directrice de l'école. Lorsqu'on rencontre une personne qui "comprend", c'est tellement réparateur -- comme si notre petit coeur était cassé, et que le fait d'en parler et de pleurer et de prendre le temps, c'était la vraie de vraie pilule à prendre.

L'énergie revient, petit à petit. Pas sur le coup, mais quelques heures, quelques jours plus tard. Et puis, il faut recommencer, jusqu'à ce que le corps soit habitué. Après, ça s'espace. Mais je crois que la douleur ne partira jamais. On ne peut pas jeter du revers de la main une grande partie de sa vie.

Il faut en parler et si ça fait perdre pied à la majorité, il restera toujours une personne plus consciente de la situation pour soutenir, ne serait-ce d'un regard compatissant ou d'une parole douce.

En effet, les personnes âgées qui en ont vu d'autres - de morts (dont ma mère, ma belle-mère) sont arrivées à la conclusion contraire qu'il faut continuer, ne pas en parler... je ne comprends pas pourquoi.

Caroline qui va bien aujourd'hui. xx

Caroline
Les personnes agées ont du mal à en parler ,c'est vrai. Mais les autres aussi
pourquoi ?
la culture judéo-chretienne?
le monde occidental où il faut être beau , jeune, en bonne santé, dynamique, parfait,
la pudeur?
l'incompréhension?
le manque de connaissance et de méfiance par rapport à la psychologie humaine?
Je me suis permise de dire à ma belle mère que j'avais besoin de parler de Michel, que c'était difficile car les enfants ne pouvaient pas
Elle m'a répondu qu'elle aussi avait besoin d'en parler, mais que mon beau père ne voulait pas. Alors elle se cache pour pleurer seule
Que la nature humaine est complexe et diverse!
Amicalement
Marie-o

Bonjour Marina :0 

Encore aujourd'hui, j'ai été un peu confrontée: ma voisine (une anglo) m'a invitée, avec ses enfants, à déjeuner. Je lui ai annoncé que j'étais en arrêt de travail, mais n'ai pas osé lui dire que c'était pour avancer dans mon deuil... j'ai dit que le travail était trop pour moi.

Je n'ai pas regretté, les 4 enfants (2 à 10 ans) étaient présents. Mais encore... on ne parle pas de la mort hein?

Passe une belle soirée, Marina, c'est un bonheur de t'avoir ici

Caro xx

Et j'ajouterai que paradoxalement, nous ne souhaitons pas afficher notre deuil, comme auparavant avec effectivement vêtements sombres ou ruban, et fuyons la compassion et la pitié, alors que nous avons sans cesse envie de dire aux personnes que nous rencontrons, que nous venons de perdre notre compagnon, ou notre compagne ?!?!

C'est mon fils aîné que j'ai perdu mais je trouve cette remarque très très juste.
Auparavant, les personnes en deuil recevaient peut-être plus de compassion mais elles se mettaient également en retrait de la société pour un certain temps.
Au décès de mon grand-père, enfant, je me souviens que les horloges avaient été arrêtées, que l'on n'avait ni regardé la télé, ni écouté la radio.
Trois ans plus tard, au décès de sa mère, mon père avait voulu écouter la radio, s'était ravisé puis avait conclu un "oh merde" en la rallumant.

La société a changé les règles et plus personne ne sait lesquelles appliquer. Nous les premiers.
Parfois, la simple question "ça va" nous insupporte, parfois l'absence de contact nous brise.
Je regrette quelque fois de ne plus vivre dans un monde où tout est strictement codifié. Quelque fois seulement. Et pas longtemps.



Bluette