Pomme Noir
Comme je te comprends.
Tout ce que tu écris, je pourrais l'écrire moi-même. Je disais que Jean est ma colonne vertébrale. C'est lui qui m'a aidé à tenir debout devant certaines difficultés de la vie. Sans lui, je ne me serais jamais remontée d'une grande dépression, c'est pour lui que j'ai inversé la spirale descendante qui m'entraînait. Sans lui, je n'aurais jamais pu aider mes parents à la fin de leur vie qui n'a pas été facile.
Sans lui, je n'aurais pas pu me remettre du résultat négatif des traitements pour avoir un enfant. Nous étions "compatibles" mais la nature n'a jamais voulu répondre à mes attentes.
Si je dis qu'il faut tenir, toujours tenir, c'est parce que durant ses trois années de maladie, je me suis totalement oubliée, totalement investie à ses côtés. Je voulais même prendre sa maladie à sa place si j'avais pu, ce qui le mettait en colère. D'ailleurs, les premiers temps je parlais de notre cancer, que nous allions passer un scanner.
Non, c'est lui qui passait les examens médicaux, c'est moi qui l'accompagnait.
L'accompagner, je l'ai fait de plus en plus proche de lui. Les équipes médicales nous trouvaient trop fusionnels ! Il a fallu batailler avec elles pour qu'elles nous laissent vivre à notre goût les mois qui restaient !
A l'hôpital, il m'attendait en tout début d'après-midi pour faire une "cathy-thérapie" en référence à la ronronthérapie que faisait ma fifille à quatre pattes à la maison. Plus tard, les infirmières et aides-soignantes savaient, lorsqu'elles me voyaient arriver, qu'il ne fallait pas nous déranger pendant une à deux heures.
Comme j'en ai fait des siestes à ses côtés, sur le petit lit d'hôpital, il se poussait sur un bord je me couchais à côté de lui. Il me prenait dans ses bras et nous nous endormions ensemble. J'étais fatiguée de tous ces allers-retours, de tous ces soucis. Il le savait et aimait m'avoir ainsi au creux de son épaule.
Tenir, toujours tenir !
C'est parce que j'ai tenu pour être au plus près de lui tout ce temps, jusqu'au dernier, tout dernier moment, qu'il a passé nos mains réunies dans la nuit.
Cela fait deux mois cette nuit !
Toute la journée j'ai revécu cette dernière journée et je pense que je vais aller me coucher en vivant cette dernière nuit.
Tenir, toujours tenir !
Parce qu'il y a son fils. Son adorable fils.
Lui qui a aussi sa peine, lui qui a décidé de vivre comme son père le souhaitait, lui qui prend soin de moi comme s'il était son père.
Cela me fait du bien, cela me touche et cela me fait de la peine car il ressemble tellement à son père, physiquement et même sa voix se rapproche de celle de son père !
Tenir, toujours tenir !
Parce que la succession n'est pas close et qu'il faut "faire les choses" comme elles doivent l'être.
Parce que la maison et le jardin ont été "abandonnés" pendant quelques années et que l'entretien de certaines parties de la maison devient urgent.
Ainsi, nous avons profité des derniers jours de congés fériés pour poncer et lasurer les bois extérieurs. Nous avons eu la désagréable surprise de constater qu'une poutre maîtresse qui soutient la charpente de la terrasse (40 m²) est très malade.
Que faut-il faire : la changer ? Difficile. La consolider ? Cela ne parait pas suffisant.
J'attends la proposition du maçon charpentier que nous connaissons et j'espère qu'il aura une réponse satisfaisante tant pour la maison que pour mon portefeuille !
Tenir, toujours tenir !
Parce qu'il y a mon travail et que mon coeur s'inquiétait tant de savoir que je pourrais le perdre. Il devait aussi penser que cela me permettrait de "Tenir, toujours tenir !"
Il m'appelait "ma chérie à moi", "mon petit soldat".
Tenir, toujours tenir !
Parce que je veux lui rendre hommage et qu'il n'y a pas de raison que je sois moins courageuse que lui devant la maladie qu'il a combattu comme un lion !
Tenir, toujours tenir !
Parce que je l'Aime et qu'il m'a apporté 19 ans de vie commune merveilleuse, faite d'amour, de tendresse, de compréhension, de sensibilité, de douceur.
Parce que je l'aime, tout simplement.
Mais, je suis comme vous, j'ai vu mon médecin ce soir. Elle me dit qu'il faut faire avec. Moi, j'ai eu envie de répondre, il faut apprendre à faire sans !
Sans mon cœur.
Sans ma colonne vertébrale,
Sans... sans.... sans.....
Comme vous tous et toutes, je préfèrerais mourir (c'est ce que j'ai dit plusieurs fois à un beau-frère qui me répond très justement, il ne le voudrait pas ! il veut que tu vives pour lui !)
J'aimerais, comme beaucoup d'entre vous, rester à longueur de journée dans mon lit, sous ma couette, à attendre, à espérer.
Mon beau-père est dans cet état là depuis 5 ans. Quand je le vois couché dans son lit, on dirait un mort-vivant.
Mon mari, son fils, n'aurait jamais voulu en arriver là. Il n'aurait jamais voulu que je fasse comme son père.
Alors, oui, pour lui, avec lui, je vais tenir, toujours tenir !
Comme je pourrais, en pleurs, en larmes, en sanglots, en sourire, en rire devant l'humour de son fils, parce qu'il aimait me voir rire et faire le pitre parfois malgré mes 57 ans, en sourire devant le joli parterre qu'il aimait entretenir et que je vais entretenir à sa place, parce que je serais ses yeux et sa douceur de vivre vis à vis des autres !!
Oui, pour lui et avec lui !
N'est-ce pas le meilleur hommage que je puisse lui rendre !
Je ne nous souhaite pas courage, je nous souhaite ENERGIE et VAILLANCE !
Si vous regardez le Larousse, vous trouverez ceci :
VAILLANCE =
Résistance à l'adversité, à la souffrance : Faire preuve de vaillance au moment du décès d'un être cher.
Résistance à l'adversité, à la souffrance (Synonyme : cœur)
Je vous embrasse tous affectueusement, Pommenoir, raph, Chipoune, Ephémère, et tous ceux et celles que j'oublie (nous sommes trop nombreux) mais vous êtes dans mes pensées.
Catherine