Cette question me perturbe particulièrement aujourd'hui et je retrouve dans les archives qu'il existe déjà une conversation sur le sujet... Je me reconnais un peu dans chacun de vos ressentis... Vis à vis de mon entourage, de ma famille, de mes amis, de mes connaissances... je crois que je suis passée par une multitude de phases... Dans les premières semaines, j'ai accueilli avec émotion et gratitude les marques de soutien... Je crois qu'à ce moment là, la douleur était si forte, les émotions si pressentes que, ne pouvant pas les cacher, je n'avais pas l'impression de porter un masque en face des autres... Ils réagissaient, bien évidemment, chacun à leur manière: certains faisaient face, d'autres étaient gênés... mais au moins, l'échange était authentique. Pas de faux semblants... Et puis, la perte de mon chéri était si récente que dans tous les cas, je sentais que ma douleur était légitime, accueillie, acceptée... Puis petit à petit, moins de marques de soutien et cette gêne, palpable, qui s'installe... Je pouvais/peux deviner l'hésitation, l'inquiétude des gens qui ne savaient/savent pas comment reprendre contact avec moi, quoi me dire... J'ai souvent ressenti que pour eux, mais en toute honnêteté pour moi aussi, les premiers échanges, les premières entrevues étaient synonyme de "mauvais moment à passer". J'ai été très en colère... J'en voulais aux gens de m'imposer la lourde tâche de les mettre à l'aise alors que je n'avais pas d'énergie pour ça. Et puis j'ai été en colère contre moi aussi, de me laisser autant affecter par leur gêne et que cela m'empêche de rester authentique, en cherchant trop à m'adapter à "ce que je je pensais qu'ils voudraient que je dise ou fasse pour briser la glace" (alors que dans le fond, tout ça n'est que spéculation. Je n'en sais rien. Pas plus qu'ils ne peuvent présupposer se ce qui est bon pour moi). Ayant compris ça, ma colère est peu à peu retombée.... Mais voilà, ça ne change rien au problème... Aujourd'hui, alors que dans quelques jours cela fera 4 mois que mon chéri est parti, je suis comme lasse, résignée vis à vis de mon entourage... Ma famille, mes amis tentent parfois de me tendre des perches pour parler de ce que je vis, mais je réalise que je suis mal à l'aise de parler de mes émotions avec eux... Fatiguée de devoir répondre à la question "comment tu vas?", ou pire "qu'est ce qui ne va pas? ...." alors que ce que je vis est tellement complexe et que du coup je ne sais pas quoi répondre... Et lorsque je commence à répondre, j'avance sur la pointe des pieds car je ne sais pas si la personne souhaite vraiment que je développe, ou si elle ne cherche pas juste à se rassurer elle-même sur mon état... Et par dessus tout, ce que je voudrais, c'est qu'on parle de lui. Qu'on me parle de lui... Mais mes proches le connaissant peu au final, c'est toujours moi qui amène son nom dans les conversations... Et je sens bien que c'est forcé... Qu'après quelques phrases, on passe à autre chose... Et moi justement, je ne veux pas passer à autre chose. Je veux continuer, mais pas "passer à autre chose". Alors pour le moment, le seul moyen pour moi de faire comprendre ça, c'est de refuser leurs propositions pour "me changer les idées". C'est paradoxal, je sais: ce besoin qu'on prenne soin de moi et en même temps, cette tendance à repousser les mains qu'on me tend... Lorsque j'entraperçois une éclaircie: les regards d'apitoiement qu'on m'adresse me blessent et m'exaspèrent. Ils m'empêchent d'accueillir avec légitimité les petites trêves du quotidien. En même temps, lorsque je m'autorise à sortir, à jardiner, cuisiner: je supporte encore moins les larges sourires et les marques d'encouragement (et de soulagement) qui apparaissent sur les visages de mes proches. Les "c'est bien", les "elle va mieux" que j'entends dans la bouche de mon père quand il parle aux voisins... Alors la question que je me pose c'est, en plus de "pourquoi les autres nous gardent à distance", "comment faire pour ne pas repousser les autres?".... Comment surmonter ces paradoxes?