Chère madame leacasta,
Votre message me fait sortir de mon long silence ce qui me permet de saluer fraternellement notre communauté de souffrants invisibles.
Je vais manifestement vous apprendre un secret car vous ne semblez pas le savoir, sinon vous n’auriez jamais osé employer des mots aussi inadaptés à notre vécu. Les êtres humains sont mortels et depuis quils le savent, cherchent à donner du sens à la mort et à la dévastation qu’elle provoque chez les survivants ( ou sous vivants....je ne sais pas). Gardez votre message et relisez le si vous y êtes confrontée (lorsque vous y serez confrontée...) et vous comprendrez.
Je ne fait pas partie des personnes que vous recherchez puisque mon mari est mort d’une leucémie (guerre perdue d’avance - merci Pascal), il y a maintenant de plus de trois ans. C'était hier. Et croyez bien que je ne ressasse jamais ! Mais je pleure beaucoup. Ce qui est très différent .
La television et sa platitude ( merci Faik), voire sa prétention à se croire guérisseuse de nos maux m’a été bénéfique, car elle m’a permis d’occuper mon cerveau pendant une année, cerveau totalement implosé dont tout souvenir de mon mari avait disparu. C’était en soirée, car en journée, je ne me suis jamais arrêtée de travailler. D’une certaine manière, ces deux drogues ont, pour le moment, remplacé les somnifères et antidépresseurs.
Je dis pour le moment, car la mort et la maladie m’ont appris l’humilité de comprendre et admettre qu’on ne maitrise pas grand chose face à ces deux inéluctables de nos vies. On fait comme on peut, chaque minute et chaque heure et chaque jour et chaque nuit. Il n’y a pas de répit. La mort a gagné dès la première seconde et on ne négocie pas avec elle. On s’en accommode tant bien que mal.
Dans votre boîte à outils télévisuelle, vous semblez avoir des remèdes miracles ? Si vous y croyez vraiement, je ne vous donnerai qu’un seul conseil : gardez les précieusement et si vous en avez besoin un jour, revenez partager avec nous. Nous serons heureux de vous lire. Et si ces recettes miracles ne fonctionnent pas bien, si vous ressassez votre chagrin, nous vous accompagnerons car nous serons encore là. La mort n’a pas de limite sinon celle de notre propre vie.
Sans rancune, mais vous l’avez compris, avec de la colère. Et surtout, ne me repondez pas. Votre condescendance ne me fera pas sortir de mon silence une deuxieme fois. Mon televiseur est désormais éteint.
J’embrasse affectueusement toutes celles et tous ceux qui me liront et qui savent.
Milou.