Bonjour,
J'essaie de prendre mon courage à deux mains pour écrire en quelques mots mon histoire
Vos posts parlent déjà tellement de tout ce que je vis, je n'ai pas grand chose de plus à ajouter. Ca fait un bien fou de pouvoir vous lire, voir que ce que je ressens est à peu près "normal", que je ne suis pas folle, que je ne me complais pas dans la souffrance (quelqu'un m'a dit hier que je "sanctifiais" mon deuil). Que c'est un processus extrêmement compliqué, très individuel, et long. J'ai une terrible tendance à me culpabiliser et à me juger. Heureusement, j'ai des thérapeutes qui m'accompagnent et m'aident beaucoup. Mais parfois je m'en veux quand même, je me dis que d'autres personnes ont vécu des choses tout autatnt terribles, et s'en sortent mieux que moi. J'ai l'impression de ne pas faire assez bien, ou faux. Mais je ne sais pas quoi. J'ai parfois l'impression de faire tout faux dans ma vie. Enfin, ça c'est dans les moments où je suis découragée, où mes émotions prennent le dessus, où "l'enfant" en moi, comme dirait ma psy. Sinon, je suis bien sûre très raisonnable et sais que tout ça n'est pas vrai. Si seulement la raison pouvait convaincre les émotions ...
J'ai perdu mon compagnon il y a plus de 3 ans et demi, on n'était ensemble que depuis 2 ans. Mon parcours de vie a été passablement chaotique, une famille dysfonctionnelle, essayé de trouver un chemin harmonieux, un peu difficilement. J'ai la chance extraordinaire d'avoir un fils merveilleux, qui me soutient tellement. Divorcée jeune, changé régulièrement de boulot et de compagnon. Maladie chronique à 40 ans, il y a 10 ans, épuisée en permanence sans aucune raison. Alors que je suis d'une nature hyperactive et adore faire 10'000 choses, j'ai du passer la plus grande partie de mon temps à me reposer, une vraie torture pour moi, tellement je déteste ça. 8 ans et demi d'errance médicale avant d'avoir enfin un diagnostic (maladie de Lyme, version chronique, non reconnue). Je vais gentiment mieux sur ce plan-là, c'est lent, mais ça avance c'est super top. Dans ce chemin-là, j'ai aussi eu la chance de trouver des thérapeutes fantastiques qui m'ont permis de voir mes dysfonctionnements et de me repositionner de façon plus juste, plus harmonieuse. J'avais alors rencontré Pascal. Mon Pascal. Et pour la première fois de ma vie, j'ai pu commencer à construire une relation saine, équilibrée, qui aurait pu - au moins pour moi - durer enfin ... jusqu'à la fin de mes jours. Le rêve quoi. Pour la première fois de ma vie, je me sentais "à ma place", appréciée pour moi telle que j'étais, arriver à l'apprécier lui tel qu'il était exactement. Mes amis me disaient aussi particulièrement épanouie (enfin autant que possible avec la maladie). Une semaine avant l'accident, je le regardais (on visitait un fort sur une petite île) et je me disais : enfin, ça m'arrive, j'ai aussi enfin le droit d'être heureuse, de pouvoir "poser" mon coeur dans un endroit où il sera enfin en "sécurité". Et boum, une semaine après ...
Je ne pensais pas survivre, c'était simplement impossible, j'étais morte avec lui. La vie s'était arrêtée pour moi aussi. Mais il y avait mon fils, un véritable amour de personne. Alors, tel le robot qui "fonctionne" j'ai recontacté mes anciens thérapeutes, qui m'ont permis de traverser la violence de la perte, perte de l'amour, perte de l'espoir, perte de sens. Pendant une année, je n'ai pas existé. Après, lentement, gentiment, j'ai recommencé un peu à revivre.
Comme j'étais toujours très seule (ma famille toujours dysfonctionnelle et inexistante)(des amis bien dépassés par tout ça), et qu'avec la maladie je ne pouvais ni travailler ni beaucoup bouger, je m'occupais comme je pouvais sur mon ordi, portable posé sur les genoux, à bavarder sur le net. La première année et demi, j'ai fréquenté un forum de psychologie, sans tellement parler de moi, plutôt à écouter, parler relations en général, psychologie, ça m'a beaucoup aidée. J'allais aussi parfois sur des sites de rencontre, pas du tout envie de faire des rencontres amoureuses, mais j'aurais rêvé de nouer de nouvelles amitiés, de vraies amitiés, trouver quelqu'un qui puisse m'écouter et me comprendre.
En bavardant, j'ai noué une amitié avec un homme très sympa et intéressant. Il m'acceptait telle que j'étais, en gros. Il accpetait toutes mes fragilités, le deuil, la maladie. En gros. On a commencé à s'écrire tous les jours, à partager pas mal d'activités. On se "fréquentait", en tout bien tout honneur (barrière que j'avais besoin de mettre) et pendant de longs mois, c'est la personne avec qui j'ai partagé le plus de temps, de discussions, et mon coeur aussi (après mon fils bien sûr). On est partis en vacances aussi, dans la maison familiale. Là ça a été plus compliqué, je parlais trop de Pascal à son goût. Il avait probablement envie de passer à l'étape suivante, mais je n'étais pas encore prête. Et j'avais peur. J'ai mis pas mal de barrières. Quand notre coeur est tellement scrasché ... pas facile de prendre à nouveau le risque. On s'est donc pas mal "éloignés", mais chaque fois que j'étais par là, on continuait quand même toujours à se voir, à bavarder, partager repas, activités, pensées, idées. C'était toujours avec lui que je passais le plus de mon temps "disponible" (rare vu la maladie). En juillet de l'année dernière, on est encore allés au cinémaensemble. J'avais vraiment envie de lui dire à quel point je tenais à lui, même si je ne pouvais pas encore envisager autre chose. On a bavardé beaucoup, comme toujours, mais je ne lui ai rien dit, ça ne s'était pas vraiment prêté à ça, et ce n'était pas grave, je lui dirais la prochaine fois.
Une semaine après, le 27 juillet, il s'est crashé, avec son fils de 21 ans et des amis, avec un petit avion, activité qu'il pratiquait dans son temps libre par passion ...
Sur le moment, j'étais complètement sonnée, je ne pouvais y croire. Puis je me suis sentie pestiférée, à porter la poisse : surtout ne vous approchez pas de moi, si vous voulez vivre. A part ça, j'avais l'impression de réussir à ne pas sombrer, j'avais l'impression de m'en sortir plutôt bien. Heureusement - tellement heureusement - que nous n'étionsn pas en couple. Je ne m'en serais jamais relevée. Ce n'est que ce printemps que j'ai réalisé qu'en réalité j'étais totalement paralysée : en 6 mois, je ne voyais plus personne et ne faisais plus rien. Je m'étais entièrement fermée. Impossible d'entrer en communication avec qui que ce soit d'autre que mon fils. S'il m'a semblé au début normal que mes angoisses (peur qu'il arrive quelque chose à mon fils) se soient nettement accentuées, je n'avais pas réalisé non plus qu'aujourd'hui elles me figent complètement sur place. Je n'ose presque plus respirer. Chaque seconde, j'ai peur que la vie continue à m'enlever ce à quoi je tiens, même si j'ai réduit au minimum. J'angoisse en permanence, et prie au moins 10 fois par jour, tout, Dieu, le ciel, la terre, l'univers, les anges, la nature, je les supplie, de protéger mon fils. Même si je ne le lui dis pas et que j'essaie de lui faire porter le moins possible, prise de panique, si je ne vois pas qu'il s'est connecté à whatsapp pendant plusieurs heures, je lui demande des nouvelles. Et si je n'arrive pas à en avoir dans l'heure, je vais commencer à appeler tout le monde. Même si mon petit cerveau raisonnable me dit qu'il n'y a pas de raison de paniquer, c'est plus fort que moi, mon coeur s'arrête, mon souffle s'arrête et rien ne peut l'apaiser tant que je n'ai pas la confirmation qu'il va bien.
En 3 ans et demi, j'ai perdu 2 des 3 personnes les plus proches de moi, de façon brutale et inattendue.
Au cours de l'hiver et du printemps, j'ai aussi repris contact avec mes thérapeutes, et viens de commencer une thérapie d'emdr. Heureusement, sans eux, je n'y arriverais pas. Mais je me sens tellement seule avec tout ça, j'aimerais tellement pouvoir en parler encore et encore avec des personnes qui pourraient m'entendre et me comprendre, et me soutenir. Comment gérer toute cette angoisse ? Comment trouver des personnes avec qui parler, qui pourraient m'accueillir sans jugement, sans impatience, avec compassion et douceur ? Comment savoir si j'ai fait quelque chose de faux ? Pourquoi est-ce que la vie m'inflige tout ça ? Qu'ai-je fait de mal ?
Bien sûr bien sûr, la partie raisonnable de moi va me dire que ce nest pas de ma faute, c'est juste pas de chance, que je n'ai rien fait de mal ... mais alors c'est quoi le sens de tout ça ? (et voilà la partie émotionnelle de retour)
Enfin, merci à vous tous, vous lire me permet - par moments - de trouver de l'apaisement, et ces moments d'apaisement sont précieux
Bon courage à tous !