Dimanche. L'amie avec laquelle je devais sortir vers 15h cet après-midi m'appelle à 14h30 : problèmes familiaux, obligée d'annuler. Je n'avais pas de plan B. Je ne me suis jamais sentie aussi seule. Tout le monde a de bonnes raisons, mais plus personne n'est là.
Une autre, de ma famille, celle qui m'a soutenue, aidée, consolée h24 pendant les semaines d'hôpital et après, avec une force et une patience incroyables, m'a appelée une fois depuis trois semaines. Je peux comprendre que ç'ait été trop lourd pour elle et qu'elle ait besoin de prendre ses distances. Je peux tout comprendre, mais de là à accepter, supporter... Maintenant, elle m'envoie des mails et des lettres anodins où elle me raconte sa vie, des anecdotes (c'est peut-être supposé "me changer les idées") et ne me demande jamais comment je vais. C'est à dire qu'elle fait exactement comme les autres, "comme si de rien n'était", comme s'il ne s'était rien passé, comme s'il n'avait jamais existé, comme si j'étais pareille qu'avant. Alors qu'elle a vécu un deuil très douloureux et que nous en avons parlé des heures, qu'elle sait parfaitement ce que je traverse.
Son meilleur ami à lui, qui était là presque jusqu'à sa dernière heure, ne m'appelle pas et ne répond plus à mes mails. Peut-être qu'il m'associe tellement à ces moments très douloureux, à cette fin si terrible, qu'il préfère s'éloigner, voire couper les ponts.
Les méandres de l'âme humaine me sont de plus en plus obscurs. Quand des amis ou des membres de ma famille étaient en grande détresse, je ne les ai jamais laissés tomber, même si ce n'était pas facile.
La douleur physique est revenue me vriller les tripes, comme pour étouffer l'autre, celle qui dévore le coeur.
Le seul lieu pour le dire en temps réel (la psy c'est sur rendez-vous), quand il n'est pas possible d'appeler quelqu'un pour dire "Ça ne va pas du tout", c'est ici.
Le texte de qiguan en 2014 sur les raisons pour lesquelles les autres s'éloignent, était éclairant. Merci à tous ceux qui sont là.