Bonjour Bruno et Ergé,
Je pense qu'il s'agit surtout de la façon de chacun d'aborder les choses.
Vu par moi, une femme, bavarde de surcroit (ce qui est le propre des femmes, n'est-ce-pas !!), évoquer le père disparu n'a jamais été un tabou et j'ai voulu que mes enfants parlent aussi souvent que possible de l'absence de leur père, racontent leurs souvenirs, toutes les anecdotes qu'ils gardent en mémoire malgré leur jeune âge étayées par les K7 vidéos.
La mort de leur père est une "page" douloureuse de leur vie, mais elle a fait d'eux des enfants extra-ordinaires (dans le sens "qui ont vécu des choses pas ordinaires").
Je dois dire qu'ils sont tous les deux brésiliens adoptés, ce qui déjà au départ, compliquait notre tâche... la mort de mon mari a été une douleur de plus dans leurs jeunes vies. Mais j'ai toujours essayé de les valoriser par rapport à ce qu'ils ont vécu. Je leur dis qu'ils ont connu le pire, l'abandon 2 fois, mais que ça fait d'eux des enfants d'une force incroyable, parce qu'ils ont survécu à tout ça, et qu'ils le savent. Plus rien ne doit leur faire peur dans leur vie à venir, parce qu'ils ont "un train d'avance" par rapport à tous leurs copains.
Mon fils parle rarement de son chagrin à lui, mais il évoque avec plaisir les choses rigolotes vécues avec son père. Il a 12 ans et je sais que l'absence est irréparable dans son petit coeur.
Ma fille est plus ouverte, elle évoque son père sans problème. Mais elle refuse d'être cataloguée "orpheline" et peu de ses copains connaissent son histoire. Elle reconnait n'avoir aucun souvenir des premières années de deuil. Son année de 6ème, elle ne peut pas en parler, elle ne sait plus ce qui s'est passé... Elle raconte depuis peu qu'elle est brésilienne, parce qu'à 15 ans, forcément, ça en jette !!! (et les hormones des petits mâles adorent les filles exotiques !...).
Ils ne m'accompagnent plus au cimetière quand je vais nettoyer la tombe ou la fleurir, une ou deux fois par an. Je ne les y oblige pas.
Nous avons toujours essayé de discuter de leur père, assez régulièrement. Mais c'est comme chacun sent, selon l'humeur ou le temps, le contexte ou les circonstances.
Encore une fois, j'ai réagi par et pour mes enfants, je voulais plus que tout que "rien ne change" pour eux, même si tout avait changé. Et je me suis plongée dans la reconstruction de notre quatuor devenu trio, avec l'énergie du désespoir. Mais à la différence de vos enfants qui ont une vie sociale et des copines, les miens étaient très jeunes (7 et 11 ans) et avaient besoin de moi avant tout, et il fallait que je survive, et que m'en occupe.
Ca fait une différence...
Pour eux, les copains/copines arrivent seulement maintenant...
Et puis, je dois dire que 3 ans après la mort de mon mari, j'ai emmené les enfants vivre 1 an outremer. Tous les 3 pour une année sabbatique, qui a resserré les liens et nous a donné une respiration. Ca a été une "vraie" coupure dans notre deuil. Je voulais leur montrer que le monde est beau et qu'en dépit de leur chagrin, ils pouvaient encore vivre des choses formidables. Ca n'a pas tout réglé, loin de là, mais ils ont compris que la vie en valait la peine... et que tant qu'ils seront vivants, ça ne tient qu'à eux...
Bref, je les adore et ils resteront l'essentiel de ma vie tant qu'ils auront besoin de moi, et ils passent avant tout, même mon chagrin... "Les enfants sont des Princes en route vers l'aurore" (Montessori)
M.