Auteur Sujet: réinsertion après un deuil, travail et société  (Lu 32188 fois)

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Hors ligne tony36

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réinsertion après un deuil, travail et société
« le: 20 juin 2017 à 12:19:45 »
Voilà un peu plus de deux ans que j'ai perdu mon épouse.

Je ne suis passé sur le forum qu'en dilettante.
Comme beaucoup, j'ai des choses que je voudrais lui dire, mais j'ai choisi de le faire directement. Comme toutes et tous j'ai eu des hauts et des bas ainsi que des états d'âme. Je n'ai donc pas été particulièrement actif pendant ces deux années, j'ai engagé des projets personnels importants, j'ai peint.

J'ai repris le travail il y a quelques mois.

Et sur ce point, ça ne va pas du tout.

J'ai le sentiment de faire quelque chose de complètement inutile, insignifiant, voire de stupide (pas intellectuellement parlant mais sur la finalité du travail que je fais, bouffé aujourd'hui par des logiciels informatiques). J'en suis même arrivé à me demander comment est-il possible qu'on ne se révolte pas contre ces putains de logiciels, de règlements, de toutes ces choses qui étriquent l'esprit. Je me demande comment font les collègues pour ne pas voir que ce qu'ils font, ça ne sert à rien.

J'ai en plus des problèmes de mémoire et de concentration.

Je ne supporte plus du tout le stress qui se transforme en terreur (malgré moi, même si l'objet du stress est anodin).
Je n'apprécie plus les contacts humains à parler de la pluie et du beau temps au café par exemple, je déteste ces conneries de réunions faites pour occuper les gens ou certains semblent pourtant beaucoup s'amuser. J'ai l'impression que ces réunions sont des pièces de théâtre avec des gens qui parlent et qui ne servent à rien. 

On m'a dit que ça me ferait du bien le travail, moi je trouve que ça me fait du mal.

J'ai des préoccupations désormais trop décalés par rapport à mes collègues.

Je me suis par ailleurs engagé comme je disais sur des projets personnels importants et motivants, et je pense que j'avance malgré la douleur et le deuil toujours présents, que j'ai déjà bien engagé certains de ces projets, mais pour le boulot... c'est très alimentaire et ça me tire vers le bas, disons le franchement.

Aujourd'hui, j'en suis donc arrivé à cette réflexion :
il faut pouvoir vivre avec la douleur de la perte de l'être aimé et de tout ce qui est arrivé, ou mourir (sombrer), on y arrive tant bien que mal.
Pour certains, le travail est sans doute un échappatoire s il est motivant.

Comment faire lorsque ce n'est pas le cas ?

Au-delà du travail, la même question se pose pour la vie en société toute entière. Faut-il à tous prix vouloir s'y insérer "comme avant" ou est-ce une grossière erreur et faut-il faire avec ce qu'on est devenu ?

On voudrait que nous reprenions une vie "normale", ce que j'ai essayé de faire, mais j'en arrive à me demander si c'est vraiment possible.
Est-ce que ce n'est pas une erreur ?
Je me dis que concrètement, je devrais changer de métier pour me consacrer à des choses plus concrètes mais soyons réaliste, c'est beaucoup d'énergie (que je n'ai plus) et ce peut être financièrement un suicide surtout que je n'ai plus 20 ans.

Je ne sais plus quoi faire et personne autour de moi n'a la réponse. Je cherche, je veux bien combattre mais comment ?

Des professionnels m'ont aidé sur le plan psychologique et cela a été bénéfique (il y a le deuil et je souffre de stress post-traumatique), mais maintenant il s'agit de vivre au mieux dans la société et je ne vois pas trop comment faire. Je me sens bloqué.

Je réfléchis, je réfléchis, mais je ne vois pas quoi faire.

Bien sûr, je me concentre sur mes projets personnels, mais je fais plusieurs pas en arrière à chaque fois que je suis dans la société "normale" ou dans le travail et je rentre en me demandant ce que je fous là. Sur le long terme, j'ai peur que l'équilibre que j'ai réussi à trouver en vivant avec ma souffrance et mon deuil ne soit rompu par le quotidien.
 
Il y a des aides psychologiques que j'ai trouvé efficaces pour les gens qui ont vécu un drame ou un traumatisme, mais après j'ai le sentiment qu'il faut se démerder et qu'il n'y a pas grand chose pour nous aiguiller.

Voilà, je ne sais pas si certains ont trouvé des solutions ou s'il y en a d'autres dans la même situation.







Hors ligne qiguan

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Re : réinsertion après un deuil, travail et société
« Réponse #1 le: 20 juin 2017 à 21:36:56 »
Tony
j'aurai bien vu ton sujet dans la rubrique
http://forumdeuil.comemo.org/apres-la-grande-souffrance-la-reconstruction/

Citer
Voilà, je ne sais pas si certains ont trouvé des solutions ou s'il y en a d'autres dans la même situation.
chacun est unique
et trouve ses solutions en rapport avec qui il est devenu et a été

le travail ayant été un grande aide pour moi, je ne peux pas te dire quoi que ce soit pour ton cas
reçois mes meilleures pensées
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Hors ligne kompong speu

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Re : réinsertion après un deuil, travail et société
« Réponse #2 le: 20 juin 2017 à 23:08:31 »
Tony
Moi aussi j'ai bien des questions par rapport au travail , je ne travaille toujours pas mais je reprendrais au moins le temps de financer les études de ma dernière fille mais je sais que je me sens inutile
Pensées pour toi

Hors ligne souci

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Re : réinsertion après un deuil, travail et société
« Réponse #3 le: 21 juin 2017 à 00:29:57 »

   Tony,
   Je te rejoins fort bien dans tes remises en question du "sérieux" de la plupart des occupations contemporaines ...
   Bravo pour la peinture ...
   Art-thérapie à souhaiter non seulement pour soi, mais pour l'entièreté de ce pauvre monde qui perd la boule ...
   Accroche-toi à tes VRAIES valeurs, rejoins ceux qui sont capables de les partager ...
   Bien solidairement, Titine.
     

Hors ligne Denpaolig

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Re : réinsertion après un deuil, travail et société
« Réponse #4 le: 21 juin 2017 à 01:45:14 »
Bonsoir Tony,

Moi, j'entrevois déjà une réponse dans ton écrit... Tu te sens inutile.  Tu ne supportes plus les gens, les procédures du boulot qui amènent les gens à exécuter sans penser par eux-mêmes (je me demande si on ne serait pas collègues !!! lol)... Ton boulot est purement alimentaire... Ok, moi ça me parle tout ça... Et si tu envisageais de garder ton boulot alimentaire (b'en oui, faut bien manger et payer les factures de la peinture...) et de t'engager doucement, gentiment dans une association... Un truc qui ferait que tu te sentirais enfin utile ? Quoi ? B'en tu as le choix... Demandes-toi ce qui te ferait te sentir utile ? Aider des jeunes après l'école qui aurait du mal à faire leur devoir tout seul (j'ai fait du soutien scolaire une année dans une école primaire, par le biais de jeux c'était plutôt cool et valorisant), se lancer dans l'humanitaire (là, il n'y a que l'embarras du choix), proposer tes services  ou répondre à des demandes de tes voisins sur allovoisins. com par exemple... T'investir dans un club de lecture, de scrabble (on ne rigole pas, j'y ai joué en compétition 10 ans), de sport...
Bon, je te donne des pistes que je n'arrive pas encore à m'appliquer à moi-même mais je sais que je le pourrais à nouveau bientôt...
Je te souhaite de trouver un "truc" en dehors de ton travail qui t'apaisera et te fera te sentir en accord avec toi-même... 
Mes pensées les plus douces..
Muriel.

Hors ligne Alexandra

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Re : réinsertion après un deuil, travail et société
« Réponse #5 le: 21 juin 2017 à 11:30:27 »
Bonjour Tony,
je trouve que la réponse de Muriel est une vraie bonne piste. Je traverse la même chose que toi depuis que j'ai repris le travail 3 mois après avoir perdu mon compagnon. Et pourtant, qu'est-ce que j'ai bataillé pour l'avoir ce travail, c'était le boulot de mes rêves, la suite logique de ma thèse qui m'a prise aux tripes, le début d'une vie de rêve avec mon compagnon... Et voilà qu'une saloperie de cancer s'invite à la fête et tout s'écroule. J'ai quand même pris ce poste parce que je n'avais pas le choix, parce qu'aussi on me mettait la pression pour que je fasse quelque chose et je me suis sentie vide, inutile, en colère même contre ce travail qui m'avait volé l'amour de ma vie, j'avais tout fait pour avoir ce travail et je n'avais pas vu que mon amour déclinait juste à côté de moi.

J'ai passé des semaines entières à ne rien faire, à être incapable de me concentrer, à être heurtée par cette pièce de théâtre dont tu parles, avec toutes ces personnes qui se croient importantes parce qu'elles ont un peu de pouvoir entre les mains, qui oublient qu'il y a des êtres humains en jeu. Tout est remonté à la surface, cette souffrance je l'avais déjà connue pendant la thèse, j'avais failli tout planter un bon nombre de fois à cause de ça et je regrettais (et je regrette toujours) de ne pas l'avoir fait, parce que mon compagnon et moi avions pris la décision de vivre "plus tard" et qu'il n'aura pas de plus tard, ni pour lui, ni pour moi sans lui.

Il a fallu un électrochoc il y a quelques semaines, un dossier sur lequel j'avais trainé et le risque de ne pas garder mon travail pour me faire réagir. Je sais que je ne serai pas capable de chercher un autre travail, pas capable de répondre aux questions des entretiens d'embauche dans lesquelles on nous demande ce qu'on veut faire dans 5 ou 10 ans, je ne sais même pas ce que je veux faire dans une heure... Alors je m'accroche, je me détache de ces marionnettes humaines, ils ont leur histoire, j'ai la mienne et je sais que je ne pourrai plus faire semblant de vivre comme ils le font. Je prends ce qu'il y a de bon, ce travail m'a au moins emmenée dans une région où je peux reprendre des forces et il y a quelques dossiers auxquels je commence doucement à prendre goût.

Je n'ai pas d'autre solution à t'apporter, sinon celle, si tu en as la force, de construire un projet plus en accord avec celui que tu es maintenant. Tu n'as plus 20 ans, oui c'est vrai, mais tu n'as pas 70 ans non plus. C'est juste peut-être qu'il est difficile de se projeter quand tout s'est écroulé et que tout semble absurde... Mais puisque tu es là, puisque depuis quelques jours tu écris à nouveau sur le forum, alors j'ai envie de croire qu'à force d'écrire et de lire tu trouveras une solution. Pour te détacher de ce travail et qu'il reste à sa place de travail alimentaire sans te heurter ou pour commencer quelque chose d'autre, je te le souhaite.

Alex

Hors ligne tony36

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Re : réinsertion après un deuil, travail et société
« Réponse #6 le: 21 juin 2017 à 15:52:42 »
Je trouve vraiment cela lamentable.
Il y a des gens à qui l'on excuse tout, j'en ai autour de moi (des voisins qui hurlent à longueur de journée à qui l'on a fourni une belle maison pas chère etc...), et toi on te fustige au travail alors que tu vis un deuil.

Voilà le genre de choses que je ne tolère pas dans notre société qui s'avère bien hypocrite.
Moi par exemple, on me demande de reprendre le travail et tout, mais je n'ai plus le droit de m'assurer pour moi-même, mes proches ou pour un prêt bancaire comme je le voudrais car je suis passé par un stress post-traumatique.

Le problème va au-delà du travail, comment dire... C'est une question d'insertion dans le monde.
Sans vouloir jouer les idéalistes et les rebelles, je trouve que trop de choses fonctionnent de travers.

Je ne parle pas des "problèmes du monde", de l'écologie, de la famine, des guerres etc... Si je commençais à ne plus supporter ces fléaux ça serait invivable, je parle du quotidien.
La "merditude" comme je l'appelle.
Bien sur qu'on ne peut pas faire grand chose contre les "grands problèmes du monde", mais on pourrait au moins éviter d'être complètement cons au quotidien.
J'en ai marre des logiciels débiles au bureau et de la réglementation kafkaienne, des réunions.

Depuis plusieurs mois, j'ai fait comme toi, j'ai pris le parti de m'accommoder, mais je m'interroge vraiment sur la viabilité de ce choix sur le long terme quand je rentre du travail à bout de nerf.

Je me vois un peu comme une personne à qui l'on aurait coupé les jambes, est-ce qu'il doit absolument tout faire le plus possible "comme avant" et comme si de rien n'était, s'accommoder, ou au contraire gérer sa vie en fonction de son handicap. Pour l'instant je fais un peu des deux, mais le dosage est compliqué.


Hors ligne qiguan

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Re : réinsertion après un deuil, travail et société
« Réponse #7 le: 21 juin 2017 à 18:50:14 »
Même en ayant un travail passionnant on doit le gérer avec notre handicap de deuil
s'adapter aux situations
parfois c'est très lourd parfois je découvre que c'est aussi un booster pour continuer.

Ce qui me désole moi c'est les comportements humains "inhumains" du quotidien
exemple hier une cliente me met un sms annonçant son retard et à l'arrivée me raconte : une dame marchant avec deux cannes et ultra maigre refoulée de la caisse handicapée car n'a pas de carte ...
elle vient dans sa file et demande à passer la caissière dit de demander aux clients
bien sûr ma cliente accepte puis l'aide à pousser son chariot , à charger ...
et il y en a tant dans les transports en commun par exemple : vécu perso avec mes deux petites filles 2 ans et 4 ans et demi, pas de place personne se lève pour les laisser s'asseoir pour éviter le danger d'une chute elles n'ont pas les mains assez grandes pour tenir quoi que ce soit à leur hauteur ... et le chauffeur qui démarre et freine sans douceur ...
Les parents garés sur les trottoirs pour aller prendre leur enfant à l'école ... obligeant les autres à mettre leur enfant en danger en passant sur la chaussée ...

Mais toutes ces choses qui s'exacerbe avec le deuil, existe hélas, en dehors ... société moins humaine qu'avant ... depuis quand ?

Mais revenons au travail : supporter une situation difficile avec l'idée de faire ailleurs autre chose est une bonne piste mais va prendre beaucoup d'énergie pas toujours là en début de deuil ...
affectueusement à vous
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Hors ligne Alexandra

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Re : réinsertion après un deuil, travail et société
« Réponse #8 le: 22 juin 2017 à 00:39:09 »
Bonsoir Tony, bonsoir Qiguan,
Oui il s'agit bien de ça, de ce handicap qu'a créé le deuil. Avant, j'aurais trouvé mon travail passionnant, j'aurais eu le sentiment d'être utile, c'est loin d'être un travail alimentaire. Et ils ont été très patients avec moi, ils ne peuvent pas signer un CDI s'ils n'ont pas la certitude que je suis assez solide, ça se comprend très bien et c'est à moi de m'accrocher pour les convaincre que ça vaut la peine.

Mais la réalité, c'est que tout a changé avec la mort de mon compagnon, plus rien de ce qui avait un sens n'en a, plus rien n'a de sens d'ailleurs. C'est moi qui me sens vide et inutile et c'est moi qui suis encore plus hypersensible qu'avant. Je vois encore plus qu'avant les absurdités de certains comportements, de certaines choses qu'il faut faire et tout ça me heurte, il y a déjà tellement de souffrance, je ne comprends pas pourquoi il faut en rajouter.

Je ressens aussi ce deuil comme une amputation, l'image des jambes coupées me parle terriblement. Et on peut faire le choix de remarcher avec des prothèses ou de rester dans un fauteuil roulant, mais jamais on ne pourra remarcher avec nos jambes. Alors oui, nous devons gérer notre vie en fonction de ce handicap mais comme le dit Qiguan, ça demande une énergie que nous n'avons pas forcément, que ce soit en dehors du travail ou au travail.

Je pense juste qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter de la douleur à la douleur, qu'un travail alimentaire ou pour lequel on n'arrive plus à trouver un intérêt, c'est déjà un problème de moins (pour remplir le compte en banque, éviter les jugements extérieurs de ceux qui croient qu'on se laisse aller, etc). C'est peut-être juste une étape avant d'avoir l'énergie et l'envie de faire autre chose. C'est peut-être une autre façon d'user son chagrin en en découvrant une autre facette, celle de cette personne qu'on n'est plus et de celle qu'on n'est pas encore. Il y a peut-être quelque chose d'utile à tirer de toutes ces questions même si j'ai bien du mal à identifier quoi et à savoir à quoi ça sert, puisque ça ne me ramènera pas mon compagnon.


Hors ligne qiguan

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Re : réinsertion après un deuil, travail et société
« Réponse #9 le: 22 juin 2017 à 10:09:14 »
Citer
user son chagrin en en découvrant une autre facette, celle de cette personne qu'on n'est plus et de celle qu'on n'est pas encore
et cela dure longtemps
ne ramènera pas le compagnon l'aimé perdu
mais participe malgré nous au processus de résilience qui existe hors de notre volonté !
....
oui marcher avec des prothèses c'est ça ... voire courir, sauter ... en les cachant ... en être satisfaite()s mais aussi un peu plus anéanti(e)s
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Hors ligne tony36

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Re : réinsertion après un deuil, travail et société
« Réponse #10 le: 22 juin 2017 à 10:25:52 »
Je vois encore plus qu'avant les absurdités de certains comportements, de certaines choses qu'il faut faire et tout ça me heurte, il y a déjà tellement de souffrance, je ne comprends pas pourquoi il faut en rajouter.


C'est exactement ce que je ressens.

L'image de l'amputation, c'est pour dire qu'avant, j'étais radicalement différent. Je me sens fragile, fatigué, et je dois prendre sur moi (faire des heures de train pour des réunions etc...) alors que ça me demande beaucoup d'efforts. En plus, en l’occurrence, ces efforts n'ont pas vraiment d'utilité.
C'est juste que je fais partie d'un système qui s'auto-alimente mais on ne crée rien. C'est désolant d'employer beaucoup d'énergie à brasser du vent.

L'amputation, comme tu le dis Alexandra, c'est bien sûr le fait d'être comme handicapé. Mais un handicap émotionnel et ce n'est pas évident à gérer. Quand on a les jambes coupées, on est en fauteuil ou avec des prothèses, c'est clair, nous, avec un handicap émotionnel, la solution est bien moins évidente...

J'entends bien qu'il ne faut pas en plus sombrer professionnellement parlant en lâchant tout, en faisant n'importe quoi, en se lançant dans des projets fantasques... Mais l'équilibre est difficile à atteindre. Et surtout, que faire ?

J'ai trouvé qu'il y avait des structures efficaces pour les gens psychologiquement en souffrance, l'ayant vécu, mais c'est dommage qu'ensuite il n'y ai pas de dispositif pour guider un peu les personnes qui ont vécu certaines choses.
Un peu comme on aide les personnes handicapées physiquement à se réinsérer.

Moi je ne demande qu'à avancer mais je ne sais pas trop comment.

Je sais bien que la société est dure sur le plan professionnel, alors elle ne s'embarrasse pas de ce genre de situations car celles-ci sont minoritaires. Ou alors elle préfère fermer les yeux sur le problème.
Cela dit, sans vouloir extrapoler, la fragilisation des individus au sein de la société me semble être un vrai problème. Preuve en est le nombre de personnes qui "pètent les plombs".

En attendant, tu as raison Alexandra, il ne faut pas rajouter de la douleur à la douleur et il faut s'accrocher sur son travail "alimentaire" en attendant de trouver l'énergie de faire autre chose (mais vient toujours la même question : et quoi ? car il faut bien remplir son compte en banque).


Hors ligne souci

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Re : réinsertion après un deuil, travail et société
« Réponse #11 le: 22 juin 2017 à 13:28:55 »

    Il y a le travail alimentaire,
    le travail élémentaire,
    et enfin, le vrai travail ...
    Bien solidairement, M.

   
            Travail bienheureux

                Chloe Douglas


                  Je choisis
         la marche en arrière
      pour arriver au sommet
            de mes pensées.

    Pour ce moment de liberté,
       Je grimperais trois fois,
            et chaque fois
        d’un différent coté.

             Je n’ai besoin
                de luxes
          pour me sentir
              satisfaite.

            Seulement
              le travail
que je dois faire dans ma tête
      me donne des espoirs.

        Et qu’importe la sueur
           pour comprendre
               que j’existe
    dans ce monde éphémère.

    je n’ai pas besoin de gloire,
           aucune jalousie,
          tout est possible
     dans mon esprit libre.

        L’union humaine
       est une merveille,
   avec du travail devient
      le miel de l’abeille.

   Chloe Douglas, 2010

Hors ligne Mononoké

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Re : réinsertion après un deuil, travail et société
« Réponse #12 le: 22 juin 2017 à 22:02:05 »
Bonsoir Tony, bonsoir tout le monde,
tes mots font écho !!

On m'a dit que ça me ferait du bien le travail, moi je trouve que ça me fait du mal.

J'ai des préoccupations désormais trop décalés par rapport à mes collègues.

, mais pour le boulot... c'est très alimentaire et ça me tire vers le bas, disons le franchement.
...
Comment faire lorsque ce n'est pas le cas ?


lorsque je suis au boulot, je me demande ce que je fais là
à la question matinale "ça va?" j'ai envie d'hurler.....

bien affectueusement
"Tu ne sais jamais à quel point tu es fort jusqu'au jour où être fort reste la seule option". B. Marley

"Un arbre qui s'abat fait beaucoup de bruit ; une forêt qui germe, on ne l'entend pas." Gandhi

Hors ligne Denpaolig

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Re : réinsertion après un deuil, travail et société
« Réponse #13 le: 22 juin 2017 à 22:54:31 »
Je suis en arrêt de travail depuis le jour de la mort de mon mari, soit  2 mois dans 2  jours... Je suis passée sur mon lieu de travail pour déposer des papiers mais j'avoue que j'ai hâte de reprendre le travail. Je n'aime absolument pas ce que je fais, je n'y comprends rien. Je peux rester devant certains dossiers toute la journée sans comprendre ce qu'on me demande de faire !!!). Je travaille dans un service financier d'une grande entreprise privée qui gère des fonds publics et j'ai appris il y a peu qu'on m'avait mise là pour faire chier un des sous-directeurs. Je te laisse imaginer l'ambiance, Tony ! Comment bien faire chier un sous-directeur ? Et bien imposez-lui une salariée incompétente et faisons-les bien chier surtout... Alors pour le coup, le grand directeur a obtenu le départ du sous-directeur mais ne peut pas, soi-disant me mettre ailleurs... Je sais qu'il voudrait que je craque et que je parte de moi-même mais comme tu dis si bien Tony, on ne lâche pas un boulot même alimentaire ! Je travaillais déjà pour cette entreprise avant mes ennuis de santé mais mon service était sur un autre site et avec des équipes différentes, j'y exerçais un métier que j'aimais énormément. Là, je traite des demandes de financement. Moi, la finance ! Je ne suis déjà pas foutue de faire mes comptes alors ceux des autres !!! On me demande de faire de l'analyse financière sur certains dossiers, je ne comprends fichtre rien à ce que l'on me demande !!!  Mais c'est vrai, j'ai hâte de reprendre le boulot. Parce que ça voudra dire que je suis prête à nouveau de mener une vie sociale... Je suis très souvent confuse, ma concentration est nulle, je n'ai pas encore réussi à lire un bouquin (ma passion !), je suis à fleur de peau mais point de vue de la confusion, je me dis que même avec mon cerveau d'avant la mort de mon mari, je n'arrivais pas faire mon travail correctement donc allons-y gaiement, ça ne changera rien !!!! MDR ! Je dois reprendre mon travail à la fin du mois. Je vais déjà passer par la case médecin référent puis médecin de la médecine du travail et on verra... Comme toi, je vis les mêmes affres au boulot : réunions de service interminables et inutiles, procédures qui changent souvent, guéguerre des chefs pour le pouvoir mais je n'ai pas le choix. Je suis reconnue personne handicapée par la MDPH depuis 2011. Ce que je sais faire et que j'aime faire m'est interdit à présent... Alors, je dois me résigner... J'ai trois enfants de 18, 14 et 11 ans que je dois élever seule maintenant avec un salaire de misère... Pas d'autres solutions... En tout cas, s'il y en a, je ne les ai pas encore trouvées...
 Peut-être peux-tu demander à faire un bilan de compétence qui t'ouvrirait des voies possibles...

Bon courage à toi Tony...

Muriel.

Hors ligne Ela

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Re : réinsertion après un deuil, travail et société
« Réponse #14 le: 23 juin 2017 à 00:36:06 »
Bonsoir Muriel, Mononoké, Tony et tous les autres... Je n'ai pas de réponse à cette fameuse question du travail... et plus largement, à la question de ce qui nous lie encore à cette société... Comment faire... Quelle attitude adopter? J'ai une pensée toute particulière pour celles et ceux qui matériellement n'ont vraiment pas le choix. Qui doivent gérer cette urgence là, malgré l'urgence de leur propre souffrance qui ne leur laisse pas de répit...  Moi j'étais sans emploi quand mon chéri est parti. Je m'étais installée avec lui quelques mois auparavant, et je cherchais du travail en tant que travailleuse sociale. Ensuite, n'étant pas en activité... je n'ai pas eu la force de chercher. J'ai été recueillie par mes parents. J'ai eu cette chance... Je sais que c'en est une. D'autres ne l'ont pas eue.
Je ne regrette pas ces mois d'inactivité... Ça a été terrible, d'avoir toute cette plage de temps libre devant moi chaque jour pour me rappeler, à chaque seconde, ce qui était arrivé... Mais ça aurait été terrible de toutes façons... Et je ne regrette pas, car même si j'ai du mal à m'en rendre compte la plupart du temps, je sais que le mode de vie quasi monastique qui est le mien depuis 14 mois m'a permis de jeter un éclairage nécessaire sur ma souffrance... Sur mes failles: celles que je porte en moi et qui se sont réouvertes, élargies avec le départ de mon amour. Mais qui étaient là avant lui. Ces 14 mois d'immobilité et de silence m'ont aussi donné accès à des ressources... Je ne sais pas bien quoi faire de tout ça... Je me sens perdue comme je l'ai écrit dans une autre discussion... mais j'ai tenté de ne pas fuir, ni enfouir trop de choses...
Après, je sais aussi que le travail, quel qu'il soit, peut être une stratégie pour canaliser un temps soit peu toutes ces pensées douloureuses, ces ruminations qui nous assaillent.... Une façon aussi de ne pas rompre tout lien avec la  "réalité des autres"... Une stratégie qui ne fait pas de miracles... Mais si les solutions miracles existaient....
Après, pour ce qui est de la recherche du sens... et de cette sensation d'absurdité et de décalage qui nous assaille lorsque nous sommes confrontés au monde extérieur... Je pense qu'elle est présente quoi que l'on fasse. Le fait de reprendre le travail rapidement et la nature de ce travail doivent sans doutes plus ou moins accentuer ce sentiment de décalage... Mais il est là de toutes façons... Nous sommes, que nous le voulions ou non, dans une autre dimension où les banalités du quotidien n'ont plus autant d'importance... Où beaucoup de choses nous apparaissent dans toute leur vacuité, leur superficialité... Où la fausseté et l'hypocrisie de nombreuses situations nous saute aux yeux et nous agresse... La notre souvent en premier lieu...
Moi même je me demande ce qu'il faut faire de tout ça... La question se pose dans nos choix relatifs au travail... mais bien au delà...
Quoi que vous fassiez, décidiez... je vous envoie toute mon affection, et un peu du courage que j'aimerais moi-même avoir ^^.
Prenez soin de vous.